BEAUVOIS Gaston [BEAUVOIS Louis, Émile, Gaston]

Par Claude Pennetier

Né le 3 février 1882 à Santranges (Cher), mort le 9 mai 1932 à Ardenais (Cher) ; instituteur à Saint-Martin-des-Champs (canton de Sancergues), aux Aix d’Angillon (arr. de Bourges), puis à Ardenais ; militant syndicaliste de la FNSI puis de la FUE.

Gaston Beauvois était le fil de cultivateurs, Thomas Beauvois et Alexandrine Boisseau. Il fréquenta l’École normale de Bourges et devint instituteur après avoir effectué son service militaire d’octobre 1903 à octobre 1904 au 85e régiment d’infanterie. « Dès ses débuts dans l’enseignement public, il se fit remarquer par ses idées avancées et syndicalistes. » Il participa à la création en mai 1905, du premier syndicat des instituteurs du Cher : « Les plus téméraires, parmi les exaltés de 1905, sont partis pour se rapprocher des ouvriers, et parce qu’ils estimaient ne pouvoir rien faire au sein de l’amicale. Nous étions quatre pelés et un tondu mais nous serrions les coudes et je vous assure que nous avions de l’influence. Notre bulletin tirait à 1 200 exemplaires et était le cauchemar des chefs officiels et amicalistes » (lettre de Beauvois à Coffin, sans date mais sans doute de 1931). Le 10 juin 1905, il épousa aux Aix-d’Angilon, Emilienne Beauvais, institutrice.

Il était secrétaire adjoint du syndicat ; délégué au congrès de Nantes en 1907, il poussa à l’adhésion à la CGT. Pendant de nombreuses années, il fut le délégué au conseil d’administration de la Bourse du Travail de Bourges. Il faisait siennes les théories syndicalistes révolutionnaires et lisait la presse libertaire. Ses idées effrayaient les élus conservateurs du Cher, comme en témoigne cette lettre d’un député à l’inspection académique, datée du 10 septembre 1906 : « Mon ami et collègue Monsieur Ferri, maire de la Chapelle-Montlinard m’écrit qu’il est menacé d’avoir comme instituteur de sa commune Monsieur Beauvois, actuellement instituteur, mais avant toute chose politicien haineux et prétentieux, à Saint-Martin-des-Champs » (Arch. Dép. 6 T 314). Haineux et prétentieux, tous ceux qui l’avaient connu affirmaient qu’il ne l’était pas, mais fier, sans doute, comme le prouve le ton de ses échanges de correspondance avec son inspecteur. Ce dernier lui écrivait dans une lettre du 9 mars 1909 : « Je vous inflige donc un blâme énergique pour vous être permis dans votre lettre du 2 mars : de prétendre vous égaler au chef qui vous juge en lui écrivant que « le jugement peu flatteur qu’il porte sur vous s’explique sans doute par l’abîme qui sépare vos idées des siennes » et de lui demander de ne plus lui exprimer ses « sentiments distingués » la formule n’étant « pas de mise à l’adresse d’un supérieur ». Malgré les multiples tracasseries et sanctions dont il fut victime de la part des inspecteurs, Beauvois resta inflexible (Lettres conservées dans les Arch. synd. ens. du Cher).

En 1912, les syndicats d’instituteurs furent sommés de se dissoudre ; Beauvois et sa femme furent les premiers dans le Cher à refuser cette mesure et à signer le manifeste des instituteurs syndiqués. Selon le Radical du 19 septembre 1912 : « Le secrétaire du syndicat du Cher (Chaufournier) avait obéi à la mise en demeure gouvernementale. Mais les membres de son syndicat protestèrent et se réformèrent autour du secrétaire adjoint. » Cette information n’était pas sans fondement puisque c’est Beauvois qui assura le secrétariat de l’Émancipation syndicaliste des instituteurs et institutrices du Cher, créée le 25 février 1913. L’organisation était déclarée selon la loi de 1901 mais « Nous sommes tous d’accord, écrivait-il dans l’Émancipation, sur ce point que la forme et le nom de l’association sont bien négligeables ». Il organisa le congrès de la Fédération nationale des instituteurs qui se tint à Bourges en septembre 1913.

Gaston Beauvois fut rappelé sous les drapeaux en août 1914 et fut aux armées dans différentes unités d’infanterie, d’août 1915 à novembre 1918, atteignant le grade de sergent major. Un rapport de police du 6 juillet 1916 indiquait : « Depuis l’ouverture des hostilités, Beauvois ne s’est pas fait remarquer »... « Il ne fréquente plus la Bourse du Travail de Bourges où il n’a pas été vu depuis longtemps et où d’ailleurs les idées qu’il semble avoir sur la guerre ne sont point partagées. » En effet, les dirigeants de la BT approuvaient l’Union sacrée tandis que le secrétaire du syndicat des instituteurs était favorable à la reprise des relations internationales et suivait avec intérêt les conférences de Zimmerwald et Kienthal. Le couple Mayoux (voir Marie Mayoux) lui envoyait de Suisse les textes qu’il faisait circuler dans le milieu enseignant. L’étude de ses papiers personnels prouve qu’il était en contact avec d’autres minoritaires enseignants : Hélène Brion, Marie Guillot. Le syndicat de l’enseignement fonctionnait encore en novembre 1917, sans doute sous la direction de Beauvois. Le secrétaire fut ensuite mobilisé car Étienne Carol, dirigeant socialiste de l’Ariège, écrivit qu’il avait passé avec lui « les dernières années de la guerre au 329e RI du Havre » et le 19 mars 1919, Chaussade se réjouit de la démobilisation du secrétaire syndical. Beauvois fut en effet démobilisé en mars 1919 après avoir été affecté en janvier 1919 au 4e bataillon de chasseurs polonais puis détaché en février au centre d’éducation physique de Joinville.

Il reprit avec intensité son activité syndicale mais il ne chercha pas à faire de prosélytisme à Ardenais ou dans la ville proche du Châtelet. Le sous-préfet de Saint-Amand-Montrond écrivait le 23 octobre 1920 : « Il jouit de la considération générale dans cette commune. Il n’y fait aucune propagande et ne parle même jamais de politique à personne » (Arch. Dép. 6 T 310). Il fut pourtant condamné le 27 avril 1921 par la Cour d’appel de Bourges (en appel d’un jugement du tribunal de bourges du 29 décembre 1920) à 100 francs d’amende pour "infraction aux lois sur les syndicats" (condamnation amnistiée en 1925). Dans le syndicat de l’enseignement il restait le dirigeant incontesté malgré ses idées plus révolutionnaires que celles de la majorité des adhérents. La majorité du syndicat était hostile à la direction confédérale mais un quart seulement des membres actifs votait avec le secrétaire pour l’adhésion de la CGT à l’Internationale syndicale de Moscou en 1920 et 1921. Dans les congrès, Beauvois votait avec les comités syndicalistes révolutionnaires de l’enseignement animés par Marie Guillot, cependant il s’inspirait toujours « du désir d’union qui anime le syndicat du Cher » (compte rendu A.G. 8 juillet 1920). Il était hostile à la scission nationale mais devant le fait accompli, son camp était tout choisi : le syndicat adhéra à la CGTU. L’instituteur d’Ardennais publia des articles sur les problèmes syndicaux dans l’Émancipateur, hebdomadaire communiste du Cher, mais il n’appartint jamais au Parti communiste (contrairement à ce que nous affirmions dans le Dictionnaire t. 10 sur la foi de rapports de police mal informés). Il écrira vers 1931 : « Nous ne sommes pas anticommunistes pas plus qu’antisocialistes, n’ayant appartenu à aucun parti, nous n’avons la haine d’aucun » (rapport, 14 juin 1931 ?). Il appuyait au sein de la Fédération unitaire de l’enseignement la tendance Ligue syndicaliste. Le syndicat vivait en vase clos et contrairement à son voisin de l’Indre, ne faisait que peu d’effort pour regrouper les syndicats minoritaires du Cher. Dans un rapport d’activité de juin (1931 ?) Beauvois écrivait : « J’assiste tous les ans au congrès de l’UR (Union régionale unitaire) à Bourges avec mon ami Coffin. Nous nous efforçons de maintenir le débat sur le terrain des idées. On nous laisse parler, mais c’est dans une atmosphère d’hostilité, de haine. La bourgeoisie peut dormir tranquille nous sommes l’ennemi principal. Les paroles fielleuses, les allusions blessantes ne nous sont pas ménagées et toutes les déconvenues que l’UR et l’UL ou un syndicat unitaire peut éprouver, c’est la faute des minoritaires. Le noyau minoritaire à l’Union régionale est formé des syndicats de l’Enseignement. Ils n’ont jamais rien fait (je le dis à leur honte), n’ont rien fait pour grouper les éléments minoritaires. Un syndicat de cheminots à Vierzon, avec lequel nous n’avons jamais été en rapport, est passé à l’autonomie « c’était évidemment notre faute. Si les grèves échouent, c’est la faute des minoritaires. J’ai la certitude que l’UR nous verrait partir avec plaisir ». En 1931, Beauvois se détacha de la Ligue syndicaliste pour se rapprocher de la majorité fédérale. Il désapprouvait en effet, l’adhésion de plusieurs syndicats départementaux à la CGT. Il maintint l’unité de son organisation jusqu’à son décès en mai 1932 mais sa disparition fut bientôt suivie du départ de nombreux militants vers le Syndicat national des instituteurs.

Beauvois avait sur le milieu enseignant un grand rayonnement personnel. Cinquante ans plus tard, l’observateur doit constater l’admiration que lui gardaient tous ceux qui l’avaient connu. Pourtant, il n’était pas un homme d’estrade, ni de plume, il ne cherchait pas à briller. C’est sans doute la fermeté de ses convictions mêlée à un scrupuleux respect d’autrui qui expliquaient sa popularité. Contrairement à ses collègues socialistes ou communistes, il hésitait à user de son autorité de lettré pour gagner à ses idées ouvriers et paysans de sa région. Il croyait trop à l’émancipation de la classe ouvrière pour se proposer comme guide. Son action y perdit en efficacité et il ne put marquer aussi durablement la vie syndicale et son département que son ami Georges Thomas de l’Indre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article94857, notice BEAUVOIS Gaston [BEAUVOIS Louis, Émile, Gaston] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 8 novembre 2022.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat. F7/13 600. — Arch. Dép. Cher, 25 M, 6 T. — Arch. du syndicat de l’Enseignement du Cher comprenant toute la correspondance syndicale de Beauvois, ses brouillons d’articles, ses rapports. — Claude Pennetier, Le Socialisme dans le Cher 1851-1921, MSH/Delayance, 1982. — État civil, registre matricule. — Notes d’Alain Dalançon.

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