LAREPPE Pierre, Antoine

Par Didier Bigorgne, Claude Pennetier

Né le 10 octobre 1897 à Vireux-Molhain (Ardennes), mort le 10 décembre 1972 à Nouzonville (Ardennes) ; ouvrier mouleur ; syndicaliste et militant communiste ; secrétaire régional du Parti communiste des Ardennes (1933 - 1936) ; maire de Nouzonville (1935 - 1940, puis 1945 - 1953) ; député des Ardennes (1936 - 1940, puis 1945 - 1951 et 1956 - 1958).

Fils de Jules Lareppe, ouvrier mouleur, et de Marie Masson couturière, Pierre Lareppe entra à l’âge de treize ans au petit séminaire de Vouziers (Ardennes). Six ans plus tard, ses parents le faisaient embaucher comme apprenti mouleur à Aubrives.

En 1919, Pierre Lareppe vint dans la région parisienne et travailla chez Renault à Boulogne-sur-Seine. Le 16 novembre 1920, à Paris (Xe arrondissement), il épousa Stéphanie Jeanne Ditemann, sans profession, qui lui donna trois enfants, deux filles et un garçon. Après avoir fréquenté les milieux anarchistes pendant un an et demi, il adhéra à la CGTU en 1921, puis au Parti communiste en septembre 1922.

De retour dans les Ardennes en 1924, Pierre Lareppe milita dans une cellule communiste de Vireux-Molhain et devint le dirigeant communiste de Fumay. Il commença à écrire des articles dans l’hebdomadaire régional du Parti communiste, l’Exploité, à partir de 1926. Son parti le présenta à deux élections en 1928. Il fut d’abord candidat aux élections législatives des 22 et 29 avril dans la circonscription de Rocroi. Il recueillit 1746 voix sur 13352 inscrits et 11868 votants au premier tour devançant ainsi le maire socialiste SFIO de Revin, Émile Latour de 392 voix, mais il n’obtint que 1094 suffrages sur 11782 votants au scrutin de ballottage. Aux élections des 14 et 21 octobre pour le conseil général, il se présenta dans le canton de Fumay. Il recueillit 410 suffrages sur 4115 inscrits et 2971 votants au premier tour, puis il échoua au second tour avec 222 suffrages sur 3338 votants. Interdit d’embauche dans les usines métallurgiques de la vallée de la Meuse en raison de ses activités politiques et syndicales, il succéda au printemps 1929 à Raoul Barrette au secrétariat de la Région communiste du Nord-Est à Reims. À ce titre, il dirigea L’Exploité.

Les rapports de Pierre Lareppe avec la direction nationale du Parti communiste, en particulier avec Barbé et Celor, furent très mauvais. Il quitta le parti en 1930 et retourna à l’usine. Son ami ardennais, Albert Vassart, alors membre du Bureau politique, le fit réintégrer en 1931. Pour autant, Pierre Lareppe ne rentra pas dans le rang. À la conférence régionale tenue à Reims en février 1932, il critiqua l’application mécanique de la tactique « classe contre classe » lors des élections législatives de 1928 et souhaita que cette erreur ne se répétât pas. Aussi ne fut-il pas choisi comme candidat pour les élections législatives des 1er et 8 mai 1932, et ce fut Clément Pierlot qui représenta le Parti communiste dans la circonscription de Rocroi. Toutefois, Pierre Lareppe, bon orateur, participa activement à la campagne électorale dans la première circonscription de Mézières en portant la contradiction aux concurrents de Pierre Caralp.

Secrétaire-trésorier du rayon communiste de Vireux-Molhain qui, selon la police, comptait sept cellules et quatre-vingt quinze adhérents en 1932, Pierre Lareppe devint secrétaire de la Région communiste des Ardennes à sa création en 1933. En septembre 1934, il était entouré d’Émile Galatry (secrétaire adjoint), de Léon Dachy (trésorier) et de Clément Pierlot, André Compain, Jules Fuzellier et Maurice Jean (membres du bureau). Aux élections des 7 et 10 octobre 1934 pour le conseil général, Pierre Lareppe fut de nouveau le candidat de son parti dans le canton de Givet ; il fut éliminé au premier tour en obtenant 536 voix sur 3240 inscrits et 2556 votants. Il représenta aussi le Parti communiste à l’élection législative partielle des 28 octobre et 4 novembre 1934 dans la circonscription de Sedan : avec 2220 voix sur 15947 inscrits et 13087 votants, il échoua au premier tour. Enfin, il quitta sa fonction de secrétaire de la Région communiste des Ardennes en 1936, pour être remplacé par Émile Galatry.

Resté un syndicaliste actif au sein de la CGTU, Pierre Lareppe avait participé aux grèves de Revin en 1932. Il soutint le mouvement des chômeurs de Nouzonville à partir de 1934, il participa au congrès de l’Union départementale des chômeurs ardennais le 27 janvier 1935 à Charleville, il fut l’un des organisateurs de la « marche de la faim » des 22 et 23 février 1935 pour exiger l’ouverture de grands chantiers et du fond de chômage national. La manifestation qui s’acheva devant la préfecture des Ardennes se heurta à des forces de police considérables. Avec les principaux responsables de la marche, les communistes André Compain et Clément Pierlot, et le cégétiste Camille Génon, Pierre Lareppe fut arrêté et condamné à trois francs d’amende à l’audience de simple police du 28 mars suivant pour n’avoir pas respecté l’arrêté préfectoral du 30 janvier 1935 interdisant la manifestation.

Après la victoire de la liste communiste aux élections municipales des 5 et 12 mai 1935, Pierre Lareppe devint maire de Nouzonville. Invalidé par un arrêté du Conseil de Préfecture interdépartemental, il fut réélu le 15 décembre 1935 avec un nombre de voix accru. Entre temps, il s’était livré à une violente polémique avec le préfet des Ardennes. Malgré l’interdiction préfectorale d’inaugurer une place Henri Barbusse le jour du 11 novembre 1935, il organisa un rassemblement avant la cérémonie officielle et pria l’assistance de considérer la place officiellement inaugurée. Dans son discours, il condamna les ordres du préfet comme une provocation nouvelle, il s’insurgea contre l’administration préfectorale, la police et la gendarmerie avant de défier directement le préfet des Ardennes en affirmant que « désormais l’attitude conciliante observée au cours de ces dernières semaines par son parti avait vécu, cette attitude étant considérée par les pouvoirs publics comme une preuve de faiblesse ». L’élection de Pierre Lareppe fut de nouveau annulée le 29 janvier 1936, mais le Conseil d’État, dans sa séance du 23 décembre suivant, le rétablit dans sa fonction.

Aux élections législatives d’avril-mai 1936, Pierre Lareppe fut élu député des Ardennes. Candidat de son parti dans la deuxième circonscription de Mézières, il arriva en tête au premier tour avec 4 752 voix sur 16 399 inscrits et 14 202 votants devançant ainsi le député sortant socialiste Charles Boutet (3 916 voix) ; il l’emporta au scrutin de ballottage en recueillant 7 106 suffrages sur 14 223 votants. À la Chambre des députés, Pierre Lareppe siégea aux commissions des Douanes, de l’Armée et de l’Alsace-Lorraine. Il intervint dans les discussions budgétaires sur le projet de loi relatif à l’organisation de la Nation en temps de guerre. Pendant la guerre d’Espagne, le Parti communiste lui demanda d’assurer des liaisons avec l’état-major des Brigades internationales.

Arrêté le 8 octobre 1939, Pierre Lareppe fut déféré avec vingt-six autres députés communistes devant le 3e conseil de guerre de Paris en mars 1940. À cette date, l’Assemblée nationale l’avait déchu de son mandat depuis le 20 janvier 1940 pour appartenance à une organisation dissoute par le décret du 26 septembre 1939. Pierre Lareppe fut emprisonné à Angers, Tours, Tarbes, Le Puy (où il projeta une évasion) et enfin à Maison Carré (Alger) jusqu’au 5 février 1943. Après sa libération, il s’occupa de la propagande communiste en Algérie.

À son retour dans les Ardennes, Pierre Lareppe retrouva son poste de maire à Nouzonville. Réélu au premier tour le 29 avril 1945, plus difficilement au second tour aux élections municipales des 19 et 26 octobre 1947, il conserva son mandat jusqu’au 3 mai 1953, scrutin où la liste communiste fut battue par une liste de coalition Parti socialiste SFIO-MRP. Dans le même temps, Pierre Lareppe redevint député des Ardennes le 21 octobre 1945. Réélu aux élections de la seconde Assemblée constituante le 2 juin 1946, puis aux élections législatives du 10 novembre suivant, il siégea à l’Assemblée nationale dont il fut membre de la commission de la Reconstruction jusqu’au 17 juin 1951. À ce scrutin, le Parti communiste, bien qu’arrivé en tête en recueillant 21,70 % des électeurs inscrits fut privé d’élu par le système des listes apparentées (Parti socialiste SFIO, Parti radical, MRP. et CNI) qui additionnèrent leurs voix. Aux élections législatives du 2 janvier 1956, avec 153 003 voix sur 164 654 inscrits et 138 498 votants, le Parti communiste arriva en deuxième position derrière le Front républicain (185 855 voix) ; Pierre Lareppe redevint député des Ardennes. Il perdit son siège le 30 novembre 1958. Candidat dans la deuxième circonscription de Charleville-Rocroi, il arriva en tête au premier tour en obtenant 10 540 voix sur 59 424 inscrits et 46 483 votants ; il rassembla 14 454 suffrages sur 47 841 votants, mais il fut battu par le candidat MRP, Maurice Blin. En mars 1956, Pierre Lareppe avait voté les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet pour rétablir l’ordre en Algérie, mais il protesta contre cette décision au sein du Parti communiste.

Dans le même temps, Pierre Lareppe eut un parcours chaotique au sein de la fédération des Ardennes du Parti communiste. Il navigua entre le secrétariat fédéral (du 4 février 1952 au 1er mars 1953, puis du 16 mai 1954 au 2 juin 1957) et le bureau fédéral (1er mars 1953 au 16 mai 1954), pour finir membre du comité fédéral du 2 juin 1957 au 31 juin 1959). Surtout, il entretint des désaccords politiques avec son parti qu’il n’hésitait pas à afficher publiquement. Pierre Lareppe fut exclu en mai 1961. Il soutint alors le groupe oppositionnel « Unir ». Membre de l’Amicale des Anciens du PCF. et secrétaire de la publication Débat communiste, il participa en 1964 au Comité pour la réhabilitation d’André Marty.

La compagne de Pierre Lareppe, Georgette Guardiola-Lafagne*, employée sténo-dactylo de profession, suivit le même itinéraire dissident. Elle avait adhéré au Parti communiste en 1944. Elle avait été membre du comité fédéral des Ardennes du 24 février 1952 au 1er juillet 1956, puis du bureau fédéral jusqu’au 2 juin 1957. Elle avait occupé la fonction de secrétaire départementale de l’Union des femmes françaises de 1947 à 1954. À la mort de Pierre Lareppe en décembre 1972, Unir-Débat la présenta comme sa compagne de vingt-sept années de luttes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89862, notice LAREPPE Pierre, Antoine par Didier Bigorgne, Claude Pennetier, version mise en ligne le 28 octobre 2010, dernière modification le 17 mai 2017.

Par Didier Bigorgne, Claude Pennetier

SOURCES : Arch.Nat. F7.13130 et 13132. — Arch. Dép. Ardennes, 1 M 15, 1 M 38, 3 M 5,7,8 et 9. — Archives du comité national du PCF. — L’Exploité, 1933 à 1936. — Liberté, 1944 à 1958. — Débat communiste, 1962 à 1964. — Unir-Débat, n° 73, 10 janvier 1973. — Presse locale. — Notice DBMOF par Jean Maitron et Claude Pennetier. — Renseignements fournis par Jean Lareppe, fils de l’intéressé. — État civil de Vireux-Molhain.

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