GATEAU Paul, Maurice dit PIC Jean et RIVES Pierre

Par François Ferrette

Né le 12 mars 1881 à Paris (XVIIe arr.) ; cheminot révoqué ; anarchiste et communiste du Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime).

À sa naissance, son père, Paul Eustache Gateau, âgé de 28 ans, était employé de commerce, et sa mère Marie-Antoinette Lavergne, était âgée de 25 ans ; ils habitaient rue des Dames, à Paris. Maurice se maria le 10 décembre 1918 avec Gabrielle Lemercier (née le 20 septembre 1899 à Harcourt). Il préférait le prénom de Maurice à celui de Paul qu’il n’utilisait pas.

Il passa sa jeunesse avec ses parents à Montrouge, commune de la Seine où il fit ses études jusqu’à l’âge de quatorze ans. Ses parents l’encouragèrent à apprendre un métier dans le commerce mais le jeune Maurice n’avait pas de goût pour cette profession. Il fut mobilisé en 1898 (matricule 151) puis s’engagea volontairement le 24 mars 1899 au 4e régiment d’infanterie colonial duquel il a été libéré le 24 mars 1902. Puis, il s’est à nouveau engagé et a été placé au 3e régiment d’infanterie coloniale à Rochefort. Il l’a déserté le 29 novembre 1902. Sa petite-fille affirme pourtant qu’il a obtenu le grade d’adjudant, sous les drapeaux jusqu’en 1904, date à laquelle il déserte. La police le soupçonna d’avoir diffusé des brochures libertaires et tenu des propos antimilitaristes.

Maurice Gateau faisait depuis l’objet d’une étroite surveillance par la police. Le 29 avril 1904, il était arrêté à Lausanne (Suisse) et condamné à 5 jours de prison pour infraction à l’arrêté d’expulsion du canton de Vaud. Il portait alors un passeport sous un faux nom. Sa peine écoulée, le 10 mai, il se faisait à nouveau remarquer auprès de jeunes filles russes auxquelles il expliquait des brochures anarchistes. Arrêté une nouvelle fois à Lausanne, il fut libéré le 17 mai grâce au soutien de l’anarchiste Wintsch qui versa 120 francs. Il annonçait alors sa volonté de partir pour Londres en passant par Berne et Bâle. Mais dès septembre, il devait retourner à Lausanne où il se présentait comme professeur de français et journaliste.

En juillet 1904, il résidait à Genève dans l’espoir de fonder un groupe anarchiste international. Selon la police, il était très lié aux révolutionnaires russes de Genève. Il fonda dans cette localité un groupe anarchiste avec huit personnes dont Abel Lourdin était le secrétaire et une russe était la trésorière. Mais son activisme fut de courte durée car il fut rapidement renvoyé pour défaut de papiers réguliers.

Sa présence hors de France s’expliquait par sa situation militaire. Le ministère de la guerre rappelait encore en novembre 1904 qu’il était toujours sous les drapeaux, déserteur et que des ordres avaient été donnés pour son arrestation. Le 10 janvier 1905, Maurice Gateau était à Bruxelles et fréquentait les milieux anarchistes locaux. Il quitta cette ville 8 février.

Maurice Gateau ne laisse guère de traces entre 1906 et 1913. Son fils, Serge Elisée Vladimir Gateau, a dit à sa fille, Colette De Lucia, que Maurice Gateau avait vécu plusieurs années en Russie. Il aurait bien connu Lénine, ils auraient même été amis. En 1908, un passeport écrit en russe avec un cachet atteste de sa présence en Russie. Aux dires de son fils, Maurice aurait été correcteur – journaliste à la Pravda. Dans les archives familiales on retrouve en effet des traductions en français de textes russes de Lénine : « résolution relative aux rapports avec la jeunesse des écoles », texte du 2e congrès du Parti ouvrier social-démocrate russe (1903) et « L’internationale de la jeunesse » (1916). Ceci tend à prouver que Maurice Gateau a joué un rôle de traducteur pour introduire le point de vue de Lénine auprès d’un public français.

Selon sa fiche de recrutement militaire de la Seine (Cote de référence : D4R1 1124), il se présenta spontanément au consulat de France à Odessa le 6 août 1914.
Sa situation militaire se régularisa et pendant la guerre de 1914-1918, il fut nommé sergent le 21 mai 1916 puis il devint adjudant interprète le mois suivant, chef de détachement des ouvriers russes à Graville. Il a reçu la Croix de guerre au 4e régiment d’infanterie coloniale. Après l’armistice, il était ensuite entré comme employé auxiliaire au réseau des chemins de fer de l’État le 21 juillet 1919 et militait à la CGT. Bien que cheminot, il se présentait comme professeur de russe. Il semblerait que Maurice Gateau ait adhéré à la section socialiste havraise dès sa démobilisation. Rapidement, il s’est engagé sur le terrain syndical et y a défendu la minorité révolutionnaire.
Le 19 décembre 1918, il s’était marié à Evreux avec Gabrielle Lemercier, originaire d’Harcourt (Eure). Avant son mariage, sa femme a vécu dans le faste. Ses parents vivaient dans une grande maison bourgeoise avec beaucoup de personnel. Après son mariage, Gabrielle dût vivre assez difficilement et pauvrement avec Maurice Gateau qui consacrait son temps à ses activités communistes.

Au début de décembre 1919, des tracts émanant d’un comité de défense syndicaliste étaient distribués dans les milieux ouvriers du Havre. C’était la première manifestation de vitalité d’un comité que venaient de fonder des militants adhérents à la fois au groupe anarchiste « Élisée Reclus » et au comité local de la 3e Internationale. En réalité, cette section (CDS), ne se distinguait pas des deux groupes puisqu’on y trouvait les mêmes membres et les mêmes dirigeants dont Maurice Gateau. Le comité local de la 3e Internationale eut une brève apparition en septembre 1919 puis se fondit dans le CDS puis réapparut en août 1920.

Le 21 juillet 1919, il entra comme employé auxiliaire au Réseau de l’État, il fut nommé à la gare du Havre, au "bureau des arrivages GV" (Grande vitesse) et habitait en garni, 83 rue de Montmirail, dans le quartier de Graville au Havre. Il se syndiqua et fut rapidement élu délégué des employés auxiliaires de la gare.

En 1920, Gateau était rédacteur au Prolétaire du Havre. Après la grève de mai, son appartement fut perquisitionné. La police y trouva peu de documents, mais il fut recherché arrêté le 11 mai pour complot contre la sécurité de l’État. Au moment des grèves, il était employé à la gare. Furent interpellé avec lui : Louis François, Émile Alliet, Charles Heurtaux et François Fouré.
Dans le cadre de cette arrestation, il fut inquiété pour la conclusion d’un article, publié le 8 mai sous la signature de Pierre Rives, qui dénonçait l’arrestation de François Montagne, secrétaire du syndicat des marins. Celui-ci de tendance majoritaire de la CGT, conseiller municipal socialiste modéré du Havre, qui était accusé de "menées anarchistes", car parallèlement à la grève des cheminots, les marins étaient en grève. S’adressant à ceux qui avaient décidé une vague d’arrestation, qu’il qualifiait de "pourvoyeurs de charrettes", cet article se terminait par : "Faites passer et repasser vos charrettes. Arrêtez tous les militants, tous sans exception, vous entendez bien tous sans exception, avec leurs femmes et leurs enfants. Peut-être vous apercevrez-vous alors que vos prisons sont devenues trop étroites, et que c’est l’un des moyens de les faire tomber entre nos mains. Peut-être serez-vous alors étonné de vous surgir à nos cotés, sous la couleur bleu horizon, des spectateurs silencieux, disciplinés en apparence, mais qui n’en connaissent pas mois leur devoir de fils et de prolétaires. Est-ce cette partie là que vous voulez jouer ? ".

Après sa libération le 18 juin, il travailla sur le port, puis dans la métallurgie.
Les libertaires et le groupe havrais de la IIIe Internationale cohabitaient au Cercle Franklin, en octobre 1920, partageaient des réunions communes et les adhésions dans l’un et l’autre groupe n’étaient pas rares. Ce comité local de la 3e Internationale était composé d’une vingtaine de membres dont le secrétaire était Maurice Gateau et les principaux militants étaient Alexandre Harel, Émilien Seguin, Louis Desonnais.

Le 15 janvier 1921, la section communiste havraise était fondée. En février, Maurice Gateau fut désigné comme secrétaire de la section communiste du Havre qui devait compter 120 membres. Le secrétaire adjoint était Benard, le trésorier Leparquier et le trésorier adjoint Rairon.

Maurice Gateau, après son éviction des chemins de fer fut embauché aux Ateliers & Chantiers de la Gironde ouverts en 1921 qui employaient environ mille ouvriers au Havre. Membre du Comité syndicaliste révolutionnaire (CSR) de cette localité, qui réunissait les opposants à la direction nationale de la CGT depuis 1920, il participa en décembre de cette année-là à une agression perpétrée sur la personne d’Alphonse Merrheim, venu faire un compte rendu du congrès d’Orléans.

Nommé directeur de l’orphelinat ouvrier en 1922 par le conseil d’administration de l’Union locale unitaire, il fut l’objet de violentes attaques des syndicats autonomes, pour sa gestion et le renvoi d’une monitrice.

D’après sa fiche de police de 1920, il mesurait 1 m 66, et était de corpulence moyenne. Il avait visage rond et le nez rectiligne, le menton rond, et les yeux gris bleus ; il portait la moustache de couleur châtain foncé comme ses cheveux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article92367, notice GATEAU Paul, Maurice dit PIC Jean et RIVES Pierre par François Ferrette, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 18 avril 2022.

Par François Ferrette

Maurice Gateau, le plus à droite, avec un groupe d’ouvriers.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13972-13973. État des anarchistes, antimilitaristes et communistes, 27 mai 1921.Centre des archives contemporaines, dossier 19940448 article 99. — Arch. Dép. Seine-Martime, cote 2Z 76. — Ouvriers et syndicalistes havrais : John Barzman, Dockers, métallos, ménagères. Mouvements sociaux et culture militante au Havre, 1912-1923, PUR, 1997. — Archives nationales, dossier F7/13018 (notamment : commissariat spécial, rapport du 20 janvier 1920) et F7/13165. — Vérités, année 1924. — Mémoire de maîtrise de J.-J. Doré. — État civil. — Notes de Marianne Enckell. — Archives familiales conservées par Colette De Lucia, petite-fille de Maurice Gateau.

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