HEINE Maurice

Par Julien Chuzeville

Né le 15 mars 1884 à Paris, mort le 26 mai 1940 à Vernouillet (Seine-et-Oise) ; homme de lettres et militant de l’ultra-gauche ; adhérent de la SFIO, de la Fédération communiste des soviets, puis du Parti communiste.

De son vrai nom Maurice-Henri Meyer-Heine, il appartenait à une famille très riche qui l’obligea à faire des études de médecine, mais il ne soutint pas sa thèse. Il vécut sa jeunesse en Algérie et devint journaliste. Réformé pour « faiblesse de constitution » et « bronchite spécifique », le conseil de révision le maintint en cette position les 20 octobre 1914 et 13 janvier 1916. Il serait rentré à Paris en 1916, très anticolonialiste, s’inscrivit à la SFIO en 1919 et milita pour l’adhésion à la IIIe Internationale. Il cofonda en juillet 1919 un « soviet du XIVe arrondissement », section du premier Parti communiste [voir Raymond Péricat] puis de la Fédération communiste des soviets (FCS). Il écrivit en 1920 dans le journal de la FCS, Le Soviet. Il fut avec Georges Leroy l’un des deux auteurs de « l’amendement Heine-Leroy » à la motion du Comité de la 3e Internationale (dite Loriot-Souvarine ou Cachin-Frossard), qui obtint 44 voix au congrès de Tours (voix notamment du Lot-et-Garonne (voir Renaud Jean) et de Haute-Savoie).

Maurice Heine anima ensuite une fraction d’extrême gauche, favorable au fédéralisme, au sein de la Fédération de la Seine du PC (cette tendance a curieusement été considérée comme « syndicaliste-révolutionnaire » par Henri Dubief, alors que La Vie ouvrière reprochait en novembre 1920 à Heine de préconiser la subordination des syndicalistes au parti). Il était délégué au comité exécutif et à la commission administrative de cette Fédération et journaliste à l’Humanité. Il fut salarié par le journal du 1er février 1922 au 1er août 1922, et proposa que tous ses rédacteurs reçoivent un salaire strictement égal. Il fit des tournées de propagande dans toute la France, et participa à l’organisation des premières manifestations pour Sacco et Vanzetti. À l’été 1921, dans une motion adoptée par la section communiste du XIVe arrondissement de Paris, il critiquait le fait que « d’anciens reconstructeurs qui ont conservé leurs anciennes conceptions » occupaient de nombreux postes dans le PC et dans sa presse. Il proposa de nouveau lors du congrès du PC d’octobre 1922 l’adoption intégrale des 21 conditions, bien qu’il se soit prononcé contre la 12e condition dans un article de l’Humanité le 7 juin 1922. Lors de son discours au congrès, le 18 octobre, il se prononça contre le Front unique, puis demanda que le PC ne présente aux élections que des candidats inéligibles. Il fut membre de la commission des résolutions de ce congrès. La parole lui fut refusée le 17 janvier 1923 au conseil fédéral ; il tira alors plusieurs coups de revolver dans le plafond. En conséquence, le conseil fédéral vota ce même jour son exclusion du Parti.

Après cette date, Heine devint éditeur d’art et consacra sa fortune à des recherches sur Sade et sur la sexologie. D’après un rapport de police, il avait ouvert en 1921 une librairie au 71 boulevard Raspail : « Les muses françaises ». Il fut proche des surréalistes et, en 1935, il fonda Contre-attaque, union de lutte des intellectuels révolutionnaires, avec Georges Bataille et André Breton. Maurice Heine aura été l’un des très rares « communistes de gauche » français et peut-être le premier à prétendre que la révolution sociale est inséparable d’un affranchissement culturel total. Le 25 juillet 1938, il était signataire du « Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant ».

Marié le 19 décembre 1910 avec Aline Pinson (qui fut aussi adhérente du PC), sans postérité, Maurice Heine mourut pauvre. Tous ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa rigueur intellectuelle et de sa grande bonté.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article94769, notice HEINE Maurice par Julien Chuzeville, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 13 novembre 2019.

Par Julien Chuzeville

SOURCES : Bibl. Nat., N.af. 24396. Papiers M. Heine. — Arch. Nat. 19940462/329. — Institut M. Thorez, bobines 26, 27, 34 (notes de Jacques Girault). — Préface de Gilbert Lely à M. Heine, Le marquis de Sade, P., Gallimard, 1950. — H. Dubief « Contribution à l’histoire de l’ultra-gauche : M. Heine. », in Mélanges... offerts à Jean Maitron, Paris, Éd. Ouvrières, 1976. — Le Soviet des 30 mai et 26 septembre 1920. — La Vie ouvrière, 19 novembre 1920. — L’Internationale, 5 juillet 1921, 26 juin et 29 août 1922. — Alexandre Courban, L’Humanité (avril 1904-août 1939), thèse de doctorat, université de Bourgogne, 2005, p. 374 et 812. — Julien Chuzeville, Un court moment révolutionnaire, la création du Parti communiste en France, Libertalia, 2017. — Notice in DBMOF par Henri Dubief.

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