KEIM Antoine [KEIM Louis, Antoine, N.] dit KER Antoine (Pseudonymes : KERO et WITNESS)

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 23 avril 1886 à Firminy (Loire), mort le 21 juillet 1923 à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) ; un des principaux dirigeants du Parti communiste français et de l’Internationale au cours des années 1920-1922.

Caveau de famille PERRET au cimetière de Firminy
Caveau de famille PERRET au cimetière de Firminy
Louis Antoine KEIM (A. KER)
mort à 37 ans
1886-1923
Un grand coeur
Une grande intelligence
Voués à la cause des opprimés

Fils de Jean-Baptiste, Marie, Antoine Keim, chauffeur, et d’Antonine Perret, tailleuse, Antoine Keim fut, de novembre 1907 à octobre 1908, maître interne à l’école nationale professionnelle de Vierzon (Cher) puis élève maître pendant deux ans à l’école normale d’enseignement technique de Paris ; d’octobre 1910 à mars 1911, il suivit les cours de l’école pratique d’industrie de Vienne (Isère) puis, de mars 1911 à octobre 1912, ceux de l’école pratique d’industrie de Firminy. Durant deux années, 1912-1914, il fut professeur de français à l’école supérieure du Commerce de Munich (Bavière). Il dut rentrer en France en raison des problèmes de santé de sa jeune femme et, lorsque survint la guerre, il était professeur à l’école commerciale de Lyon.

Keim n’avait accompli qu’une année de service militaire en qualité de « dispensé ». Mobilisé le 2 août 1914 comme caporal au 5e régiment d’infanterie coloniale, il fut nommé sergent le 16 septembre. Muté au 6e régiment RIC, il passa sous-lieutenant le 3 mars 1916 puis lieutenant le 3 mars 1918. Démobilisé le 4 avril 1919, il fut réformé le 15 avril 1920 par la commission de réforme de la Seine. Il était titulaire de la Croix de guerre 1914-1918. Antoine Keim crut, semble-t-il, à « la guerre du Droit » mais « sortit de la guerre tout autre qu’il n’y était entré ». En 1920, représentant les Forges et aciéries Claudinon et la Compagnie du Chambon-Feugerolles (Loire), il se fixa alors à Paris, rue Pergolèse (XVIe arr.) ; il ne vécut plus dès lors que pour le socialisme, refusant à deux reprises, le poste que lui offraient des industriels.

Membre de la deuxième section de la Fédération socialiste de la Seine en 1919, il fut élu membre, le 11 avril 1920, de la commission exécutive de cette Fédération. Partisan de la IIIe Internationale, il assista au congrès de Tours en décembre, fut nommé membre du Comité directeur du Parti communiste et du comité de direction de l’école du propagandiste.

Collaborateur de l’Humanité et de la Vie ouvrière, il était alors chargé de la liaison entre le Parti français, le PC allemand et l’Internationale et jouait le rôle de secrétaire pour les relations internationales. À deux reprises, il se rendit à Moscou. Selon A. Dunois, Ker avait « l’art de faire passer dans ses articles, toujours soigneusement documentés, son érudition nette et précise, dédaigneuse d’ornements et comme uniquement avide de se dissimuler elle-même derrière un parti pris de simplicité limpide, de sobriété parfaite ».

Fin janvier 1921, il fut arrêté, peu avant Dunois, en même temps que Zalevski (dit A. Abramovitch) émissaire de l’IC qui aidait au financement des partis communistes, et inculpé le 30 janvier de « crimes contre la sûreté intérieure de l’État » et de « menées anarchistes » ; il bénéficia le 22 mai d’un non-lieu. Cette affaire fut le prétexte de la campagne de « l’or de Moscou ». En fait, il s’agissait de sommes réduites et Ker y consacra un article le 18 octobre 1921 dans le Bulletin de la presse communiste : « Autour de l’affaire Zalevski ». Quoi qu’il en soit, Boris Souvarine proposa Ker pour remplir les fonctions de secrétaire de rédaction de la version française de L’Internationale communiste (cf. Archives Humbert-Droz, tome 1, p. 86).

Le 12 décembre, l’Humanité publiait un projet de Ker sur la réorganisation du Comité directeur et lors du congrès de la Fédération de la Seine, les 17-18 décembre, il fit partie de la minorité de la commission des résolutions. Au congrès de Marseille, 25-30 décembre 1921, Ker rapporta sur le conseil d’études communistes créé à la suite de l’échec du conseil économique du Travail de la CGT et il fut réélu membre du Comité directeur.

En février-mars 1922, Ker participa, avec Cachin, Métayer, Renoult, Sellier, Boris Souvarine et Treint à la conférence du Comité exécutif élargi de l’Internationale sur l’unité du « front prolétarien » avec voix consultative et il exprima alors son accord avec les thèses de l’IC, à la différence de la délégation du Parti français. Selon Humbert-Droz, Ker oscillait entre la gauche et le centre du Parti alors que Boris Souvarine estimait qu’il inclinait délibérément vers le centre. Il était alors secrétaire de la sous-commission travaillant sur la tactique du front unique. Le 15 août, il fut désigné, par le CD, responsable de la page du Parti dans l’Humanité et il participa le 16 à une réunion convoquée par Humbert-Droz où furent préparés, contre la gauche, les projets de résolution adoptés par le CD sur le front unique et la politique générale, résolution dite Frossard-Souvarine.

Au IIe congrès du parti tenu à Paris du 15 au 22 octobre 1922, Ker représentait le centre avec Frossard et Soutif ; il présenta, le 19, avec Paquereaux et Bestel, un projet d’entente centre-gauche qui fut accepté par la gauche. Membre du CD, il fut désigné au Bureau politique où le centre devait être majoritaire. Lors de la première réunion du nouveau CD le 24 octobre, Ker fut nommé directeur de la page « Vie sociale » de l’Humanité et membre de la commission de la librairie. À partir du 2 novembre, il participa au CE élargi de l’Internationale. Il assista à Moscou, du 5 novembre au 5 décembre au IVe congrès de l’IC puis, du 12 au 16 décembre, il présenta au CD français les décisions prises par ce congrès, notamment les résolutions adoptées sur la question française dont celles concernant le nécessaire abandon de la Franc-maçonnerie et de la Ligue des droits de l’Homme. Se conformant à ces conclusions, Ker démissionna de ces organisations et donna également sa démission des organismes dirigeants du Parti et de son poste de responsable de la rubrique « Vie économique et sociale » à l’Humanité mais Humbert-Droz, appliquant les décisions particulières de l’IC, imposa son maintien à ce dernier poste.

Début 1923, Ker participa, avec d’autres militants, à la conférence d’Essen et à une série de meetings en Allemagne qui entraînèrent des poursuites en France et il fut appréhendé le 13 janvier ainsi que d’autres militants pour « attentat contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État ». Toutefois, le 30 janvier, sur ordre du juge d’instruction, il fut conduit à son domicile pour rencontrer sa femme gravement malade. Le 3 février, il fut à nouveau autorisé, pour le même motif, à passer la journée près de sa femme. Le lendemain, il fut mis en liberté provisoire.

En avril, Humbert-Droz signalait que le Parti n’employait plus Ker qui travaillait au bureau d’études économiques et il écrivait le 14 juin à l’Internationale : « Je crois que Renoult et Ker ont donné, depuis la fin de la crise et depuis le mois de janvier, assez de preuves d’attachement au parti pour qu’on ne les élimine pas de la vie de l’organisation qui manque de militants et de cadres ; sur ce point aussi, il serait bon que l’exécutif donne son opinion » (Archives, I, p. 489).

Mais Ker devait décéder le 21 juillet 1923 d’une hémorragie cérébrale foudroyante, il fut inhumé à Firminy. Selon des historiens locaux de Firminy, des habitants émirent des doutes sur le caractère naturel de sa mort en raison de la solidité du personnage, mais rien d’autre ne vient alimenter cette rumeur. Il est par contre possible que les attaques dont il était l’objet au sein du Parti communiste aient affectées sa santé. Amédée Dunois lui rendit hommage le 26 ainsi que K. Radek dans le Bulletin communiste du 23 août et Clara Zetkin dans celui du 30 août ; enfin le IIIe congrès du parti français, réuni à Lyon, fit de même au cours de sa première séance, le 20 janvier 1924. Notons cependant que sa femme écrivit au secrétariat du parti pour commenter un article de Souvarine consacré à Ker dans le Bulletin communiste du 9 août "sous le coup d’une belle émotion et dans des termes que sa douleur toute récente, rendait si vibrante que nous avons obtenu qu’elle n’insistât pas pour l’insertion de sa réponse" (Louis Sellier).

Marié le 13 août 1912 avec Madeleine Hivert, qui était militante communiste, Ker était père d’un fils, Keim Jean, Louis, Michel, né à Paris le 1er mai 1922 (Source INSEE), qui serait mort dans les opérations militaires en 1945. Madeleine Hivert lui consacra un roman.
Madeleine Pierrette Hivert (Kerette) épousa, après la mort d’Antoine Ker, Arthur Innocent Ardino à Bruxelles le 30 janvier 1926.
Sa sœur Marie Ker fut également militante communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article97250, notice KEIM Antoine [KEIM Louis, Antoine, N.] dit KER Antoine (Pseudonymes : KERO et WITNESS) par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 2 novembre 2010, dernière modification le 6 novembre 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Antoine Keim (1921)
Antoine Keim (1921)
cc Agence Meurisse
1909 L’Étoile Sportive de Firminy (Keim est en maillot blanc). L’équipe fut créée par Vial,un prof de l’École pratique de Firminy, école dont certains joueurs portent la casquette. Les autres joueurs ont la faluche (béret) du club.
Cliché fournis par Jean Vigouroux.
Antoine Ker
Antoine Ker
Bulletin communiste, 8 août 1923
Caveau de famille PERRET au cimetière de Firminy
Caveau de famille PERRET au cimetière de Firminy
Louis Antoine KEIM (A. KER)
mort à 37 ans
1886-1923
Un grand coeur
Une grande intelligence
Voués à la cause des opprimés

ŒUVRE : Le Comité des Forges et l’occupation de la Ruhr, 1923. — La liquidation du traité de Versailles, Librairie de l’Humanité, 1923. Préface de G. Monmousseau, 64 p. — Collaboration à l’Humanité, à la Vie ouvrière, au Bulletin communiste...

SOURCES : Arch. Jean Maitron (Batal). — Arch. Bibl. marxiste de Paris, bobines 13, 19, 24, 26, 29, 30, 32, 38, 41, 45, 48, 52. — Bulletin communiste, article du 9 août 1923 (Boris Souvarine). — Romain Ducolombier, Camarades, op. cit. — Notes de Jacques Girault et de Jean Vigouroux. — État civil de Firminy. — Bulletin 2012 de la Société d’histoire de Firminy.

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