Par François Roux
Née le 25 août 1894 à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme), morte le 25 août 1983 à Vaison-la-Romaine (Vaucluse) ; institutrice ; militante communiste du Vaucluse de 1937 à 1949 ; syndicaliste ; pionnière du mouvement des Auberges de Jeunesse.
Marie-Rose Achard était fille de paysans républicains et socialistes. Après des études à l’EPS de Romans puis à l’École normale de Valence de 1911 à 1914, elle occupa successivement des postes d’institutrice dans la Drôme, puis en Alsace de 1927 à 1936, dans les Bouches-du-Rhône, à Port-de-Bouc, en 1936-1937, enfin, dans le Vaucluse, à Mormoiron en 1937-1938, ensuite à Séguret.
Syndicaliste du SNI, Marie-Rose Achard fut déléguée au congrès de Strasbourg en 1924. Mais de tendance plus révolutionnaire que réformiste, elle n’y joua plus, par la suite, de rôle notable.
Elle adhéra au Parti communiste en 1934, à Strasbourg, ce qui lui valut son premier déplacement d’office à la suite d’une demande du directeur des mines de potasse de Staffelfelden dont dépendait l’école où elle enseignait. Communiste, au départ, par révolte plus que par conviction idéologique, Marie-Rose Achard n’en resta pas moins fidèle à ses idées et à ses amis jusqu’en 1940 ; elle dut alors démissionner sur l’injonction de Daladier transmise par l’inspecteur d’Académie : le député d’Orange, président du Conseil, lui avait toujours reproché de contaminer, avec son Auberge marxiste, le Vaucluse du Nord, et d’y influencer les élections ! Elle fit connaître sa décision, dans un article de presse de janvier 1940, avec le motif officiel. Elle ne comprenait, écrivait-elle, ni l’attitude de son parti, ni celle de l’URSS, ce qui ne la sauva pas de la suspension...
Si son rôle de militante syndicale et politique fut relativement modeste, son influence sociale et humaine dépassa largement le cadre de sa petite école. Dès 1934, Marie-Rose Achard avait créé près de Séguret, l’Auberge de jeunesse du Terron, par transformation d’une maison de vacances, aménagée en 1932, avec une équipe de camarades alsaciens. Elle était le lieu de rencontre de toutes les bonnes volontés, expression de cet humanisme populiste qui allait s’épanouir en 1936 et définir un esprit Front populaire qu’elle caractérisait dans la préface de son premier ouvrage (Vers un monde nouveau : scènes d’Auberge de Jeunesse, 1934) de la façon suivante :
– une nouvelle culture basée sur le marxisme (« une échelle des valeurs autre que celle que nous impose la société actuelle » écrivait-elle déjà, dans le Bulletin trimestriel, Séguret, 1933) ;
– une « vie de groupe disciplinée contrebalançant l’individualisme exaspéré de notre époque » ;
– une camaraderie sincère et désintéressée effaçant les différences conventionnelles ;
– la « joie de vivre » retrouvée par le contact avec la nature.
Son « Équipe » sans frontières, liée à l’Internationale de tous les opprimés, ne cachait pas ses choix politiques, était en contact avec les milieux syndicalistes et communistes vauclusiens, avec les groupes culturels populaires, tel « l’Églantine » d’Avignon. Elle connut son âge d’or avec l’avènement du Front populaire. Mais, le reflux venu, Marie-Rose Achard, qui avait parfois dérangé, inquiéta : septembre 1939 marqua la fin « de la belle aventure » !
Le rapport préfectoral du 1er décembre 1939 sur les fonctionnaires communistes la signalait comme exerçant une propagande néfaste auprès des femmes de mobilisés. Elle faisait l’objet d’une étroite surveillance, mais elle n’avait pu être prise en défaut.
Le 18 mars 1940, Marie-Rose Achard était fichée au carnet B, groupe III, avec la mention suivante : « A installé une maison de vacances, dite Auberge de Jeunesse, qui est devenue un véritable rendez-vous des groupes syndicalo-communistes [...] Les sieurs Charpier, ex-conseiller général communiste et Dijon, ex-secrétaire général du Parti communiste, fomentateur de grèves y faisaient de fréquents séjours. » (voir Étienne Charpier* et Gaston Dijon*).
Sa correspondance fut examinée au cours d’une visite domiciliaire, ses élèves et leurs parents interrogés. Sa lettre de protestation au président du Conseil ne fut pas transmise par l’inspecteur d’Académie qui la qualifiait sévèrement.
Enfin Marie-Rose Achard fut accusée de propos défaitistes tenus en classe et, par arrêté préfectoral du 7 mars 1940, il fut décidé de la « déplacer dans un délai de dix jours » ; un arrêté, du mois de mai, la suspendait de ses fonctions et finalement, en juillet, elle reçut un ordre de mutation pour le petit village de la Bastidonne, près de Pertuis, à l’autre extrémité du département.
Marie-Rose Achard y vécut une partie de la période de l’Occupation, revenant parfois quasi clandestinement au Terron. Elle retrouva son poste de Séguret, non sans mal, en 1944. Commença alors une nouvelle phase de l’histoire du Terron...
Par François Roux
ŒUVRE : Vers un monde nouveau. Scènes d’auberges de jeunesse, 1934, Cavaillon, Mistral, 1934, 160 p., 2e éd. 1973. — La Belle Aventure (Histoire d’une maison), Cavaillon, Mistral, 1975, 126 p. — Atmosphères, 1946-1948, publication arrêtée au 4e numéro (1948), Imp. Vasio, Vaison-la-Romaine.
SOURCES : Arch. Dép. Vaucluse, 4 M 234, 1 M 825 et 826. — Renseignements communiqués par l’intéressée. — RGASPI, pas de dossier à son nom dans les archives du Komintern.