ABDELAZIZ Hafid

Par Jacques Girault

Né le 29 septembre 1908 à Duquesne (Algérie), mort le 5 mai 1974 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; professeur à Morlaix (Finistère) ; militant socialiste SFIO ; militant syndical du SNES et de la FEN du Finistère.

Son père, instituteur d’origine kabyle à Djidjelli, exerçant des activités agricoles, était le fondateur du journal Le Réveil djidjellien, qui militait pour le modernisme et l’intégration dans la République française. Au début des années 1930, Hafid Abdelaziz (souvent orthographié Abd-El-Aziz), qui avait terminé sa scolarité à Constantine, fut son seul enfant envoyé en France pour poursuivre des études.

Ingénieur chimiste dans l’industrie pétrolière dans la région nantaise puis à Péchelbronn (Bas-Rhin) qu’il quitta « contraint et forcé par des événements extérieurs », peut-être menacé par le chômage des cadres dans les années 1930, il entra dans l’enseignement et fut nommé professeur de sciences physiques à l’EPS annexée au collège de Kernéguès à Morlaix, devenu lycée Tristan Corbière en 1949.

Hafid Abdelaziz se maria en juillet 1939 dans la ville avec une professeur de lettres classiques au collège de jeunes filles, elle-même fille d’un officier. Ils s’étaient connus pendant leurs études et avaient souhaité être nommés dans la même ville, selon les uns, ou s’étaient rencontrés seulement à Morlaix, selon leur fille. « Farouchement athée et anticlérical », il accepta de se faire baptiser pour pouvoir se marier à l’Église, mais par la suite ne pénétra plus dans une église. Ils eurent trois enfants.

Il avait effectué son service militaire dans une unité qui préparait des masques à gaz. Mais au début de la guerre, il fut affecté par une ostéomyélite et marcha par la suite avec une canne. Il ne fut donc pas mobilisé. Il prit des distances avec le régime de Vichy et participa à l’enthousiasme de la Libération.

Ami de Jules Destable, professeur d’histoire-géographie, militant socialiste, Hafid Abdelaziz devint trésorier de la Fédération socialiste SFIO du Finistère lors du congrès de Pleyben, le 17 mars 1946, puis secrétaire fédéral. Un mois plus tard, il créa à Morlaix le premier cercle d’études socialistes Jean Jaurès du département.
Hafid Abdelaziz participa régulièrement aux différentes réunions nationales du Parti socialiste SFIO, intervenant à plusieurs reprises pour souhaiter que le Parti adopte une politique laïque sans compromis sur les questions scolaires. Il fut nommé, en 1947, membre de la commission extraordinaire chargée d’examiner les demandes de réintégration dans le Parti et des cas d’indiscipline des parlementaires. Il cessa d’exercer ses responsabilités de secrétaire fédéral en mai 1949. Il devint alors trésorier de la fédération et l’était toujours à la fin des années 1950. Il se rendait souvent à Châteaulin pour rencontrer son ami, le député socialiste SFIO Hervé Mao et se réclamait souvent du sénateur Hippolyte Masson, secrétaire fédéral (1944-1950).

Ayant une partie de sa famille en Algérie, Hafid Abdelaziz intervint souvent dans les débats internes à la fédération dans un sens défavorable à l’indépendance, au nom de la défense des populations françaises. Aussi, fidèle aux idées de son père, défendit-il la politique menée par le gouvernement de Guy Mollet, qu’il connaissait très bien, à partir de 1956. Il se prononça, comme les socialistes locaux, pour une réponse négative au référendum qui ratifiait la Constitution proposée par le général de Gaulle qu’il surnommait « l’usurpateur » en septembre 1958. Lors du congrès fédéral du 15 février 1959 à Châteaulin, il intervint dans un sens opposé au point de vue de François Tanguy-Prigent, dont il était pourtant l’ami, et souhaita le maintien de l’unité du parti telle qu’elle avait été vécue depuis la Libération. Il conserva ses responsabilités dans la Fédération socialiste SFIO maintenue après le départ de Tanguy-Prigent. En mai 1967, il figurait parmi les dirigeants de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste et participa à la commission qui prépara les élections législatives. Il fit partie de la première direction de la fédération mise en place définitivement le 10 mars 1968. Mais hostile à tout rapprochement avec les communistes, il n’admit pas la transformation du parti conduite par François Mitterrand qu’il qualifiait de « socialiste par opportunisme ».

Dans le même temps, Hafid Abdelaziz militait dans le mouvement syndical. Au début de 1947, il participait à la direction de l’Union locale CGT de Morlaix. Après avoir été secrétaire adjoint de la section départementale de la FEN, il en devint le secrétaire, élu sur les listes « autonomes » (octobre 1947-1956). Il signa, dans L’Université syndicaliste du 25 février 1948, l’appel « Pour un Syndicalisme indépendant » préconisant l’affiliation du SNES à la CGT-FO. Lors de la réunion de la commission administrative de l’Union départementale CGT, le 16 novembre 1947, il défendit les thèses de la minorité des « Amis de Force ouvrière », favorables au plan Marshall. Il apparut comme le dirigeant des minoritaires sans pour autant pousser à la scission. Pourtant, en raison de ses mauvais rapports avec les communistes, il participa à l’organisation, en janvier 1948, du nouveau syndicat CGT-FO dont le siège de l’Union départementale s’installa à Morlaix. Mais, dans la FEN, de nombreux partisans de la CGT-FO, très minoritaires lors du vote de mars 1948, choisirent, comme lui, de rester dans la FEN.
Dans une lettre au secrétaire général de la FEN, Adrien Lavergne, le 8 décembre 1947, Hafid Abdelaziz souhaitait qu’une demande soit faite par les responsables syndicaux aux parlementaires pour qu’ils soutiennent leurs revendications afin que la position des élus socialistes évolue. Lavergne avait noté sur la lettre « à retenir ». Rendant compte au secrétariat de la FEN d’une manifestation départementale dans le cadre des États généraux de la France laïque, en avril 1949, Abdelaziz critiquait la conduite des communistes, venus en nombre dans cette réunion qu’il qualifiait de « corrida ». Devant la faible participation des socialistes qu’il regrettait, il estimait qu’il ne fallait plus renouveler l’expérience, à l’avenir, de ces manifestations laïques.

Hafid Abdelaziz, élu dans les commissions académiques paritaires, responsable de la section du SNES de son lycée, membre influent de sa section académique, réglait les questions corporatives de façon efficace et sa disponibilité lui valait l’estime des collègues et de la population. La maison qu’il avait fait construire près du lycée abritait souvent rencontres et réunions diverses. Son enseignement passait par l’expérimentation. Adorant les travaux pratiques, il avait mis au point des machines pour faire des expériences que ses collègues désignaient familièrement par l’expression « les machines d’Abdel ». À partir de 1959, il fut le principal artisan de la création de la section technique industrielle de second cycle long dans le lycée après l’annexion du collège d’enseignement technique. Ses relations avec les ministres socialistes permirent d’accélérer la mise en place de ces enseignements. Déchargé de presque tous ses cours, pendant quelques années, il joua le rôle de chef de travaux tout en enseignant l’électricité. Il mit en place notamment le brevet de technicien fabrications mécaniques et fut l’organisateur, à partir de 1966, du futur lycée polyvalent de Kervéguen, inauguré en 1970.

La retraite venue, en juillet 1969, Hafid Abdelaziz habita pendant quelques années dans la maison qu’il avait achetée à Alénya dans les Pyrénées-Orientales.
En 1992, l’amicale des anciens élèves du lycée Tristan Corbière publia de nombreux témoignages de ses anciens collègues.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9630, notice ABDELAZIZ Hafid par Jacques Girault, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 24 septembre 2021.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. OURS. — Arch. FEN, 1 BB 2, 4 (dépouillées par L. Frajerman). — Presse nationale, locale politique et syndicale. — Renseignements fournis par la famille de l’intéressé, C. Bougeard, P. Brigant. M. Le Clech, J.-P. Querouil, C. Querrec, Y. Raguenez et A. Robert.

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