URBAIN Raoul

Né le 22 septembre 1837 à Condé-sur-Noireau (Calvados), mort le 5 mars 1902 à Paris (XIIe arr.) ; instituteur et provisoirement cheminot ; élu membre de la Commune de Paris ; à son retour de déportation, militant du mouvement coopératif.

Son père, Victor Adolphe Urbain, était instituteur à Condé-sur-Noireau, dans la Grand’Rue où il dirigeait l’école mutuelle : maître estimé, quoique très partisan des châtiments corporels ; il dut démissionner - pour quel motif ? - à la fin de 1858 et ouvrit une école, rue de la Bataille. Le 28 janvier 1859 ; lorsqu’il la transféra trois mois plus tard rue du Vieux-Château, il avait assez d’élèves pour prendre son fils comme adjoint. Celui-ci avait aussi collaboré au journal local Le Noireau, lancé en 1858 et qui se doubla en 1864 d’une petite revue philosophique et littéraire, La Condéenne, où le jeune Urbain donna des poèmes. L’école de son père fermée, il devint instituteur à Moult, au sud-est de Caen ; sa sœur Aglaé était également institutrice. Un peu plus tard, on retrouve Urbain 45, rue de Verneuil, à Paris (VIIe arr.), à la tête d’une « École primaire démocratique » sans enseignement religieux : le bail en fut résilié par le maire de l’arr. sous le prétexte de conditions d’hygiène défectueuses. Urbain semble avoir un temps gagné sa vie comme employé au bureau central du chemin de fer de Ceinture.
Il était veuf, père d’un fils.

Durant le 1er Siège, il fut garde au 106e bataillon et surtout assidu aux séances du club très actif dit du Pré-aux-Clercs, 85, rue du Bac ; c’est d’ailleurs là qu’il rencontra, le 30 octobre 1870, la veuve Marie Leroy, et celle-ci s’attacha à son fils orphelin.
En tant que délégué des vingt arrondissements, il fut un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer « la trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! » Voir Ansel.
En février, Urbain était lié avec Parisel, Sicard, et membre du comité de vigilance du VIIe arr.

Avec Parisel, le 18 mars 1871, il envahit la mairie du VIIe ; le 26, il fut élu à la Commune par 2 803 voix sur 5 065 votants et siégea le 29 mars à la commission de l’enseignement ; il passa, le 21 avril, à la commission des Relations extérieures, puis, le 15 mai, à celle de la Guerre.
Ses activités furent multiples ; membre de la Commune, il en fréquenta assidûment les séances et prit souvent la parole pour défendre l’honneur des gardes nationaux fédérés (16 et 24 avril) ; pour soutenir le Comité de Salut public (30 avril, 1er, 6, 8 et 17 mai). En outre, il se dit « maire provisoire du VIIe » et, le 22 avril, fut désigné pour visiter les prisons ; dès le 29 mars, il faisait acte de maire, et, dans son arr., le drapeau rouge flotta sur tous les monuments publics. Enfin, n’oubliant pas son ancienne profession, il installa sa sœur comme directrice d’école communale au Gros-Caillou, VIIe arr., après expulsion des religieuses ; il poursuivit d’ailleurs opiniâtrement les écoles congréganistes.
Pourtant, ce fut un acte d’une autre nature qui le signala principalement aux poursuites : S’indignant, dès le 26 avril, de l’exécution de quatre gardes nationaux qui s’étaient rendus, il « demande que l’on fusille les principaux prisonniers qui sont entre nos mains » ; et son projet prit forme le 17 mai, après qu’il eut communiqué en séance le rapport du lieutenant Butin* de la 3e compagnie du 105e bataillon, disant le viol et le meurtre d’une infirmière : « Dix individus, désignés par le jury d’accusation, seront fusillés en punition des assassinats commis par les Versaillais ». Fut-il poussé par la veuve Leroy, à l’instigation de Barral de Montaud, agent versaillais ? Celui-ci procura le 26 mai un abri à Urbain et à son amie ; mais le commissaire de police faisant surveiller leur ancienne maison, 19, rue Monge, arrêta une jeune femme qui venait y prendre du linge et qui le conduisit à la chambre où s’étaient réfugiés Mme Leroy, Urbain et son fils âgé de sept ans.

Devant le 3e conseil de guerre, Urbain se présenta comme un patriote pour qui la Commune avait été une revanche de la France mal défendue ; il fut assez peu convaincant, moins dénué d’amour-propre qu’on ne l’a dit parfois ; le 21 septembre 1871, il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et s’embarqua le 15 novembre sur le Jura. Il fut en Nouvelle-Calédonie un condamné « passable » ; sa peine fut commuée en déportation simple le 27 novembre 1879, puis remise.
À son retour du bagne, Urbain entra à la préfecture de la Seine comme « inspecteur de l’affichage », très modeste emploi, écrit J. Gaumont. Il donna son adhésion, en octobre 1880, à l’éphémère « Alliance socialiste républicaine » qui se créait alors, puis paraît avoir définitivement renoncé à l’action politique. Et c’est au mouvement coopératif qu’il se consacra durant les douze dernières années de sa vie. Il adhéra tout d’abord à la coopérative de Picpus fondée en 1872 dans le XIIe arr., son quartier. Il en devint administrateur et fut élu au Comité central de l’Union coopérative en 1889. Désormais, il assistera à tous les congrès coopératifs nationaux : Paris 1891, Grenoble 1893, Lyon 1894, Paris 1896. Il défendit en 1895 devant le Comité central une souscription en faveur de la Verrerie ouvrière d’Albi, mais la majorité du Comité limita son effort au vote d’une motion de sympathie envers les sociétés coopératives de production en général. Partisan de l’unité coopérative, Urbain fit effort en 1899 pour empêcher la sécession de la Bourse des Coopératives. Malade depuis plusieurs années, il donna sa démission du Comité central le 3 novembre 1901.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9182, notice URBAIN Raoul, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 30 juin 2020.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/732. — Arch. Min. Guerre, 3e conseil. — Arch. PPo., B a/465. — PV Commune, op. cit. — Biographie manuscrite par J. Gaumont. — Lucien Descaves, dans un article de l’Œuvre du 23 février 1929, affirmait posséder le Journal inédit d’Urbain (déposé aujourd’hui à Amsterdam avec les archives Descaves ?). — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.

ICONOGRAPHIE : Arch. PPo., album 286/43. — G. Bourgin, La Commune, 1870-1871, op. cit., p. 317. — Bruhat, Dautry, Tersen, La Commune de 1871, op. cit., p. 135. — J. Gaumont, Histoire générale de la coopération en France, t. II, Paris, 1923.

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