TOURMENT Charles, Auguste, Marcel

Par Madeleine Singer

Né le 18 septembre 1925 dans le hameau « Les Hemmes » à Marck (Pas-de-Calais), mort le 26 novembre 2011 à Wormhout (Nord) ; visiteur de gare principal ; membre du conseil de la Fédération CFTC puis CFDT des cheminots (1955-1968) ; membre de l’Union confédérale des retraités CFDT (1991-1996).

Charles Tourment
Charles Tourment

Charles Tourment était l’aîné des trois enfants d’Angelina, Marie, Augustine Tourment qui le reconnut en la mairie de Marck le 16 octobre 1925. Celle-ci, ouvrière agricole, épousa ensuite un marin, Albert Agneray. Les parents de Charles étaient tous deux catholiques, le beau-père non pratiquant, la mère qui pratiquait occasionnellement, animait dans la paroisse les activités d’un groupement qu’on appelait à l’époque « les enfants de Marie ». Charles Tourment fréquenta à Calais (Pas-de-Calais) une école primaire publique, l’école Pascal, car sa mère s’était installée dans ce port. Il passa le certificat d’études primaires, fit sa communion solennelle, puis suivit, toujours à Calais, les cours de dessinateur en dentelle à l’Institut Jacquard. Mais en 1941 les bombardements sur Calais l’obligèrent à partir à la campagne, pour éviter d’être arrêté par les Allemands. Il travailla dans une ferme à Marck et en 1944 entra dans la clandestinité pendant neuf mois.

Le 20 février 1945, Charles Tourment fut embauché comme manœuvre par la SNCF. Il devint ouvrier spécialisé, puis visiteur de gare et termina sa carrière comme visiteur de gare principal. Il prit sa retraite le 1er mars 1981. Il aurait dû naviguer comme son père ou son frère, mais sa mère, dit-il, n’y tenait pas. De toute façon, la guerre l’amena à devenir cheminot. La SNCF, ajouta-t-il, est une grande entreprise qui, après la guerre, a aidé avec d’autres entreprises nationalisées à reconstruire la France. Il avait épousé à Calais le 9 juillet 1948 Micheline, Julie, Léa Gorin qui était catholique et vendeuse dans un magasin. Après son mariage, elle quitta son emploi, car ils eurent quatre enfants : deux fils, l’un agent EDF, l’autre dessinateur ; deux filles, l’une secrétaire, l’autre mère de famille. Il résidèrent leur vie durant à Calais dans la maison dont ils devinrent propriétaires.

Charles Tourment avait appartenu à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) de 1942 à 1946 ; il fut responsable à Calais de la section jociste de son quartier, le petit Courgain. Il eut l’occasion de rencontrer Eugène Descamps et avoua qu’à la JOC il avait beaucoup appris. Dès son entrée à la SNCF en 1945, il adhéra à la CFTC : le travail syndical fut dès lors « son quotidien ». Il devint rapidement secrétaire du syndicat CFTC des cheminots de Calais ; il fut élu membre du comité mixte de Calais, institution qui à la SNCF était l’équivalent du comité d’entreprise dans le secteur privé. En outre, de 1955 à 1968, il fut secrétaire du sixième secteur de l’Union Nord des syndicats chrétiens de cheminots ; ladite Union couvrait la région correspondante de la SNCF. À ce titre, il siégeait tant au bureau de l’Union Nord qu’au conseil de la Fédération CFTC-CFDT des cheminots. Pour faire face à ses obligations, il disposait des congés syndicaux octroyés par la SNCF à laquelle la Fédération communiquait ses statuts avec l’indication des réunions auxquelles les responsables devaient assister.

Charles Tourment participa avec sa Fédération à l’action contre la guerre d’Algérie. Mais les moments forts de sa vie de syndicaliste furent les débats pour l’évolution de la CFTC. Il fit partie de l’équipe qui, sur le plan calaisien comme sur le plan départemental, contribua à la création de la CFDT. Il ne put s’associer aux grèves de mai 1968 car il fut alors hospitalisé pendant un mois à l’hôpital de la Pitié à Paris. Il militait aussi sur le plan interprofessionnel : il fut longtemps secrétaire de l’Union locale CFTC-CFDT de Calais et membre du bureau de l’Union départementale du Pas-de-Calais. Quand, le 1er janvier 1971, les UD furent absorbées par les Unions régionales interprofessionnelles nouvellement créées par la CFDT et ne subsistèrent plus que comme interlocuteurs du préfet et du conseil général, Charles Tourment fut élu membre du conseil de l’Union régionale interprofessionnelle (URI-CFDT) Nord-Pas-de-Calais ; il y siégea jusqu’en 1975. Présent à l’assemblée générale régionale qui prépara à Lens (Pas-de-Calais), le 19 avril 1970, le congrès confédéral, il présida le groupe de travail qui étudia la réforme des structures et la charte financière.

Dès qu’il prit sa retraite, il adhéra au syndicat CFDT des retraités de Calais et environs dont il devint rapidement le responsable. Or ce n’était pas une sinécure car cette Union locale interprofessionnelle des retraités (ULIR) regroupait environ deux cents personnes. Il fut élu en 1986 au bureau de l’Union régionale interprofessionnelle des retraités (URIR-CFDT) ; il en devint en 1986 l’un des deux vice-présidents, mais ne se représenta pas en 1999. Il eut ainsi en charge pendant plus de dix ans les neuf ULIR du Pas-de-Calais. En outre, il fut élu membre du conseil de l’Union confédérale des retraités (UCR) CFDT de 1991 à 1996.

Charles Tourment se préoccupait également de la vie politique. À la Libération, il avait adhéré au Mouvement républicain populaire (MRP). Or le MRP qui, au congrès de La Baule (Loire-Atlantique) en juin 1963, se donna comme président Jean Lecanuet, poursuivit son évolution vers la droite. Après les élections présidentielles de décembre 1965, il se fondit dans un Centre démocrate qui comprenait notamment le Centre national des indépendants et des paysans. Les MRP de gauche ne pouvaient y demeurer : ce fut le cas de Charles Tourment comme de Robert Buron, membre du comité directeur du MRP dès sa constitution, ministre MRP de la IVe et de la Ve République. Avec quelques amis, ce dernier tint des réunions qui aboutirent le 21 décembre 1966 à la fondation d’Objectif 72, mouvement de réflexion et d’action destiné à changer la nature du débat politique dans le pays en vue des élections législatives et présidentielles de 1972. Il s’agissait d’offrir le choix d’une majorité nouvelle inspirée par un socialisme adapté à notre temps. Charles Tourment fit aussitôt partie d’Objectif 72 jusqu’à la disparition de ce mouvement en 1971 : Robert Buron adhéra en effet au Parti socialiste après le congrès d’Épinay (Seine-Saint-Denis) qui en juin l’avait rassuré sur l’orientation du PS. Charles Tourment adhéra également au PS à cette date, mais en 2003 il disait qu’il avait quitté le parti depuis pas mal d’années.

Si Charles Tourment put au cours de sa vie assumer toutes ces charges, c’est qu’il n’avait jamais cessé de se former. Il avait participé aux Écoles normales ouvrières (ENO) organisées par les UD du Nord et du Pas-de-Calais : celles-ci, pendant cinq jours en été, offraient des cours assurés par des universitaires ou des experts qui avaient le souci constant de rechercher l’application syndicale des données d’ordre économique ou social. Charles Tourment suivit aussi certains stages de la Fédération CFTC-CFDT des cheminots. Ces stages se déroulaient dans l’Institut confédéral de formation, sis à Bierville près d’Étampes (Essonne) ; ils donnaient une formation syndicale générale ou concernant les problèmes propres à la SNCF. Aussi la retraite ne marqua pas pour lui la fin de l’activité syndicale. Dans une interview en 2000, il disait qu’il ne passait jamais une journée complète chez lui, car il se préoccupait de tous les problèmes des retraités : le maintien des petits commerces, les transports, etc. Il se souciait également des élections municipales quoi qu’il n’appartint plus à un parti politique. Plaçant sa famille au-dessus de tout, il notait avec satisfaction que ses quatre enfants étaient tous engagés sur le plan syndical, paroissial ou municipal. S’il a toujours milité, c’est, disait-il, que cela fait partie de sa foi : « La messe ce n’est pas un pardessus qu’on met seulement le dimanche. » Aussi a-t-il porté très haut, dans sa région comme au plan national, les couleurs de la CFDT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9090, notice TOURMENT Charles, Auguste, Marcel par Madeleine Singer, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 3 août 2015.

Par Madeleine Singer

Charles Tourment
Charles Tourment

SOURCES : Arch. Com. Marck, 22 juin 2003 (acte de naissance). — Questionnaire de l’Association régionale pour l’histoire ouvrière et syndicale (ARHOS) rempli par Charles Tourment, non daté, 1 page recto verso. — Documents indiquant la composition du bureau de l’URIR CFTC-CFDT, 1er septembre 1960-7 juin 1996. — Arch. URI Nord-Pas-de-Calais, déclarations à la préfecture du Nord de la composition du conseil de l’URI. — Histoire sans fin, vidéo enregistrée en 1995 par Joël Beauvois qui a interviewé des militants CFDT de la zone côtière Nord-Pas-de-Calais. — Nord-Littoral, 19 octobre 2000. — Marcel Launay, Robert Buron, Paris, Beauchesnes, 1993, 208 p. — Lettres de Manuella Noyer, archiviste des Fédérations CFDT, à Madeleine Singer, 12 novembre 2003. — Lettres de Charles Tourment à Madeleine Singer, 28 août 2003, 29 septembre 2003, 22 novembre 2003. — Entretien avec Charles Tourment, 3 novembre 2003 (avec Gilbert Ryon).— Etat civil.

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