Par André Balent
Né le 20 avril 1885 à Port Bou (province de Gérone, Espagne), mort le 19 mars 1943 à Marseillan (Hautes-Pyrénées) ; répétiteur puis surveillant général au collège de garçons François Arago de Perpignan ; militant du Parti socialiste SFIO puis du PSOP ; franc-maçon militant ; un des organisateurs du mouvement « Combat » à Perpignan ; conseiller général de Saint-Laurent-de-la-Salanque (Pyrénées-Orientales).
Si Henri Abbadie naquit à Port Bou, ses parents étaient d’origine française. Son père originaire de Trouley-Labarthe (Hautes-Pyrénées) était employé de la Compagnie du Midi. En poste à la gare internationale de Cerbère (voir Tolza Irénée), il épousa, dans cette localité alors section de la commune de Banyuls-sur-Mer, le 26 mars 1884, Sibine (sic), Conception, Thérèse Artau. Comme beaucoup de cheminots de Cerbère, il pouvait être appelé à travailler et à résider dans la localité voisine de Port Bou, de l’autre côté de la frontière où fut bâtie une gare symétrique à celle de Cerbère. Son nom ne figurait toutefois pas sur les registres de l’état civil de Port Bou. L’acte de naissance fut peut-être enregistré au consulat général de France, à Barcelone par l’intermédiaire de l’agent consulaire de France à Port Bou localité dont le nom figurait aussi dans son dossier administratif.
Henri Abbadie obtint le baccalauréat (moderne, philosophie, mathématiques) en 1903. Il exerça comme répétiteur aux collèges de Narbonne (Aude) en 1906, de Mende (Lozère) en 1908, de Lunel (Hérault) en 1909. Lors des élections au Conseil général, il prit parti pour un professeur de l’établissement qui se présentait contre le maire de la ville. En guise de sanction, le principal du collège obtint son déplacement au collège d’Agde (Hérault), avant la fin de l’année scolaire où il resta jusqu’à la guerre.
Henri Abbadie effectua son service militaire dans l’Infanterie à Bourges (Cher) et le termina comme caporal (septembre 1906-septembre 1908). Il se maria en août 1909. Le couple eut deux enfants. Mobilisé en août 1914, il passa quarante et un mois au front dans l’artillerie de l’armée d’Orient en 1916-1917 et fut deux fois blessé.
Après sa démobilisation, Henri Abbadie demanda sa mutation pour Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). Il obtint un poste de répétiteur au collège de Perpignan (Pyrénées-Orientales) à la rentrée de l’année 1919-1920. Il demanda à remplir des fonctions administratives et devint le secrétaire du principal en 1932. Adjoint au surveillant général, il fut en 1934 délégué dans les fonctions de surveillant général et y fut titularisé.
Henri Abbadie avait fondé l’association des anciens combattants de Perpignan. Il milita activement à l’Union fédérale des anciens combattants et écrivait régulièrement dans son bulletin départemental, La Voix des poilus.
Selon le rapport de l’Inspecteur d’Académie, il exerçait des responsabilités syndicales en 1926. Sous le Front populaire, il militait dans les rangs du Syndicat des personnels de l’enseignement secondaire (CGT).
En février-mars 1929, Henri Abbadie était, avec Pierre Dulcère* et Jean Ricart*, un des propagandistes attitrés de la Fédération socialiste SFIO à Perpignan et dans les localités voisines. Le congrès de la fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales, le 2 juin 1929, l’élut à la commission fédérale des conflits. En 1934 il siégeait au bureau fédéral de la SFIO des Pyrénées-Orientales où il assurait les fonctions d’archiviste (voir Georges Pézières*).
Henri Abbadie fut candidat aux élections municipales à Perpignan du 6 mai 1929 sur la liste socialiste SFIO conduite par Jean Payra*. Il obtint 3 196 voix (inscrits : 12 104 ; votants : 8 938 ; suffrages exprimés : 8 904) ; tous les candidats de la liste socialiste, à l’exception de Jean Payra, furent battus au second tour de scrutin. A nouveau candidat aux élections municipales à Perpignan sur la liste intitulée « liste socialiste Payra » (5 mai 1935), il fut élu à l’issue du second tour. Le 2 juin suivant, il fut élu conseiller général du canton de Saint-Laurent-de-la-Salanque.
En 1936, Henri Abbadie, militant actif de la Gauche révolutionnaire, participa aux activités du comité du « Continental-Bar » que les pivertistes catalans fondèrent dès le début de la guerre civile espagnole - voir notamment Ferdinand Baylard*. Il était présent à la réunion de ce comité lorsque Maurice Jaquier*, délégué national du Front populaire, se rendit à Perpignan (sans doute en août 1936) afin d’organiser des actions de solidarité avec l’Espagne républicaine. Il participa à diverses actions du comité pivertiste perpignanais. Avec Maurice Jaquier et divers militants pivertistes catalans, il assura le franchissement clandestin de la frontière franco-espagnole (en Cerdagne) de deux camions chargés de dix tonnes d’obus, à destination de la petite ville de Puigcerdà.
Après le congrès national du Parti socialiste SFIO de Royan (juin 1938), qui décida l’exclusion de la Gauche révolutionnaire, Henri Abbadie adhéra au Parti socialiste ouvrier et paysan dans les rangs duquel il milita jusqu’en 1939. En février 1939, il participa à une des dernières actions du comité du « Continental-Bar » qui permit d’arracher à la foule des réfugiés catalans qui déferlaient sur le Roussillon, fuyant l’offensive des troupes franquistes, quelques-uns des dirigeants du POUM, parmi lesquels Julian Gorkin, Pere Bonet, Joan Rodes, Joan Andrade et Wilelbado Solano (des Jeunesses du POUM).
Après l’accession du maréchal Pétain au pouvoir, Henri Abbadie manifesta son hostilité au nouveau régime politique et à sa « Révolution nationale ». Il fut révoqué de ses fonctions de surveillant général le 10 février 1941 et admis à la retraite au titre de la loi du 17 juillet 1940 pour appartenance à la franc-maçonnerie (il était affilié à la seconde loge de la Grande Loge de France de Perpignan, la loge 618 « Progrès et Fraternité » dont il était un membre en vue ; il fut, avec Joseph Tirand*, un des piliers de cette loge, très active et très engagée à gauche, impliquée, en particulier, dans son aide aux Républicains espagnols, à la fin de la Guerre Civile et au moment de la Retirada) Il s’engagea, très tôt, dans les rangs du mouvement de résistance « Combat », fondé et structuré localement par Marceau Gitard*. Il en fut, circonstance « aggravante » qui n’échappa nullement à certains de ses collègues professeurs (voir Estibotte Jules), l’un des organisateurs au collège de garçons à Perpignan. Le 14 juillet 1942, il participa, place Arago à Perpignan, à la manifestation unitaire des mouvements de résistance (dont « Combat », « Libération » (Voir Fourquet Camille) et « Franc-Tireur » (Voir Paulin François), appuyée par le parti communiste clandestin (Voir Dapère Julien). Il fut arrêté peu après et interné à Nexon (Haute-Vienne). Transféré ensuite au centre de séjour surveillé de Gurs (Basses-Pyrénées) il mourut peu après.
Une rue de Perpignan, près de l’ancien collège de garçons (aujourd’hui, dalle Arago) perpétue sa mémoire. (Voir aussi Baudru Laurent)
Par André Balent
SOURCES : Arch. Nat., F17 / 26322. - Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du cabinet du préfet (13 septembre 1951), liasse 177 (PC et SFIO, 1934-1936), rapport du préfet des Pyrénées-Orientales au ministre de l’Intérieur et annexes, 28 décembre 1934. — Secrétariat d’État des Anciens combattants et victimes de guerre (notes de Michèle Rault et Nathalie Viet-Depaule). — Arch. Com Cerbère, état civil. — Arch. Com. Port Bou, état civil. — Arch. Privées Paul Tirand (Castelnaudary). —Le Cri Catalan, hebdomadaire (officieux) de la fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales, 9 mars 1929, 11 mai 1929, 8 juin 1929. — André Balent, notice DBMOF, 1982. — André Balent, « Perpignan la résistante », in Raymond Sala, Michelle Ros (dir.), Perpignan une et plurielle, Perpignan, Trabucaire, et Archives de la Ville de Perpignan, 2004, 1101 p. [pp. 523-549.] — Christian Camps, Les Noms de rues de Perpignan, thèse ronéotée, Montpellier, 1974. — Horace Chauvet, La Politique roussillonnaise (de 1870 à nos jours), Perpignan, 1934. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, II b, De la résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 918. — Maurice Jaquier, Simple militant, Denoël, « Lettres nouvelles », 1974, p. 126 et 139. — Patricia Ramon-Baldie, Jacques Mongay, Deux siècles de maçonnerie en Roussillon (1744-1945), Saint-Estève, Les Presses Littéraires, 2003, 296 p. [p. 276]. — Jean-Marie Rosenstein, Du vieux bahut au nouveau lycée. Histoire du lycée Arago. Perpinyà 1808–2008, Prades, Terra Nostra, 2008, 304 p. [en particulier, pp. 157-158, 160]. — Paul Tirand, « Les francs-maçons du Roussillon et du Bas Languedoc et la guerre d’Espagne », in André Balent, Nicolas Marty (dir.), Catalans du Nord et Languedociens et l’aide à la République espagnole, Actes de la journée d’études de l’Association Maitron Languedoc-Roussillon, Perpignan, 7 février 2007, à paraître (2009), Presses universitaires de Perpignan, Éditions des Archives de la ville de Perpignan. — Raoul Vignettes [avant-propos de], Les rues qui nous interpellent, Perpignan, Saint-Estève, Imprimerie de la gare, 1999, 45 p. [p. 5]. — Notes de Jacques Girault.