PINSEC Pierre-Louis

Par François Prigent, Jean-Yves Michel

Né le 14 février 1897 à Poullaouen (Finistère), mort le 5 octobre 1982 à Gourin (Morbihan) ; propriétaire-exploitant ; maire SFIO (1925-1929 puis 1945-1959) puis conseiller municipal (1965-1971) de Plounevezel ; candidat SFIO aux législatives de 1951 et 1956 ; candidat SFIO aux cantonales de 1955 ; militant socialiste et laïque.

Rapatriement du corps de Jean-Marie Le Gall au début des années 1950
Rapatriement du corps de Jean-Marie Le Gall au début des années 1950
Aux côtés des membres de la famille du résistant déporté, on peut voir au centre Tanguy-Prigent, derrière lui à gauche Pierre-Louis Le Pinsec et à l’extrême-droite de la photo Pierre Postollec, maire socialiste de Carhaix.
[photo transmise par Guy Cotty]

Fils d’un propriétaire-exploitant de Poullaouen, Pierre-Louis Pinsec fut élève de l’école privée de Saint-Trémeur (frères de Lamennais) de Carhaix. Ancien combattant de 1914-1918, il avait été très marqué par les mutineries de 1917. Propriétaire agricole assez aisé (il exploitait une ferme de 21 hectares en 1960), il adhéra à la nouvelle section SFIO de Plounevézel, fondée par l’instituteur anticlérical, Jean-Louis Guillemin (né en 1879, issu des réseaux républicains et LDH) qui était également secrétaire de mairie (1913-1940).
Signe d’un glissement précoce des réseaux radicaux vers les milieux socialistes dans cette région du Centre-Bretagne, la liste SFIO était seule en lice lors des municipales de 1925. A 28 ans seulement, Pierre-Louis Pinsec devint donc maire de Plounevézel, à la suite de Yves Mével, élu sans discontinuer depuis 1908. La fédération SFIO comptait alors seulement 8 maires socialistes à Brest (Louis Nardon), Le Relecq (Michel Le Calvez->107756]), Lambézellec (Michel Hervé), Morlaix (Guillaume Châtel), Pont-Labbé (Charles Le Bastard), Saint-Marc (Louis Madec) et Sibiril (Yves Bervas).
Le clivage laïque était central dans les enjeux politiques locaux. Ainsi, deux grandes querelles opposent le maire SFIO au curé : la quête de beurre, le remplacement d’une des cloches de l’église paroissiale. Exaspéré, le recteur de Plounévézel appela en privé le maire « bara seac’h », (littéralement « pain sec »), jeu de mots sur son patronyme, qui en breton francisé (« pen seac’h » = pinsec) signifie « tête maigre ».

En 1929, ayant dû quitter l’exploitation agricole qu’il tenait en fermage pour une autre ferme à Poullaouen, Pierre-Louis Pinsec ne se représenta pas aux élections municipales. Mais son premier adjoint, Pierre Le Norgant (agriculteur aisé) conserva néanmoins la mairie en 1929 pour le compte de la SFIO. A nouveau candidat aux municipales en 1935, Pierre-Louis Pinsec fut battu, comme l’ensemble de la liste socialiste, par l’ancien maire radical, catholique, allié à la droite.

Durant la guerre, Pierre-Louis Pinsec appartenait aux réseaux de résistance Libération-Nord, mis en place par Tanguy-Prigent, qui en était le responsable à l’échelle régionale. Localement, il épaulait Jean-Marie Le Gall (SFIO également, né en 1907), arrêté le 22 juin 1944 et mort en déportation à Neuengamme. En 1945, Pierre-Louis Pinsec conduisait logiquement la liste SFIO, qui devança nettement les listes communistes (dont la tête de liste Jean-Marie Hervé fut intégrée sur la liste socialiste entre les deux tours) et conservatrice.

Au renouvellement de 1947, les socialistes l’emportèrent face à la concurrence du MRP mais aussi du PCF, très implanté dans ce secteur du Cléden-Poher (23 communes). En effet, il existait un vrai réseau d’élus communistes locaux, composé notamment du député Alphonse Penven à Huelgoat, des conseillers généraux Louis Hémery à Leuhan, Roger Thomas à Spézet et des maires Pierre Kernéis à Carhaix, Thélant à Landeleau, Jean Riou à Saint-Goazec, Guingant à Berrien, Conner à Scrignac.

En juin 1951, la liste SFIO obtint 16,1 % des suffrages exprimés et 2 élus (Tanguy-Prigent et Eugène Reeb) lors des législatives, Pierre-Louis Pinsec figurant en avant dernière position, aux côtés de Hervé Mao, Marie Jacq, Charles Fourmel, Louis Huitric, Robert Arnault, Hervé Le Corre et Jean Floch.

En janvier 1952, il signa l’appel du Mouvement pour la Paix. En 1953, ce notable SFIO n’eut aucune difficulté à faire passer sa liste en bloc pour entamer un 4e mandat de maire. Candidat aux cantonales en avril 1955, Pierre-Louis Pinsec arriva en troisième position au 1er tour, derrière le sortant Lancien (RPF), ancien sénateur et président du conseil général) et le maire communiste de Spézet, Roger Thomas (directeur d’école). Symbole des divisions féroces entre SFIO et PCF dans le Finistère, Pierre-Louis Pinsec se maintint au second tour dans une triangulaire, sans profiter du désistement du bout des lèvres du candidat radical. Roger Thomas fut donc élu conseiller général de Carhaix, siège détenu entre 1945 et 1949 par la SFIO (Pierre Postollec). Le groupe socialiste de l’assemblée départementale restait donc composé de trois membres seulement (Tanguy-Prigent, François Manach, Yves Le Lann) tandis que le PC disposait toujours de deux sièges (défaite à Concarneau).

En 1956, Pierre-Louis Pinsec figurait à nouveau sur la liste SFIO aux législatives, qui conserva ses deux députés (15,6 % des voix, Tanguy-Prigent et Hervé Mao). Il était alors placé en 6e position aux côtés de Eugène Reeb, Robert Gravot, Louis Huitric, Robert Arnault, Marie Jacq, René Heise et Ary Fichez.

En revanche, l’usure du pouvoir socialiste municipal se fit sentir en 1959 à Plounévézel. La liste Pinsec fut en effet balayée par une liste dissidente d’ouverture, impulsée notamment par des adjoints socialistes (notamment le gros propriétaire Isidore Offret, qui devint maire ou le fils de l’ancien maire SFIO Le Norgant).

Comme la majorité des réseaux d’élus SFIO du Finistère en dehors du Trégor morlaisien, Pierre-Louis Pinsec ne suivit pas Tanguy-Prigent dans la scission PSA-PSU. En 1965, il réintégra la liste de son rival, pour occuper une place de simple conseiller municipal. A 74 ans, il se retira de la vie politique locale lors des municipales de 1971, participant néanmoins activement à la campagne de 1977 contre la tête de liste communiste de la liste d’union de la gauche en 1977. Finalement, ce fut le socialiste Xavier Berthou (agriculteur) qui devint maire étant réélu en 1983, 1989, 1995, 2001 et 2008.

Anticlérical, anticommuniste, antigaulliste, Pierre-Louis Pinsec était le relais très orthodoxe des réseaux SFIO entre 1925 et 1971, qui se délitèrent face à l’émergence de nouvelles matrices de recrutement militant au sein du PS local depuis les années 68.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89868, notice PINSEC Pierre-Louis par François Prigent, Jean-Yves Michel, version mise en ligne le 29 octobre 2010, dernière modification le 21 septembre 2022.

Par François Prigent, Jean-Yves Michel

Rapatriement du corps de Jean-Marie Le Gall au début des années 1950
Rapatriement du corps de Jean-Marie Le Gall au début des années 1950
Aux côtés des membres de la famille du résistant déporté, on peut voir au centre Tanguy-Prigent, derrière lui à gauche Pierre-Louis Le Pinsec et à l’extrême-droite de la photo Pierre Postollec, maire socialiste de Carhaix.
[photo transmise par Guy Cotty]
Le conseil municipal de Plounévézel de 1965-1971
Le conseil municipal de Plounévézel de 1965-1971
Pierre-Louis Pinsec est le 2e en partant de la droite.

SOURCES : Arch. Dép. du Finistère. — Arch. de l’OURS, dossiers Finistère. — Arch. Fédérales du PS du Finistère. — Le Breton Socialiste (1925-1959). — Jean-Louis Guillemin, Historique de la section SFIO de Plounévézel (1924-1945). — CLAP. — Mairie de Plounévézel. — Jean-Yves Michel, Religion et politique en Bretagne (1850-1960). Le cas du Poher, Keltic Graphic, 2000. — Site de la commune de Plounévézel [photographie].

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