ANGELINI Jean

Par Gérard Leidet

Instituteur des Bouches-du-Rhône ; syndicaliste de l’enseignement, trésorier de la FUE entre 1932 et 1935, puis militant du SNI à Marseille.

Jean Angelini était instituteur à Marseille à l’école François Moisson (IIe arrondissement). Il faisait partie de l’équipe marseillaise du bureau fédéral de la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE-CGTU) avec Jean Salducci (secrétaire général), et Jules Aubert (secrétaire corporatif) - Ernest Margaillan, instituteur lui aussi dans les Bouches-du-Rhône, était membre du conseil fédéral, pour quelque temps encore avec la minorité oppositionnelle révolutionnaire animée par le Parti communiste. Angelini fut élu trésorier de la Fédération à l’issue du congrès de Bordeaux (août 1932) et fut réélu à ce même poste aux congrès de Montpellier (août 1934) et Angers (août 1935).

Durant les trois années passées au bureau de la FUE, Jean Angelini seconda parfaitement Jean Salducci, notamment dans la lutte soutenue contre la répression qui touchait encore de nombreux militants de la FUE pour "délit d’opinion". À ce titre, avec les deux secrétaires et les autres membres du bureau fédéral, il prit très activement la défense de deux militants. Celle de Célestin Freinet, d’abord, victime d’une véritable cabale, montée par le maire et les milieux catholiques de Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes), qui devint très vite « l’affaire Freinet ». Les innovations pédagogiques de Freinet autant que sa volonté proclamée de créer une « école prolétarienne » furent à l’origine de cette affaire. Celle de Darius Le Corre, ensuite, instituteur en Seine-Inférieure, déplacé d’office pour ses opinions communistes, condamné par défaut à six mois de prison, et à nouveau déplacé : suspendu puis muté à Morsang-sur-Orge, dans la Seine-et-Oise, ce militant enseignant avait été immédiatement pris en chasse par la Solidarité française, groupe fascisant financé par le parfumeur Coty. Accompagné de Jean Salducci et de Jules Aubert, Jean Angelini défendit la cause des camarades frappés par la répression lors d’une entrevue avec le ministre Anatole De Monzie, lequel fut le premier, en 1932, à porter le titre de Ministre de l’Éducation nationale.

Dans le cadre de la préparation de la grève du 12 février 1934, les trois membres du bureau fédéral résidant à Marseille (Jean Angelini, Jules Aubert et Jean Salducci) se réunirent le 8 dans un café proche de l’hôtel des postes de Marseille. Ils décidèrent d’avertir immédiatement tous les syndicats de la Fédération, et rédigèrent, à cet effet, des télégrammes destinés aux secrétaires des syndicats, aux militants, aux membres du BF (qui était convoqué pour le 10 février au soir à Avignon), et aux membres du Conseil fédéral convoqué pour le dimanche 11. Jean Angelini participait à cette dernière réunion, et le débat engagé permit de développer les points évoqués de façon forcément implicite dans les télégrammes :
“- Faire une large propagande pour la lutte contre le fascisme et alerter rapidement les masses en vue des luttes proches, en marquant bien que l’action ne faisait que commencer, et en dénonçant le fascisme sous toutes ses formes.
- Rédiger des propositions de Front unique pour l’action d’organisation à organisation.
- Organiser les instituteurs pour la lutte nationale, avec le S.N. si possible, et sans ce dernier s’il refusait.
- Structurer des milices de défense pour les réunions et pour les locaux syndicaux.”

Le conseil fédéral du 30 mars avait décidé d’envoyer deux délégués au congrès antifasciste, en mai 1934, organisé par le mouvement Amsterdam-Pleyel, afin que la Fédération fasse entendre son point de vue et qu’enfin se réalise un seul et vaste mouvement national englobant tous les comités et tous les groupements se réclamant de la lutte contre le fascisme. Jean Angelini et Michel Collinet, délégués à ce congrès pour la FUE ne purent faire entendre pleinement « la voix de la fédération » (Gilbert Serret). Divers groupements antifascistes, notamment ceux du comité de Rouen et singulièrement le comité de Saint-Denis, dirigé par Jacques Doriot, défendirent des positions qui préconisaient non seulement un rassemblement national des partis se réclamant de la classe ouvrière, des deux CGT, des forces syndicales autonomes mais aussi des « grandes associations d’anciens combattants hostiles au fascisme, des groupements culturels, sportifs, de défense des revendications diverses intéressant les travailleurs des villes et des champs, des ligues dont les buts étaient les postulats antifascistes, des comités de lutte et de vigilance ». Autant de points de repères (pionniers ?), et de thèmes communs aux organisations appelant à l’unité syndicale, qui allaient colorer de façon bien singulière, deux ans plus tard, les contours sociaux et culturels du Front populaire.

Jean Angelini assista au dernier congrès de la CGTU qui eut lieu à Issy-les-Moulineaux du 24 au 27 septembre 1935 et dont les débats se déroulèrent en même temps que ceux de la CGT à Paris. Il faisait partie de la délégation de la Fédération de l’enseignement « perdue au milieu de la masse des délégués » avec Fernande Basset, Louis Bouët, Ernest Margaillan, Régis Messac, Jean Salducci, Marcel Valière, et Laure Voyant.

Le 14 novembre 1935, Jean Angelini participa à l’assemblée générale de fusion de la Fédération générale de l’enseignement (FGE-CGT dont le SNI était la composante essentielle) et de la Fédération unitaire de l’enseignement (FUE-CGTU) qui se tint à la Bourse du Travail (salle Ferrer) sous la présidence de Victor Gourdon. Marcel Babau, secrétaire général de la section départementale du SNI donna lecture des statuts provisoires de la nouvelle Fédération de l’enseignement. Deux thèses étaient en présence : la thèse "confédérée" défendue successivement par Babau (instituteurs), Louis Serre (EPS), puis Izombard (lycée) ; et la thèse "unitaire" soutenue par (Louis ?) Faraud, Elie Florens, Jean Salducci, et un nommé Ripert à ne pas confondre avec Antoine Ripert l’ancien secrétaire de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs de 1908 à 1910. La thèse confédérée fut adoptée. Faraud, militant unitaire, et Babau furent désignés pour assister au congrès national à Paris. Le nouveau conseil syndical de la FGE était élu ; il était composé de 11 ex-confédérés et de 5 ex-unitaires comprenant instituteurs, professeurs d’EPS et professeurs de lycée. Jean Angelini ne fit pas partie de cette instance. L’assemblée vota à l’unanimité trois ordres du jour : contre les décrets-lois ; contre les ligues ; contre la réorganisation des écoles normales. Enfin un ordre du jour de solidarité fut envoyé au Ministre de la justice en vue de la révision du procès de Paul Marlin, du nom de cet instituteur de Vimory (Loiret) injustement condamné à six mois de prison. Le syndicat des Bouches-du-Rhône maintenait toute sa confiance à l’enseignant, dénonçait devant l’opinion publique une « machination montée par le Parti agraire et les réactionnaires » qui avaient voulu abattre un adversaire politique, et demandait instamment la révision du procès.

Le congrès de fusion des syndicats d’enseignants (membres de la FGE et FUE) eut lieu à Magic City le 27 décembre 1935 ; il marquait la fin de la Fédération pour laquelle Jean Angelini avait tant milité. Une discussion s’engagea sur les questions financières. Victorien Barne, Marcel (Louis) Bonin, et d’autres militants de la Minorité oppositionnelle révolutionnaire (MOR) insinuèrent que la direction fédérale avait sans doute distrait une certaine somme (cent mille francs environ) de l’avoir financier pour « subventionner les groupements trotskistes et autres ». Paul Bouthonnier qui fut souvent le porte-parole des communistes de la fraction dite de la MOR. reprit dans La vie ouvrière du 3 janvier 1936 ces accusations : « Disons-le nettement : ont-ils distrait du fonds commun cette grosse somme pour la répartir entre les différents organes politiques qu’ils soutiennent ? ». Les ex-confédérés de la CGT souhaitaient, eux-aussi, une commission de contrôle qui examinerait la gestion unitaire passée - celle d’avant la réunification. « Ferme et digne » (Gilbert Serret), Jean Angelini répliqua : « Le passé de notre Fédération jusqu’à la réunion incluse du conseil fédéral du 26 décembre regarde les membres de la Fédération unitaire et non les membres de la FGE, de même que le passé de la FGE. ». Néanmoins, par esprit de conciliation, Jean Angelini consentit à verser sa comptabilité à la nouvelle Fédération unifiée. Mais cette proposition n’étant pas retenue, les militants « ex-unitaires » déclarèrent se désintéresser de la suite de ce débat.

À la suite de la consultation effectuée auprès des membres du conseil syndical sur la motion contre la guerre (parue dans le Bulletin syndical des instituteurs de mars 1936), 62 membres du CS (sur 73) répondirent. Tous se prononcèrent pour l’adoption du paragraphe 1, et le paragraphe 3, fut adopté à l‘unanimité du bureau départemental. Le paragraphe 2 contenait quant à lui deux « fenêtres » (A et B) ; Jean Angélini vota, lors de la commission exécutive du 18 juin 1936, avec 15 camarades des Amis de l’École émancipée pour la fenêtre B. Ce texte rappelait que le régime capitaliste étant cause de toutes les guerres, celle-ci était « la continuation de la politique impérialiste par d’autres moyens ». Il considérait ensuite que quel que soit le bellicisme déclaré d’Hitler, les rivalités impérialistes n’avaient pas soudainement disparu pour faire place à des rivalités d’ordre purement idéologiques opposant la liberté, la démocratie bourgeoise à la barbarie fasciste. Enfin, ce texte B réaffirmait que la politique de la « sécurité collective » était un trompe l’œil destiné à détourner les masses, victimes désignées des conflits, de la lutte efficace contre la guerre, « à savoir la lutte sur tous les terrains contre le régime capitaliste ».

En octobre 1938, Jean Angelini fut candidat aux élections à la commission exécutive (CE) du Syndicat national des instituteurs (SNI) ; son nom figurait sur la liste de "redressement et d’indépendance du syndicalisme" avec, notamment, Adrienne Montegudet, Elie Florens, Léon Giudicelli, Edouard Labeille, Pascal Léna, Ernest Margaillan, Jean Salducci... La profession de foi rappelait les principes qui guidaient le courant syndicaliste-révolutionnaire au sein du S.N.I : indépendance absolue du syndicalisme, établissement de rapports sans compromission avec l’administration et de liaisons plus étroites avec la corporation, défense des intérêts des jeunes instituteurs "scandaleusement sacrifiés", mise en œuvre d’une action "énergique, générale et coordonnée" avec la classe ouvrière… Trois points reprenaient les oppositions traditionnelles portées par ces militants depuis la fusion de leur fédération au sein du S.N et de la FGE en 1935, jusqu’à leur critique assez radicale d’un "Front populaire qui étalait sa faillite retentissante, quoique prévisible" : s’opposer frontalement à l’autoritarisme des chefs et au favoritisme sous toutes ses formes ; combattre le "bellicisme" de la CGT et "l’Union sacrée" ; lutter pied à pied contre la guerre. Ayant obtenu 370 voix (sur 898 votants et 877 exprimés), Angelini fut élu à la CE (qui comptait 26 membres) avec six autres militants de cette liste des Amis de l’École Emancipée : Pierre Costa, Louis Faraud, Edouard Labeille, Pascal Léna, Antonin Margaillan, et Jean Salducci.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article90840, notice ANGELINI Jean par Gérard Leidet, version mise en ligne le 31 décembre 2019, dernière modification le 17 octobre 2022.

Par Gérard Leidet

SOURCES : François Bernard, Louis Bouët, Maurice Dommanget, Gilbert Serret, Le syndicalisme dans l’enseignement, Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à l’unification de 1935, Présentation et notes de Pierre Broué, Grenoble, Institut d’études politiques, 1966, 3 vol. — Bulletin du syndicat unique des institutrices et instituteurs des Bouches-du-Rhône, novembre 1935, mars 1936, et octobre 1938. — Notice Le Corre Darius par Guillaume Bourgeois et René Lemarquis in DBMOF.

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