GOLDENBERG Boris, dit Bernhard THOMAS, dit Boris GILBERT, dit Bertrand GILBERT

Par Michel Dreyfus

Né en 1905 à Saint-Pétersbourg, mort en février 1980 à Cologne ; membre du Parti socialiste ouvrier d’Allemagne (SAP), puis membre de la direction étrangère du SAP à Paris ; membre du bureau international d’unité socialiste révolutionnaire.

D’origine allemande et né en Russie, Boris Goldenberg joua un rôle dans le mouvement ouvrier français. Il vécut à Berlin à partir de 1914. Il adhéra d’abord au Parti social-démocrate et resta dans ce parti tout en étant en relations avec des membres du Parti communiste. Exclu du SPD après avoir été actif au sein des Jeunesses socialistes de Berlin, il continua son travail politique auprès du KPD et, étudiant à Berlin, fut membre de la direction nationale des étudiants communistes aux côtés de Franz Borkenau. Cette organisation l’envoya au bout d’un an, en 1928, à Heidelberg où il fonda un groupe d’étudiants communistes et fit une thèse sur « La sociologie dans la social-démocratie allemande d’avant 1914. »

Critiquant la politique de la « troisième période » de l’Internationale communiste, Boris Goldenberg évolua vers l’opposition dite « de droite » inspirée sur le plan international par Boukharine. Exclu du Parti communiste (KPD) il adhéra à l’Opposition du Parti communiste (Kommunistische Partei Opposition, KPO) où, avec Jakob Walcher et Paul Frölich il suivit une minorité qui adhéra au Parti socialiste ouvrier d’Allemagne (SAP) formé en novembre 1931. Il écrivit à cette époque une longue lettre à Léon Trotsky pour lui dire qu’il approuvait sa politique de critique de l’Internationale communiste. Il reçut alors la visite d’Erwin Ackerknecht, l’un des dirigeants de l’Opposition de gauche allemande et aida Léon Sedov, le fils de Léon Trotsky, qui habitait alors Berlin. Mais bientôt Boris Goldenberg eut des divergences avec Léon Trotsky en particulier sur l’analyse faite par ce dernier du concept d’aristocratie ouvrière.

Arrêté le 27 février 1933 à la suite de l’incendie du Reichstag, Boris Goldenberg fut ensuite relâché à la suite d’une campagne faite en particulier par l’avocat Moro-Gaffieri et Philippe Lamour qui appartenait alors au groupe Plans. Il arriva à Paris en avril 1933 et devint membre de la direction étrangère du SAP. Il noua alors des relations avec des militants comme Michel Collinet*, René Lefeuvre, Aimé Patri* et d’autres militants de la SFIO, particulièrement ceux qui depuis 1931 éditaient la revue Masses. Sa connaissance de la langue française l’aidait évidemment dans ses contacts. Il participa à partir de cette date aux activités de la 15e section de la SFIO.

Cependant les discussions entreprises depuis l’été 1933 entre le SAP et la Ligue communiste internationaliste, le mouvement inspiré par Léon Trotsky, se poursuivaient. Une réunion eut lieu à Paris, le 30 décembre 1933 dans l’appartement des parents de Simone Weil*, proche alors de La Révolution prolétarienne, réunion à laquelle assistèrent le SAP, la Ligue communiste internationaliste et deux partis hollandais. Ces quatre organisations s’étaient prononcées en août 1933 pour la construction d’une nouvelle Internationale, la IVe. L’on devait débattre dans cette réunion des modalités nécessaires à la continuation d’une telle politique. Boris Goldenberg qui y représentait le SAP avec Jakob Walcher, s’opposa violemment avec Léon Trotsky. À partir de cette date, les désaccords grandirent entre Léon Trotsky et le SAP qui avait des contacts internationaux avec d’autres socialistes de « gauche ».

En mars 1934, sous le nom de Bertrand Gilbert, Boris Goldenberg écrivit un article dans Masses dans lequel il appelait à la constitution d’une vaste aile gauche dans le Parti socialiste afin que les militants critiques vis-à-vis de ce parti n’aillent pas rejoindre la Ligue communiste... Au cours de cette année et de celle qui suivit, Boris Goldenberg travailla avec certains militants de la tendance La Bataille socialiste, et en particulier Marceau Pivert qui ne s’était pas encore séparé de Jean Zyromski*. Boris Goldenberg fut également présent à la conférence dite de Saint-Denis qui, du 14 au 16 février 1935, réunit douze organisations internationales et vit la naissance du Bureau international d’unité socialiste révolutionnaire, plus connu sous le nom de « Bureau de Londres ». Boris Goldenberg y travailla en particulier comme traducteur, certains participants comme le français Jacques Doriot*, l’espagnol Julian Gorkin et l’anglais Fenner Brockway ne comprenant pas l’allemand. Ce fut également pendant cette période que Boris Goldenberg polémiqua durement avec le mouvement trotskyste et fut plusieurs fois cité par Léon Trotsky.

Boris Goldenberg joua un rôle fort important dans la constitution de la tendance Gauche révolutionnaire. Il fut présent lors de sa réunion de fondation le 30 septembre 1935 au café Augé et rédigea l’essentiel du manifeste de cette dernière aux côtés de Marceau Pivert, Daniel Guérin*, René Lefeuvre, Michel Collinet*. Il s’exprima ensuite dans le Bulletin de cette dernière, toujours de façon fort acerbe vis-à-vis de Léon Trotsky et des trotskystes. Plusieurs témoignages ont relevé son aisance d’écriture, sa facilité à rédiger manifestes et résolutions.

Cependant, Boris Goldenberg ne connut pas les grands moments du Front populaire car il partit à la fin de l’année 1935 en Palestine et n’en revint qu’en mars 1937. Quand Marceau Pivert* créa le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) Boris Goldenberg s’en sépara, considérant selon son propre témoignage ce parti « mort-né dès le début ».

Puis vint la Seconde Guerre mondiale. Ne pouvant obtenir un visa nord-américain en 1940, Boris Goldenberg réussit à gagner Cuba et ne revint définitivement en Europe qu’en 1960. Il se fixa alors en Allemagne, à partir de 1964 à Cologne et se consacra à des travaux historiques. Il fut également chargé de la direction du département lation-américain de la « Voix de l’Allemagne ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article93668, notice GOLDENBERG Boris, dit Bernhard THOMAS, dit Boris GILBERT, dit Bertrand GILBERT par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 25 juin 2020.

Par Michel Dreyfus

ŒUVRE : Fidel Castro, Régis Debray, Ernesto Guevara in Permanente revolution von Marx bis Marcuse (ouvrage collectif), Munich, Callweg, 1969. — 148 p. — Gewerkschaften in Lateinamerika, Hanovre, Verlag fur Literatur und Zeitgeschehen, 1967, 210 p. — Kommunismus in Lateinamerika, Stuttgart, 1971, 640 p. — Lateinamerika und die kubanische Revolution, Berlin, Kiepenhauer and Witsch, 1963, 520 p. — Trotskysmus oder revolutionäre Realpolitik. Eine notwendige Ausseinandersetzung. Herausgegeben von der Auslandzentrale der Sozialistischen Arbeiterpartei Deutschlands, Paris, Imprimerie EIRP, 1935, 22 p. — Collaboration aux revues citées dans la biographie, en particulier Masses et le Bulletin de la Gauche révolutionnaire ainsi que Neue Front et Das Banner, journaux publiés en exil par le SAP.

SOURCES : Lettres de Boris Goldenberg à Michel Dreyfus, 1977-1979. — Michel Dreyfus, Bureau de Londres ou IVe Internationale ? Socialistes de gauche et trotskystes en Europe de 1933 à 1940, thèse 3e cycle, Paris X, 1978. — Daniel Guérin*, Front populaire, révolution manquée, Paris, Maspero 1970. — Jean-Paul Joubert, Marceau Pivert* et le pivertisme. Révolutionnaires de la SFIO, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977, 296 p. — Jean Rabaut, Tout est possible ! Les « gauchistes » français 1929-1944, Paris Denoël-Gonthier, 1974, 416 p. — Léon Trotsky, œuvres (présentées par Pierre Broué et Michel Dreyfus), en particulier volumes 1 à 7, Paris, Études et documentation internationales 1978-1980. — Archives Lefeuvre à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Nanterre.

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