ALTENBACH Ernest

Par Jacques Girault, Denise May, Léon Strauss

Né le 10 septembre 1884 à Mulhouse (Haut-Rhin) ; colporteur puis épicier ; conseiller municipal socialiste de Mulhouse du 8 décembre 1919 au 16 juillet 1923.

Ouvrier de fabrique, Ernest Altenbach, militant du SPD qu’il quitta en décembre 1911, devint militant du groupe Bakounine de Mulhouse et le responsable du bulletin Die Fackel (Le flambeau), organe des groupes anarchistes de Mulhouse, Bâle et Schaffhouse.
Il fut arrêté par la police allemande le 31 juillet 1914 avec d’autres camarades, dont Philippe Urban, emprisonné jusqu’au 20 avril 1917 puis enrôlé dans l’armée allemande. Il déserta et passa en Angleterre, puis en France où il s’engagea dans l’armée française. Rentré à Mulhouse après l’armistice, il adhéra à la SFIO et devint secrétaire permanent de la Fédération du Haut-Rhin. Au congrès de Paris le 12 septembre 1919, il dénonça l’intervention en Russie. Il ne put figurer sur la liste socialiste pour les élections législatives de novembre 1919, en raison de la clause qui imposait aux candidats une appartenance d’au moins trois ans au Parti, mais il fut élu en décembre au conseil municipal de Mulhouse. Ses articles dans le Republikaner dénonçaient l’attentisme d’Auguste Wicky et de Jean Martin : « Ce n’est pas en affirmant sans cesse que les masses ne sont pas encore mûres qu’on éveillera la volonté révolutionnaire », écrivait-il le 15 janvier 1920. Le même jour, il proposa à la section de Mulhouse une motion donnant la priorité à la lutte des classes et à l’action directe du prolétariat et se prononçant pour l’adhésion à la Troisième Internationale.

Ernest Altenbach fut délégué au congrès national de Strasbourg (25-29 février 1920). Le 7 mars 1920, lors d’un meeting convoqué par la Jeunesse socialiste, il dénonça le militarisme et l’appel de la classe 1920. Le lendemain, une assemblée générale de la section lui permit d’éliminer Auguste Wicky et Jean Martin : il fut élu président de la section, le vice-président étant Charles Kuhn. Par contre, quelques jours plus tard le comité du Haut-Rhin lui retira le secrétariat fédéral au profit de Richard Heisch. Pour lui assurer un revenu, il fut embauché par le service de publicité du Republikaner, le quotidien du Parti. Pendant la grève générale régionale d’avril 1920, il tint une réunion publique à Sélestat et donna en exemple à ses auditeurs les grèves victorieuses de la Ruhr et d’Italie. En octobre, Ernest Altenbach était devenu secrétaire du syndicat des mineurs de potasse du Haut-Rhin ; il continua à défendre l’adhésion à la Troisième Internationale mais polémiqua vigoureusement avec Charles Kuhn : pour lui, le syndicalisme français avait toujours été et restait beaucoup plus révolutionnaire que le syndicalisme allemand. Il défendit la motion Cachin-Frossard (qu’il avait signée) et rédigea avec Louis Kuntz et René Hovald une lettre lue par René Reynaud dénonçant les conditions antistatutaires dans lesquelles s’était déroulé le scrutin au congrès fédéral qui avait donné 43 voix pour et 35 contre l’acceptation des vingt et une conditions.

Le 16 janvier 1921, Ernest Altenbach présida la première conférence de la Fédération du Haut-Rhin du PS-SFIC et le 25 janvier, candidat du nouveau Parti à l’élection du conseiller d’arrondissement à Mulhouse Nord, il obtint 1 015 voix (3 220 voix à l’UPR, 1 780 au Parti SFIO). Il était seul membre de la fraction socialiste du conseil municipal à avoir adhéré au PC.

Depuis novembre précédent, Ernest Altenbach avait remplacé Louis Kuntz au secrétariat des Jeunesses socialistes d’Alsace-Lorraine et à la direction de son journal Der Junge Revolutionär dont le numéro de mars donna la traduction allemande d’un manifeste antimilitariste publié dans l’Humanité du 29 janvier. Le 8 mars 1921, il fut arrêté et inculpé pour menées anarchistes et excitation de militaires à la désobéissance. On lui refusa le bénéfice du régime politique. Condamné en première instance à deux mois de prison, sa peine fut portée, sur appel du ministère public, à un an sans sursis par la cour d’appel de Colmar le 7 mai 1921. Une campagne de protestation contre ce verdict fut soutenue par l’Union départementale CGT, par la section SFIO de Mulhouse et par la Ligue des droits de l’Homme. Sans son consentement, des demandes de grâce furent adressées aux autorités judiciaires, mais repoussées.

Le 3 janvier 1923, Ernest Altenbach apporta encore la contradiction à une réunion publique de l’UPR au nom du PC. Quelques jours plus tard, il fit adopter par 24 voix contre 13 une position hostile aux décisions du IVe congrès de l’IC et proche de celle du comité de Résistance, par la section de Mulhouse. Au congrès fédéral de Colmar le 13 janvier les délégués de la section de Colmar proposèrent de l’exclure d’emblée des débats. Il put quand même lire une déclaration assez longue semblable à celle du comité de Résistance, mais lors du vote sa position ne fut soutenue que par trois délégués de Mulhouse et un d’Illzach contre dix-sept voix favorables à l’IC et six abstentions. Ernest Altenbach et ses quatre camarades quittèrent alors le congrès. Le 18 janvier, il adressa au maire de Mulhouse sa démission du conseil municipal : « en tant qu’antiparlementaire, il ne pouvait plus continuer à siéger avec des parlementaires autour d’un tapis vert ».

Le numéro du 15 mars 1923 du Weckruf, organe de syndicalisme révolutionnaire, publié par l’UD-CGTU du Haut-Rhin, portait encore la signature d’Ernest Altenbach comme rédacteur et administrateur et son adresse, 42 rue des Franciscains. Celui du 15 avril était placé sous la responsabilité de Ch. Kurtz.

En 1924, Ernest Altenbach aurait exercé la profession d’épicier à Mulhouse.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article90574, notice ALTENBACH Ernest par Jacques Girault, Denise May, Léon Strauss, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 24 avril 2021.

Par Jacques Girault, Denise May, Léon Strauss

ŒUVRE : Wackes ! Eine Satyrische Definition vom Wort. « Wackes » Gedicht... Mulhouse, 1918. — 33 Monate als staatsgefährlich in Schutzhaft. Aufzeichnungen und Erinnerungen, Mulhouse, 1920, in 8° 60 p. — Grosstadt-Geschichten. Erzaklungen und Novellen, Band 1, Morhange, Mulhouse, 1921, in 8° 90 p.

SOURCES : Arch. Nat. AJ30/259, F7/13014 (366, 367), F7/13379. — Arch. Dép. Bas-Rhin, D 286 (366). — Le Libertaire, 12 avril 1935 — La presse de gauche alsacienne et lorraine de 1919 à 1923 : Der Republikaner (socialiste Mulhouse), Die Freie Presse (socialiste-Strasbourg), Die Volkstribüne (socialiste puis communiste, Thionville puis Metz), Der Junge Revolutionar (Jeunesse socialiste-communiste), Le Mineur alsacien (CGT), Die Neue Welt (communiste, Strasbourg), Weckruf, (CGTU). — Et dans la presse bourgeoise : Le Démocrate du Haut-Rhin, 10 janvier 1923, 17 janvier 1923, Nouveau Rhin français, 5 janvier 1923. — Frédéric Castaing, « Aux origines des Jeunesses Communistes », Mouvement social, janvier-mars 1971, p. 69. — Richard Wagner, La vie politique à Mulhouse de 1870 à nos jours, Mulhouse 1976. p. 115, 130, 141. — Bernard Reimeringer, « Un communisme régionaliste ? Le communisme alsacien » dans : Régions et régionalisme en France du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, 1977, p. 363. — R. Oberlé, Maires adjoints et conseillers de la ville de Mulhouse 1798-1971, Mulhouse, 1972. — Le congrès de Tours, édition critique réalisée par Jean Charles, Jacques Girault, Jean-Louis Robert, Danielle Tartakowsky, Claude Willard, Édit. Sociales, 1980. — Lettre de la mairie de Mulhouse, 7 novembre 1980.

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