HERPE Émile, Pierre, Marie

Par Jacques Girault

Né le 17 avril 1891 à Plouaret (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), mort le 20 avril 1970 à Bordeaux (Gironde) ; professeur ; socialiste ; secrétaire de la fédération socialiste SFIO du Var.

Son père, cheminot, dreyfusard et socialiste, veuf avec trois filles, épousa une veuve, croyante mais non pratiquante, mère d’une fille. Ils eurent deux fils, dont Émile. La famille habita Plouaret, puis Saint-Brieuc. La sœur aînée d’Émile, institutrice à Lamballe (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fut inquiétée au moment de la séparation de l’Église et de l’État.

Son passage au catéchisme n’élimina pas le fonds d’anticléricalisme qui se développait dans la famille. Comme son frère et deux autres sœurs, Émile Herpe se dirigea vers l’enseignement. Après l’École normale d’instituteurs de Caen, il réussit le concours de l’École normale supérieure de Saint-Cloud et en sortit en 1913. Les séjours dans ces écoles contribuèrent à fortifier son socialisme mais il ne militait pas encore.

Émile Herpe fit toute la guerre dans la marine et fut nommé professeur à l’École normale d’Aix-en-Provence où il resta peu de temps puisqu’en août 1919, il était nommé à l’École normale de Draguignan (Var) sur sa demande, en raison de la santé de son épouse, dira-t-il plus tard Lecteur régulier de la presse allemande, il commentait régulièrement les évènements dans ses cours.

Émile Herpe s’inscrivit alors à la SFIO bien implantée dans le corps professoral de la ville autour notamment de l’ancien député Fourment. Il fut candidat aux élections municipales de Draguignan sur la liste du « Bloc des Gauches » qui n’était pas conduite par le maire sortant Fourment. Le 7 décembre 1919, la liste fut battue. Herpe, qui avait obtenu 651 voix sur 1 240 inscrits au premier tour, n’en retrouva que 637 (dernière position) au second. Franc-maçon à la loge « L’Égalité » à Draguignan, la veille des élections législatives de 1919, il s’opposa à toutes discussions politiques.

Émile Herpe, nommé trésorier fédéral, le 16 février 1920, lors de la réunion du comité fédéral de la SFIO à Draguignan, le 16 mai 1920, fut désigné comme membre de la commission de révision des statuts. Il occupait une position de premier plan dans l’activité politique des socialistes varois. En avril 1920, il fit une conférence devant la Loge maçonnique de Draguignan sur « la France devant l’énigme allemande », souhaitant une évolution démocratique de l’Allemagne. Il signa de nombreux articles dans la presse d’autant que les discussions sur les rapports avec la Révolution d’octobre et le courant communiste s’intensifiaient. En octobre-novembre, il affirma son hostilité à l’Internationale communiste dans plusieurs articles : « Servitude et liberté » « L’illusion révolutionnaire », « Communisme ou réformisme », « Défense nationale et socialisme », « Syndicalisme et socialisme » où il invoquait la nécessaire unité en rappelant la pensée de Jean Jaurès (Le Petit Var, 1er décembre 1920). Il signa, le 17 novembre 1920, l’appel du Comité de la reconstruction de l’Internationale. Le 19 décembre, le congrès fédéral réuni à Toulon trancha.

Émile Herpe, désigné pour prendre la parole en faveur de la motion Longuet, critiqua la motion Cachin-Frossard au nom de l’idée jaurésienne de l’unité nécessaire. Il fit adopter, par la majorité du congrès, une motion « tendant à maintenir, après le congrès de Tours, l’unité dans le parti en vue de la conférence de Vienne où devaient être discutées les conditions de Moscou ».

Émile Herpe, délégué au congrès de Tours, y prit la parole au nom de la Fédération du Var, le 26 décembre 1920. Il soutint avec force la motion Longuet.

Herpe participait aussi à la vie de la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen qui fut, pendant quelque temps, un lieu de rassemblement des forces socialistes dans le Var.

Après la scission, Émile Herpe fut au centre de la réorganisation de la Fédération SFIO dont les adhérents, dans leur majorité, n’étaient pas passés au communisme. Lors du congrès de Toulon, le 10 avril 1921, Émile Herpe était au comité fédéral et devint secrétaire fédéral. Son activité politique était double : d’une part, il participa à des réunions contradictoires avec les communistes, organisées par les cercles politiques des villages (ainsi, le cercle des Travailleurs du Luc), d’autre part, il fut de ceux, qui, dès 1921, préconisèrent le rassemblement des forces de gauche dans le but d’une revanche aux élections législatives. Le 19 juin 1921, Herpe prononça un important discours sur la théorie du socialisme au banquet du Cercle de la Concorde républicaine et socialiste de Carqueiranne. L’Humanité du lendemain indiquait qu’Herpe avait préconisé la collaboration entre socialistes et radicaux. Sous le titre « La vérité sur Carqueiranne », il fit une mise au point dans Le Populaire et dans la presse locale. Il avait dit, selon lui, « il ne faut se lier en aucune façon [...] pas de bloc des gauches, pas de pacte actuel ou éventuel ».

Une partie des divergences politiques étaient amorties par les engagements maçonniques des dirigeants politiques de la région de Draguignan. Dans la loge « L’Égalité », il se montrait pessimiste par rapport à la politique du gouvernement de droite qui était défendu par le député Paul Denise, élu du Bloc républicain varois. Hostile à un accord avec les radicaux-socialistes, il fit partie de la commission départementale de propagande pour les élections cantonales dans l’arrondissement de Draguignan. Candidat au conseil général dans le canton de Lorgues, le 14 mai 1922, contre le maire de Lorgues, radical-socialiste et franc-maçon, il recueillit 390 voix sur 1 862 inscrits ; le dimanche suivant, il obtint 624 voix. Provoquée par d’autres élus francs-maçons, la réconciliation fut entérinée lors de la tenue qui suivit.

L’activité d’Émile Herpe était si importante que le préfet s’en inquiéta, le 3 août 1921 : « ce professeur se livre à une propagande politique si ardente de théories excessives sinon extrémistes, que l’on peut se demander s’il n’en reste rien dans son enseignement ». Il se demandait si son enseignement n’en souffrait pas, d’autant plus qu’à ses charges de famille, s’ajoutait la surveillance des études. L’inspecteur d’Académie lui fit des remontrances et souligna dans son rapport qu’il importait « de veiller à ce que ne soient pas contaminés, à leur école d’apprentissage même, les maîtres de demain ». Fourment et Léon Blum firent des démarches auprès du directeur de l’Enseignement. Un « rappel à l’ordre » et « une menace formelle de mesure de rigueur » sanctionnèrent Herpe qui, pour sa défense, arguait notamment qu’il avait fait une demande régulière pour avoir l’autorisation de faire des conférences.

En outre, le préfet se demandait si son enseignement n’en souffrait pas, d’autant plus qu’à ses charges de famille, s’ajoutait la surveillance des études. L’inspecteur d’Académie lui fit des remontrances et souligna dans son rapport qu’il importait « de veiller à ce que ne soient pas contaminés, à leur école d’apprentissage même, les maîtres de demain ». Fourment et Léon Blum firent des démarches auprès du directeur de l’Enseignement. Un « rappel à l’ordre » et « une menace formelle de mesure de rigueur » sanctionnèrent Herpe qui, pour sa défense, arguait notamment qu’il avait fait une demande régulière pour avoir l’autorisation de faire des conférences.

Émile Herpe fit partie de la commission départementale de propagande pour les élections cantonales dans l’arrondissement de Draguignan. Candidat au conseil général dans le canton de Lorgues, le 14 mai 1922, il recueillit 390 voix sur 1 862 inscrits ; le dimanche suivant, il obtint 624 voix.

Outre les réunions syndicales de fonctionnaires où il était présent, Émile Herpe, par ses fonctions de secrétaire fédéral, fut amené à faire des interventions diverses.

Émile Herpe anima aussi l’essai de dialogue avec les communistes, notamment les réunions contradictoires avec Joseph Tomasi en mars 1922. La presse locale accueillit à la même époque ses lettres à Sagot-Lesage, secrétaire fédéral communiste, « Refaisons l’unité socialiste révolutionnaire », et une lettre sur la défense nationale notamment.

Le banquet du 25 février 1923 organisé par le cercle de la Concorde de Carqueiranne fut l’occasion d’un nouveau rapprochement des forces politiques de gauche.

Émile Herpe participa en tant que secrétaire fédéral de la SFIO à la campagne convergente en faveur du succès de la candidature d’amnistie, André Marty, au conseil général dans le canton d’Hyères, au début de 1923. Le 26 mars, l’inspecteur d’Académie lui notifia son déplacement d’office à Bordeaux. Cette sanction déclencha une vague de protestations. Cette affaire n’était qu’un aspect d’une répression plus vaste des libertés politiques des enseignants. Le Peuple, le 20 mai 1923, publia la lettre du ministre de l’Instruction publique, Léon Bérard, à la Ligue des droits de l’Homme qui avait protesté. Le conseil général du Var, le 27 avril, vota une motion protestant contre cette sanction politique. La presse nationale s’était largement fait l’écho de cette sanction. Si l’Œuvre, le 4 avril 1923, titrait « Un professeur est déplacé parce qu’il n’admire pas monsieur Poincaré », si Paul Faure publiait un article dans Le Populaire, le 5 avril 1923, « Masque bas, monsieur Bérard », en revanche, le chroniqueur du Journal des Débats, le 7 avril, approuvait d’autant plus que « ce fonctionnaire ne subira du fait de son déplacement aucune diminution de traitement [...] ».

À la suite de l’arrêté ministériel du 23 avril 1923, Émile Herpe, professeur de quatrième classe, fut muté à l’école primaire supérieure de Bordeaux. Le 26 avril 1923, Herpe télégraphia à la presse : « Je pars demain pour Bordeaux. Je reste secrétaire fédéral. »

Émile Herpe eut donc dès lors une double activité militante. Le Cartel des fonctionnaires l’utilisait dans le Sud-Ouest où il intervenait au nom de la Fédération des fonctionnaires dans la campagne pour « les 1 800 F » (novembre-décembre 1923). Après une réunion à Bordeaux, le 9 décembre 1923, intervenant après [Émile Glay>114438], de la Fédération des fonctionnaires, Herpe déclara, selon La France de Bordeaux et du Sud-Ouest : « Je voudrais simplement tirer la morale de ces débats : c’est que, aujourd’hui plus que jamais, le devoir de tous les travailleurs est d’entrer en foule au sein des organisations de masse. »

D’autre part, Émile Herpe revenait régulièrement dans le Var où sa famille était restée. En tant que secrétaire de la Fédération socialiste SFIO, il participa aux réunions du comité fédéral, de la commission de contrôle financier, au congrès national et fit partie de la commission exécutive pour préparer les élections législatives désignée le 23 décembre 1923. Aussi, l’Humanité, le 22 janvier 1924, prévoyait-elle la candidature aux élections de Émile Herpe « qui n’a rien d’un Varois, qui pontifie à la tribune tel un recteur ». Arrivé en deuxième position, le congrès fédéral de Toulon, le 10 février 1924, le choisit comme candidat avec Carmagnolle, Coulomb, Reynaud et Pierre Renaudel. À ce même congrès, Herpe demanda à être déchargé de ses fonctions de secrétaire fédéral mais fut délégué au congrès national.

La préparation des élections législatives par les forces de gauche devait déboucher sur un accord éventuel entre les « cercles rouges » du département et la SFIO. Il apparut très clairement que Pierre Renaudel souhaitait que cette liste comprenne Brémond et Reynaud, qui était aussi désigné par certains cercles rouges. Le 9 mars 1924, le congrès des « rouges » du Var se réunit au Luc.

Émile Herpe fut désigné comme candidat par 718 mandats sur 1 157 (31 sections sur 45) et avec 279 voix d’avance sur le deuxième. Pierre Renaudel alla le voir accompagné de Carmagnolle ; ils lui indiquèrent qu’ils ne seraient pas candidats à ses côtés. Tardivement, à vingt heures, Herpe se décida après avoir longtemps résisté. Le lendemain, de nombreux délégués qui étaient partis à l’issue de la réunion apprirent qu’Herpe ne serait pas candidat et serait remplacé par Reynaud pour un des trois sièges réservés aux socialistes SFIO. Le bruit courut naturellement qu’il avait été « acheté ». Aussi, Herpe déclara-t-il, le 14 mars 1924, dans Le Petit Provençal : « il était devenu certain [...] que Pierre Renaudel et Carmagnolle ne seraient candidats qu’à la condition formelle que je ne le sois pas ». Pris de peur, il céda : « je ne suis ni à vendre, ni à louer ». Herpe réclamait alors : « il faut tenir, dans le plus court délai, une nouvelle assemblée générale du Parti ; il le faut pour que triomphent deux forces morales sans lesquelles nous sommes menacés des pires dangers : toute la Vérité, toute la Justice ».

Le 15 mars 1924, au comité fédéral de la SFIO, le nouveau secrétaire fédéral Lamarque proposa un congrès extraordinaire ; Pierre Renaudel s’y opposa. Une lettre fut envoyée à Herpe « pour l’engager à rétracter ses déclarations ». Il s’inclina.

En avril 1924, Émile Herpe fit la campagne électorale aux côtés des candidats, spécialisé dans la contradiction apportée aux candidats du Bloc national.

La dernière apparition de Herpe fut sa candidature au poste de conseiller général dans le canton du Luc. Barbarroux, conseiller général communiste, avait démissionné en raison du résultat des élections législatives dans le canton. Le 13 juillet 1924, Herpe arriva en tête avec 409 voix sur 1 668 inscrits ; le dimanche suivant, il fut battu malgré ses 500 voix.

Émile Herpe s’installa définitivement à Bordeaux. Il milita un peu dans le Parti socialiste pendant trois années puis se tint à l’écart de la vie politique. Il fut nommé, par la suite, directeur de l’école primaire supérieure de Saint-Pourçain (Allier). Selon son fils, il « garda l’idéal socialiste jusqu’à la guerre de 1939-1940 » (abonnement au Populaire, lettres à Blum, etc.). Pendant la guerre, il devait devenir gaulliste et le resta jusqu’à sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article95006, notice HERPE Émile, Pierre, Marie par Jacques Girault, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 6 juillet 2021.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F I C III 1133 ; F7/13021 ; 13731 ; 13746. — Arch. Dép. Var, 2 M 5.250 ; 2 M 5.251 ; 2 M 5.263 ; 2 M 5.264 ; 2 M 5.265 ; 2 M 5.268 ; 2 M 7.24.1 ; 4 M 44 ; 4 M 45 ; 4 M 53 ; 3 Z 2.5 ; 3 Z 2.9. — Renseignements fournis par le fils de l’intéressé, D. Herpe.— Notes de Maurice Mistre.

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