Par André Balent
Né le 27 mai 1890 à Toulouse (Haute-Garonne), mort le 3 avril 1963 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; instituteur puis préparateur en pharmacie ; militant et animateur du syndicat CGT des préparateurs en pharmacie de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, un des pionniers de la création de la caisse primaire d’assurances sociales « Le Travail » des Pyrénées-Orientales.
Lucien Garric, fils de François Garric et de Jeanne Marie Azam était né à Toulouse. En 1910, toutefois, ses parents étaient domiciliés à Castelnaudary (Aude). Le 17 octobre 1911, il comparut devant les autorités militaires à Perpignan et fut réformé par la commission spéciale siégeant ce même jour. Il résida, avant la guerre de 1914-1918, dans le département des Pyrénées-Orientales. Il exerça tout d’abord le métier d’enseignant (où ? pendant combien de temps ?). Mais il abandonna rapidement ses fonctions d’instituteur et devint préparateur en pharmacie. Peu avant la Grande Guerre, il était préparateur à Elne (Pyrénées-Orientales) à la pharmacie Chastan. En 1914, il résidait à Puisserguier, dans le canton de Capestang (Hérault). Le conseil de révision de l’Hérault le convoqua le 17 octobre 1914. Il le réforma à nouveau. Le 29 novembre 1916, il fut recruté en qualité d’« engagé spécial » pour la durée de la guerre. Sur son livret militaire, il est mentionné qu’il fut incorporé en qualité d’« infirmier bénévole ». Avant sa mobilisation, Lucien Garric travaillait déjà à la pharmacie Deloncle à Perpignan. Ce fut dans cette officine qu’il fit la plus grande partie de sa carrière de préparateur en pharmacie. En effet, si l’on excepte trois interruptions (pendant deux ans vers 1937 où il effectua un remplacement à la pharmacie Trinquier à Prades (Pyrénées-Orientales), en 1949-1950 où il travailla à nouveau à Prades, les années 1952-1956, où il fut employé par la « Grande pharmacie du docteur Bobo à Perpignan), Lucien Garric travailla jusqu’à sa mort, en 1963, à la pharmacie Deloncle.
Lucien Garric épousa une Perpignanaise, Espérance Pujol. Le couple eut trois enfants (deux filles et un garçon). Deux enfants moururent en bas âge. Seule survécut Marie Garric née en 1925.
À Perpignan, Lucien Garric était domicilié rue des Amandiers, dans le vieux quartier Saint-Jacques où était également située la pharmacie Deloncle. Le quartier Saint-Jacques n’était pas encore le « ghetto » réservé aux immigrés maghrébins et aux Gitans qu’il est aujourd’hui (1983). Dans l’entre-deux-guerres, il était encore le quartier populaire par excellence de Perpignan, un quartier où s’activait tout un peuple d’ouvriers et de petits artisans ; mais un quartier vétuste et souvent insalubre où une personne sensible à la misère humaine et préoccupé par les problèmes sociaux comme l’était Lucien Garric, pouvait dans l’exercice de son activité professionnelle, acquérir une grande influence. Lucien Garric devint rapidement une des « figures » du quartier. Populaire, il le fut comme l’étaient également ses employeurs (Deloncle père, puis fils) que leurs opinions conservatrices n’empêchaient pas d’être aimés par une population acquise dans sa majorité, depuis des décennies aux idées « avancées ». Lucien Garric fut connu comme « le médecin de Saint-Jacques » ou le « médecin des pauvres ». Dévoué corps et âme à la population du quartier, il n’hésitait pas à assurer des soins gratuits.
D’après le témoignage de Joseph Deloncle, pharmacien retraité, Lucien Garric avait acquis une solide culture générale et médicale. Grand lecteur, il perfectionna sans cesse ses connaissances. Cela ne l’empêchait nullement, toujours d’après M. Deloncle, d’être un homme d’esprit. Il écrivit des vers satiriques, des saynètes et une pièce de théâtre où il peignit avec humour les personnalités marquantes du quartier Saint-Jacques de l’entre-deux-guerres (cette pièce fut représentée au mas Eychenne Grand, propriété de la famille Deloncle). C’était également un grand chasseur de gibiers d’eau qui aimait fréquenter les grands étangs littoraux de Canet et de Salses.
Forte personnalité, Lucien Garric sut également se singulariser dans son engagement politique et syndical. Il fut un militant syndicaliste très lié à la plupart des dirigeants modérés de la Bourse du Travail ou de l’UD-CGT qui souvent, d’ailleurs, adhéraient à la SFIO. Il fut ainsi un ami et un proche collaborateur du secrétaire de ces deux organismes, Joseph Berta* avec qui il participa à la création de la caisse départementale d’assurances sociales « Le Travail ». Mais sur le plan politique, Lucien Garric admirateur de Charles Maurras et de Léon Daudet, affichait publiquement ses opinions royalistes. Fut-il Camelot du roi ? D’après divers témoignages, il serait fort possible qu’il ait adhéré à l’Action française. En tout cas il n’hésitait pas à porter la contradiction au leader de la SFIO, Jean Payra*, remarquable orateur et personnalité très populaire à Perpignan, et ce lors de réunions publiques. Après la Seconde Guerre mondiale, il se rendait à la messe anniversaire de la mort de Louis XVI.
Lucien Garric fut un militant actif de la CGT. Jusqu’en 1927, les préparateurs en pharmacie des Pyrénées-Orientales étaient groupés au sein d’une Amicale professionnelle. Le 19 juillet 1927, ils se réunirent à Perpignan et constituèrent un syndicat confédéré intitulé « syndicat des préparateurs en pharmacie, droguerie et assimilés de Perpignan et des Pyrénées-Orientales ». Lucien Garric fut ce même jour élu secrétaire général de ce syndicat CGT. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il en fut la cheville ouvrière. Il conserva le poste de secrétaire en 1928 et 1929.
Pendant cette période (1927-1929) les effectifs du syndicat des préparateurs en pharmacie demeurèrent stables. Cinquante timbres confédéraux furent respectivement acquittés : 1) entre le 19 juillet et le 31 août 1927 ; 2) entre le 1er janvier et le 30 juin 1928 ; 3) entre le 1er janvier et le 31 janvier 1929.
Dès mars 1930, Lucien Garric était président du syndicat CGT des préparateurs en pharmacie. Il l’était toujours en 1937 (à cette date le secrétaire du syndicat était Joseph Bruno).
Lucien Garric fut à plusieurs reprises membre du comité général de la Bourse du Travail de Perpignan : suppléant en 1928, 1929 et de 1931 à 1934 inclus ; titulaire en 1930 et en 1938. Il fut élu à la commission de contrôle de l’UL-CGT de Perpignan en 1928, 1929, 1930, 1938, 1939.
Dans la mise en place de la caisse primaire d’assurances sociales créée à l’initiative de la CGT après le vote de la loi par le sénat, en 1928, Lucien Garric joua, au plan départemental, un rôle important. Dès 1929, l’UD-CGT déployait des efforts pour créer une caisse « Le Travail ». Lucien Garric y participa dès le mois de mai 1929. Le 26 janvier 1930, eut lieu l’assemblée générale constitutive de la caisse primaire d’assurances sociales « le Travail » des Pyrénées-Orientales : Lucien Garric fut élu vice-président de cet organisme alors que Joseph Berta, par ailleurs secrétaire de l’UD-CGT accédait à la présidence. Jusqu’en 1939, Lucien Garric conserva la vice-présidence de la caisse « Le Travail ». Dès le 22 mai 1932, celle-ci groupait 1 500 adhérents. En 1937, Lucien Garric était également trésorier général de la caisse départementale des assurances sociales. Pendant toute cette période (1930-1939), il consacra beaucoup de temps à la réussite de ce projet que la CGT avait réussi à arracher aux gouvernements conservateurs de la seconde moitié des années 1920.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le syndicat des préparateurs en pharmacie subsista, après la dissolution de la CGT, dans le cadre de l’UL de Perpignan que dirigea Joseph Berta.
Lucien Garric devint naturellement pétainiste. Cela ne l’empêcha pas, à l’occasion, d’aider des Résistants notoires, le plus souvent des militants syndicalistes. Ainsi, après sa première arrestation par la Gestapo, Michel Carola* cheminot socialiste et animateur local du réseau « Rail », vint se faire soigner par Lucien Garric, à son domicile : Michel Carola, à la suite d’un « interrogatoire » musclé avait le visage tuméfié ; à cette occasion il sut faire confiance à Lucien Garric, vichyste notoire, pour qui, cependant, la camaraderie syndicale n’était pas un vain mot.
Après la Seconde Guerre mondiale, Lucien Garric adhéra toujours au syndicat des préparateurs en pharmacie. Comme l’immense majorité de ses camarades des Pyrénées-Orientales, il passa à Force Ouvrière après la scission syndicale. Mais, à compter de 1944, il n’occupa plus de fonctions dirigeantes au sein du mouvement syndical (voir aussi Villaros Abel*, Llense Abdon*, Oliveres*).
Par André Balent
SOURCES : L’Action syndicale, organe mensuel des syndicats confédérés de Perpignan et des Pyrénées-Orientales (nombreux numéros : 1927-1929). — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, hebdomadaire de la Fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales, 16 mai 1939. — Le Travailleur Catalan, hebdomadaire de la région catalane du Parti communiste, 5 février 1938. — Annuaire-Guide des Pyrénées-Orientales, Nîmes, Chastanier et Alméras, 1937. — Témoignage recueilli auprès de la famille de Lucien Garric (Maureillas, 24 décembre 1983) : Marie Fize, née Garric, sa fille, M. Fize, son beau-fils ; M. Fize, son petit-fils, infirmier à Maureillas. — Témoignage de M. Joseph Deloncle, pharmacien à Perpignan et conservateur du Musée catalan des Arts et Traditions populaires (Casa Pairal), Perpignan, 15 décembre 1983 et 27 décembre 1983. — Témoignage de M. Abel Villaros, ancien militant du syndicat CGT des préparateurs en pharmacie (Perpignan, 28 décembre 1983). — Témoignage de M. Nou, secrétaire du syndicat FO des préparateurs en pharmacie de Perpignan (1949-1960), Perpignan, 27 décembre 1983.