Par Christian Laine
Né le 6 février 1932 à Audincourt (Doubs) ; ouvrier métallurgiste devenu enseignant ; syndicaliste et militant communiste, secrétaire de la fédération communiste du Doubs (1962-1967).
Premier garçon d’une famille de neuf enfants, Joseph Adami naquit rue Charles Peugeot à Audincourt. La famille, les usines Peugeot jalonnèrent toute la vie militante de ce fils d’immigrés italiens.
Son père, Louis Adami (1899-1971), natif de Castel-Aiarro (Italie), antifasciste, était arrivé en France en 1923, à Pienne (Meurthe-et-Moselle) où il travailla dans les mines de fer. Il y rencontra Marguerite Fiorati (1905-1993), née à Bologne (Italie), jeune fille de l’Assistance publique. Ils rejoignirent Audincourt en 1928. Dans ce Pays de Montbéliard se poursuivit le combat communiste de Louis, commencé lors de sa démobilisation, parmi les milieux révolutionnaires romains. Ce fut d’ailleurs en France que Louis Adami, pour la première fois, adhéra à un parti politique, le Parti communiste. Naturalisé en 1930, il poursuivit son combat à l’usine Peugeot de Sochaux. Pour des raisons politiques, il en fut licencié en 1936, mais continua de travailler dans le bâtiment, puis dans une petite fabrique d’Audincourt, avant d’être salarié par la mairie d’Audincourt, comme fossoyeur. En 1965, il prit une retraite qui le laissa libre de diffuser, à loisir, la presse communiste. La vie de Louis Adami fut rude, comme celle de sa femme (Odette Bencetti, épousée à Audicourt en décembre 1957), qui, tout en faisant les ménages, éduqua ses huit enfants. Inès la première, fut, en 1944, empêchée d’entrer à l’école normale, par les lois de Vichy. Plus tard, elle se lia à un militant bien connu du PSU, Georges Minazzi*. Outre Joseph, deux des quatre garçons, épousèrent le combat progressiste de leur père : Yves Adami, adjoint (PCF) au maire d’Audincourt et Jean-Pierre Adami, le plus jeune, membre du bureau national du SNE Sup. Mais une de leurs sœurs, Irène Adami maire RPR de Seloncourt fut élue députée UMP-RPR de la 4e circonscription du Doubs en juin 2002.
Ce fut dans ce cadre familial que Joseph Adami passa une heureuse prime enfance. Il fit une scolarité sans problème qui le conduisit jusqu’au certificat d’études obtenu à quatorze ans. Trois ans plus tard, il obtint simultanément, le CAP d’ajusteur et le brevet d’enseignement industriel. Ces diplômes lui permirent d’intégrer l’usine Peugeot de Sochaux le 1er août 1949. Il travailla à l’outillage, où il fut ouvrier professionnel « P1 ». Quelques mois plus tard, il adhéra à la CGT. Toutefois dans la biographie composée pour le PCF, il indiquait être adhérent à la CGT depuis 1952.
Cette entrée dans le monde professionnel fut interrompue par le service militaire. Il intégra alors les chasseurs alpins d’Annecy en novembre 1952. Là, il rencontra des militants communistes, qu’il côtoya tout au long de ses dix-huit mois d’armée. Il fut rappelé en Algérie (mai-décembre 1956) comme caporal fusilier voltigeur.
Revenu à la vie civile, Joseph Adami prépara un brevet de dessinateur qu’il obtint en 1955, ce qui lui permit, entre autres compétences, de devenir P3 en 1957, année où il participa aux grèves nationales qui, chez Peugeot, se matérialisèrent par des revendications salariales. Cette même année, le 21 décembre, il s’unit à Odette Bencetti (née en 1937), une militante du Parti communiste français. De ce couple, qui s’installa à Béthoncourt, naquit Pierre Adami, aujourd’hui radiologue.
Entre-temps, sa perception des inégalités sociales confortée par la dure réalité des 47 heures et demie de travail hebdomadaire, les lectures de l’Humanité dimanche, les tracts que diffusa son père, la guerre d’Algérie, le convainquirent d’adhérer, en novembre 1955 au PCF. Dans le même temps, il devint le secrétaire fédéral de l’Union de la Jeunesse républicaine de France qui se transforma en Union de la Jeunesse communiste de France. Ce fut là le point de départ d’un nouvel élan militant qui s’exprima lors de la campagne du candidat à la députation, Louis Garnier*. Ses multiples activités le conduisirent directement au poste de troisième secrétaire de la fédération du PCF en 1957. Le représentant du comité central lors de la conférence fédérale, Michel Vandel, ne s’opposait pas à cette promotion rapide, car, depuis son retour d’Algérie, il avait une forte autorité chez Peugeot où il était membre du bureau de la section communiste. Il fut de 1958 à 1962 le secrétaire de la section de Peugeot-Sochaux qui comptait alors 150 adhérents.
Mais le militantisme politique de Joseph Adami fut profondément marqué par ses activités syndicales. En effet, dès mars 1956, Joseph fut délégué du personnel, membre du comité exécutif du syndicat des métaux à Sochaux en 1957, puis délégué au comité d’établissement en 1960. Il participa au comité central d’entreprise de 1960 à 1962. Ces années de délégation, il les mit au service des luttes d’opposition au grand patronat que symbolisait Peugeot. La grande grève de mars 1960, qui vit notamment l’instauration des dépannages, illustra ses combats. Cette expérience acquise dans l’entreprise de Sochaux, Joseph Adami la fructifia dans deux écoles centrales du PCF (en août 1959, un mois, puis quatre mois en 1963).
Lors de la réunion du comité fédéral du 22 janvier 1961, selon le compte rendu d’Arthur Ramette, Adami s’étonna que la question des divergences avec Laurent Casanova ait été portée tardivement devant le comité central. Il mit alors en cause « la responsabilité du bureau politique » car l’attitude de Casanova au conseil national du Mouvement de la paix avait amené une « confusion » préjudiciable.
Deuxième secrétaire fédéral, chargé de l’organisation depuis 1961, il devint permanent en 1962. Mais en 1967, en désaccord avec le premier secrétaire de la fédération du Doubs, Serge Paganelli*, il quitta sa charge de permanent et le secrétariat fédéral, devenant simple membre du comité fédéral jusqu’en 1969. Selon le rapport de Lucien Lanternier qui suivait la conférence fédérale, Adami avait demandé à quitter le secrétariat fédéral car les cotisations versées à la caisse de retraites étaient insuffisantes. Il cherchait donc à retrouver la vie active d’autant que la santé de son épouse laissait à désirer. D’autre part, il paraissait « douter de lui-même ». Pourtant l’envoyé du comité central souhaitait qu’il puisse conserver sa responsabilité au sein de la direction fédérale en attendant le retour du premier secrétaire qui suivait l’école d’un an à Moscou. Une décision différente intervint. D’autre part, il était le trésorier du comité d’action contre la guerre du Vietnam.
Ce fut l’occasion d’un nouveau départ professionnel. En septembre 1967, Adami devint maître auxiliaire au collège d’enseignement technique d’Audincourt et enseigna ce qu’il avait appris dans les ateliers sochaliens. Deux ans plus tard, il réussit à la fois le concours de professeur technique adjoint des collèges et celui des lycées.
Après un an passé (1969-1970) au Centre national de l’enseignement technique de Cachan (Val-de-Marne), Adami exerça au lycée Viette de Montbéliard. Fort de cette réussite, il parvint en 1972, à intégrer l’École nationale supérieure des Arts et Métiers, qui lui permit de dispenser des cours d’organisation et méthodes industrielles à l’École nationale d’ingénieurs de Belfort, jusqu’en 1992, date de sa retraite. D’ailleurs dans le cadre de ces activités professionnelles, il fut, en 1989, interdit d’entrée à l’usine Peugeot de Sochaux, les « peugeotistes » ne supportant plus que les ingénieurs stagiaires de la firme automobile soient formés et suivis par celui qui venait de les battre aux élections municipales. Cette « affaire » qui fut relayée bien tardivement par la presse locale, permit à Joseph Adami d’être le représentant franc-comtois de la liste conduite par Philippe Herzog* aux élections européennes de la même année.
L’Éducation nationale fut pour Joseph Adami une nouvelle source de militantisme. S’il garda son adhésion à la CGT, au début de son enseignement, il se rallia au SNES, tendance Unité-Action, pour le reste de sa carrière. Il en fut même, à l’ENI, le trésorier. Là aussi les luttes furent nombreuses, avec, en point d’orgue, mai 1968. On le vit dans le film Le fond de l’air est rouge de Chris Marker.
Adami, après une interruption, redevint membre du comité de la fédération communiste en 1972. Il ne fut pas réélu lors de la conférence fédérale d’octobre 1974, le prétexte donné étant ses absences aux réunions.
En 1971, ce fut avec un autre militant communiste de l’Éducation nationale, que Joseph Adami occupa des fonctions municipales. En effet, la liste emmenée par le principal du collège de Bethoncourt (Doubs), Georges Winterhalter*, enleva au PS, la mairie de cette petite ville accolée à Montbéliard. Entre les béthoncourtois et le PCF commença alors une aventure qui dura jusqu’en 1989. Joseph fut de tous les mandats. Le premier jusqu’en 1977 où il fut conseiller municipal. Le second, entre 1977 et 1981, pendant lequel il fut adjoint à l’information. Puis en 1981, au départ de G. Winterhalter, il fut pressenti par ses camarades pour être maire, mais il soutint un jeune ouvrier, Jean-Pierre Lehec, dont il devint le premier adjoint chargé de l’information et de l’urbanisme. L’équipe municipale en place vainquit lors des municipales de 1989. Mais quelques mois plus tôt, la fédération du Doubs fut dissoute par le comité central du PCF. Et cela ne fut pas sans conséquences. Si Jean-Pierre Lehec et bien des élus communistes de la ville firent partie d’une fédération opposée à la direction du PCF, Joseph Adami avalisa les choix nationaux. Désormais à la tête des élus PCF, il dut composer avec ses ex-camarades, qui, dans la nouvelle majorité municipale ne lui laissèrent que le poste de 5e adjoint. Les divisions, l’essoufflement de vingt-quatre années de pouvoir municipal, provoquèrent, en 1995, la victoire de la droite.
Toutefois, cette charge obligea Joseph à mettre entre parenthèses, et depuis 1973, sa participation au comité fédéral du PCF. La crise de la fédération du Doubs, provoqua, en 1989, son retour au sein d’un exécutif départemental communiste nouvellement reconstruit par l’appareil de Georges Marchais*. Joseph Adami fut alors responsable de la section de Montbéliard.
Il quitta cette responsabilité mais restait toujours membre du comité fédéral et soutenait la « mutation » de Robert Hue. Rétrospectivement, même s’il pensait que « l’on a réglé administrativement un problème politique », il se félicitait qu’ » aujourd’hui, les nouvelles règles de fonctionnement, la reconnaissance de la diversité des opinions, préservent le Parti des déchirements que celui-ci a connus dans sa fédération du Doubs il y a plus de dix ans ».
Par Christian Laine
SOURCES : Arch. Dép. Doubs, J111. — Arch. comité national du PCF (notes de J. Girault). — Interviews de l’intéressé le 8 juin 1998. — État civil d’Audincourt, octobre 2008.