AIROLDI Julien, Jérôme. Pseudonyme à Moscou : MEYER Paul

Par Maurice Moissonnier, Claude Pennetier

Né le 27 mai 1900 à Deluz (Doubs), mort le 3 décembre 1974 à Saint-Genis-Laval (Rhône) ; ajusteur-mécanicien ; syndicaliste et militant communiste, dirigeant de la fédération du Rhône du Parti communiste, membre du Comité central (1937-1950) ; conseiller municipal de Lyon, conseiller général, député du Rhône (1946-1951).

Julien Airoldi dans les années 1940
Julien Airoldi dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Fils de Jean Airoldi (d’origine italienne, mort en 1931) et Marie Graizely (d’origine suisse, morte en 1906), forgeron (mécanicien d’entretien à la papeterie Chalandre) et ménagère puis ouvrière d’usine, Julien Airoldi, avant-dernier de neuf enfants, fréquenta l’école laïque de six à treize ans puis « fut recueilli par un oncle qui était socialiste et ce fut lui qui me fit mes premières leçons de socialisme » (autobiographie de 1932). Un de ses frères, Marc, mécanicien, devint communiste ainsi que sa sœur Thérèse, papetière. Son frère Paul, militant syndicaliste, mourut au combat en 1918.

Julien Airoldi venait juste d’entrer en apprentissage à Besançon (Doubs) à la fabrique d’automobile Schneider lorsqu’éclata la Première Guerre mondiale. Pendant la durée du conflit, il s’employa d’abord chez des paysans à Gray (Haute-Saône) puis à Tôlerie industrielle Petit Vicard et Cusin de Levallois-Perret (Seine) (1915-1917), à la compagnie générale des voitures de place, ensuite comme commis boucher dans son pays natal, à la Cotonnerie de Montferand (Doubs) en 1917, comme tourneur d’obus à Besançon (1917-1920), chez Douge, dans une usine travaillant pour la Défense nationale. Le Dictionnaire des parlementaires affirme « Dès 1917, il participe à une grève contre les fusillades du Chemin de Dames » ; ce mouvement n’est pas cité dans ses autobiographies. Il situe en septembre 1918 sa première grève. C’est en 1919 qu’il adhéra au syndicat CGT des métaux, et, en vendant la presse syndicale, il connut en 1920 sa première arrestation accompagnée de violences policières. Déjà lecteur de L’Humanité, Julien Airoldi accomplit son service militaire en Alsace à Haguenau, au 50e régiment d’artillerie. À son retour à la vie civile, il travailla chez Peugeot à Sochaux en 1924.

En 1924, le 1er mai (dans ses autobiographies remises au Komintern il donne deux fois la date de mai 1925 et deux fois celle de mai 1924 : « J’ai adhéré au Parti en mai 1924 sous les sollicitations d’un ancien combattant de mes amis et surtout parce que mon idéal était communiste »), il aurait adhéré à Givors où il avait trouvé du travail à l’usine Fives-Lille. Or Julien Airoldi situe lui-même sa période de travail dans cette ville à 1925-1927. Son autobiographie de 1932 donne 1925 comme date d’adhésion à la CGTU et la situe à Givors. Secrétaire du syndicat unitaire des Métaux puis secrétaire de l’Union locale de Givors il était en même temps responsable de l’une des premières cellules d’entreprise communiste du Rhône, celle de Fives-Lille et du « rayon » (section) de Givors. La vigueur de son action militante ne tarda pas à le mettre en vedette et, avec vingt-huit de ses camarades, il fut renvoyé sous l’accusation d’espionnage industriel (dans son autobiographie de 1933, il évoque cet épisode en le situant en 1927 : « J’ai été arrêté pour inculpation d’espionnage industriel et sabotage alors que je travaillais à Fives-Lille Givors Rhône en 1927, après interrogatoire, je fus relâché ainsi que 18 autres camarades inculpés ». Un autre questionnaire rempli deux mois plus tôt donne la date de 1926). Une grève des travailleurs de Fives-Lille obtint sa réintégration trois jours après. Mais ce n’était que provisoire : à la faveur d’un lock-out, il perdit de nouveau son emploi et dut se fixer à Oullins car le patronat Givordin se refusait désormais à l’embaucher. Il était secrétaire du club sportif de Givors en 1929.

Après avoir été manœuvre sur les chantiers, Julien Airoldi retrouva du travail à la Construction électrique de France à Lyon (1927), fut licencié de la Construction électrique à Vénissieux après avoir mené une grève de onze jours avec 450 ouvriers, passa chez Cruizet et Combes (1928-1929) puis à la Société électro-chimique de Pierre-Bénite (1930-1933) où, avec Louis Aulagne* il créa le syndicat unitaire des Produits chimiques. L’année suivante. En 1926, il devint membre du comité régional du PC, puis, en 1928, secrétaire du « rayon » de Lyon et enfin, en 1930, membre du bureau régional. Il écrira en 1937 : « Je n’ai jamais été lié au groupe Barbé-Celor et avec nos camarades Doron, Manin, Waldeck-Rochet, je fus l’un des militants qui chassèrent l’équipe Chabanis de la direction du Parti à Lyon en 1931. Plus précisément c’est moi qui ai remplacé Chabanis à la direction du rayon de Lyon, à cette époque avec les camarades Manin et Brousse. » Voir les biographies de Pierre Chabanis*, Jean Doron*, André Manin*, Waldeck Rochet*.

Le 30 août 1930, il se maria avec Violette Escure (Juliette), culottière, dont le père Victor Escure*, forgeron était un militant communiste oullinois très actif. Son épouse adhéra au Parti communiste mais n’en resta pas membre car dans son autobiographie de 1937 il écrit : « elle n’est pas membre du Parti mais milite dans le comité mondial des femmes et dirige un groupe de jeunes filles de France, elle a toujours été syndiquée ». Elle reprit la carte puisqu’elle fut exclue en 1943. Julien Airoldi divorcera après la Libération. En 1949 le Comité central lui adressera un blâme « pour non-respect d’une décision prise. Avoir revu ma femme exclue malgré l’interdiction qui m’en était faite » (questionnaire autobiographique de 1949).

En 1932, Julien Airoldi écrivait : « Présentement je suis chargé de réformer le syndicat des produits chimiques de Lyon. » Il ajoute, « Ayant été consulté par Waldeck Rochet, secrétaire régional, pour savoir si je voudrais aller à l’école inter, c’est avec ardeur que je remplirai le mandat de m’instruire pour servir le prolétariat. »

De 1932 à 1934, pendant quatorze mois, la direction du Parti communiste l’envoya à Moscou pour y suivre, sous le nom de Paul Meyer, les cours de l’École léniniste internationale organisée par le Komintern. Il y occupa les responsabilités de « partorg », c’est-à-dire d’organisateur du Parti et suivit les Français. À son retour, permanent, Julien Airoldi succéda à Waldeck-Rochet à la tête de l’organisation régionale du PC et, à ce titre, joua un rôle important dans la réalisation du Front populaire à Lyon. En 1935 il conduisit la liste municipale communiste à Oullins et, au 2e tour, se désista en faveur des socialistes. Le VIIIe congrès du PC, tenu à Villeurbanne dont il présida la dernière séance le 25 janvier 1936, le désigna, avec Georges Lévy* comme membre de la commission de contrôle financier du Parti. Candidat dans la 11e circonscription de Lyon aux législatives de 1936, il rassembla 3 994 voix (contre 1 720, en 1932 au candidat communiste d’alors, Poirier) et, au deuxième tour, se désista en faveur du socialiste Claude Jordery*, maire d’Oullins, qui fut élu avec 13 173 voix. Au IXe congrès du Parti tenu à Arles, en décembre 1937, Julien Airoldi entra comme membre suppléant au Comité central du PC, il assumait cette même année les fonctions de délégué du Comité central auprès de la direction des Brigades internationales (1936-1937). Il resta secrétaire régional jusqu’au début 1939. D’après Jean Jérôme*, il assurait l’achat et le transport d’armes venant de Suisse.

En mars 1939, Julien Airoldi fut délégué auprès du secrétariat de l’Internationale à Moscou. Il devait ne rentrer à Lyon que le 10 septembre 1939 et, dès son retour, il s’employa à faire appliquer la ligne de l’IC dans le Parti légal jusqu’au 26 septembre, puis dans le Parti illégal.

Le 23 octobre 1939 Julien Airoldi figurait parmi les communistes arrêtés et internés à Dardilly (Rhône) au fort du Paillet. On le transféra en décembre à la prison Saint-Paul de Lyon et, sous l’inculpation « d’intelligence et d’action au profit d’une puissance étrangère », le tribunal militaire siégeant en juin 1940 à Montluc le condamna à deux ans de prison. En septembre 1941 il fut transféré au fort Barraux (Isère) où étaient détenus de nombreux communistes lyonnais, puis en novembre au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). En janvier 1942, comme il était tombé malade, on l’interna au sanatorium de La Guiche (Saône-et-Loire) et son retour à Saint-Sulpice n’eut lieu qu’en janvier 1943.
Dans ce camp, sans doute avant son départ au sanatorium, il faisait partie du triangle de direction du parti communiste clandestin avant de passer cette responsabilité à Pierre Girardot*. Il participa à l’évasion collective du 10 juillet 1943 et fut caché près de La Seyne (Var), dans le quartier des Sablettes, puis à Toulon. Responsable de secteur du PC clandestin, il intégra le triangle de direction régional du Var en tant que responsable politique en remplacement de Jean Llante*, à la fin de 1943. Les témoignages le décrivent comme autoritaire et dur. Il devint par la suite responsable politique interrégional du PC à Marseille et le resta jusqu’à la Libération sans que l’on puisse préciser quel fut son poids réel, ni son rôle dans la libération de la ville. Il participa à la réorganisation du parti légal et de sa presse. Il était titulaire de la médaille de la Résistance.

De retour à Lyon en octobre 1944, Julien Airoldi reprenait la direction de la Fédération du Rhône du PC mais dès avant son retour, la direction du Parti communiste avait diffusé une affichette signée Airoldi appelant la population lyonnaise à soutenir l’insurrection de Villeurbanne déclenchée inopinément le 24 août.

Membre dirigeant du Comité de Libération, c’est lui qui présenta, au congrès régional des CDL, à Avignon les 7 et 8 octobre 1944, le rapport sur l’épuration. Membre du conseil municipal de Lyon, il devint adjoint au maire provisoire Justin Godart. Réélu lors des élections municipales des 19 et 26 octobre, il fut un des quatre adjoints communiste de Herriot avec Georges Revel, Louis Demornex et René Lauthier mais les quatre démissionnèrent dès le 26 octobre. Cet événement ne serait pas étranger au remplacement de Julien Airoldi par le métallurgiste Jean Cagne à la direction du secrétariat fédéral en mars 1948, écrit Audrey Le Goupil (op. cit.). Le 21 novembre 1945, tête de liste communiste dans le Rhône, Julien Airoldi fut élu député à la Constituante puis le 2 juin 1946 et le 10 novembre 1946, mais, en 1951, il dut céder la place pour permettre l’élection de Pierre Cot et, troisième de liste derrière Jean Cagne* et Pierre Cot*, il ne fut pas reconduit dans son mandat. Il en conçut une amertume très perceptible. Au cours de la première Constituante, il était intervenu dans la discussion sur le projet de loi relatif au monopole et à la nationalisation du gaz et de l’électricité, en présentant un amendement en faveur de l’intégration de la Compagnie nationale du Rhône au sein d’EDF. Il prit la défense des ouvriers du gaz et de l’électricité lors de la seconde constituante, le 3 octobre 1946. Membre de la commission de l’éducation nationale après novembre 1946, il intervint sur la question de la formation sportive de la jeunesse mais aussi sur le statut des établissements Berliet.

Élu membre titulaire du CC par le Xe congrès en juillet 1945, Julien Airoldi fut réélu par le XIe en juin 1947 mais non par le XIIe le 6 avril 1950. Le PCF. l’avait chargé de délégation en Suisse, en 1947, auprès du Parti du Travail et en 1948 en Italie. Il conserva, après son départ du secrétariat fédéral du PC du Rhône, en 1951, son mandat de conseiller municipal (1959-1964) et y ajouta un mandat de conseiller général du Rhône (1951-1970).

À sa mort, Julien Airoldi était membre du bureau de la cellule Marcel Pilliard de la section de Gerland.

D’une haute stature, d’un abord bourru, Julien Airoldi faisait parfois preuve d’une sensibilité qui surprenait. Il a marqué de sa forte personnalité l’histoire du Parti communiste dans le Rhône.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9755, notice AIROLDI Julien, Jérôme. Pseudonyme à Moscou : MEYER Paul par Maurice Moissonnier, Claude Pennetier, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 14 juillet 2022.

Par Maurice Moissonnier, Claude Pennetier

Julien Airoldi dans les années 1940
Julien Airoldi dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Julien Airoldi et son épouse Juliette Escure
Julien Airoldi et son épouse Juliette Escure
Victor Escure, Julien Airoldi, Juliette Escure
Victor Escure, Julien Airoldi, Juliette Escure
Clichés fournis par Daniel Schimillum, petit-fils de Victor Escure

ŒUVRE : Pour que la France vive... Épuration rapide et complète, Congrès des CDL, Avignon, 7 octobre 1944.

SOURCES : Arch. du Komintern, dossiers personnels, RGASPI, 495 270 33 : autobiographies de 1932, 1933, 1949. — Arch. Nat., F7/13103, rapport du 1er mai 1926. — Arch. Dép. Rhône, série M, élections 1935, 1936, 1946. — La Voix du peuple, hebdomadaire régional du PC (en particulier le 15 février 1936). — Fiche biographique remplie par l’intéressé. — Notice nécrologique La Voix du Lyonnais, supplément à l’Humanité-Dimanche, 11-17 décembre 1974. — L’Humanité, 5 décembre 1974. — Le Monde, 5 décembre 1974. — Dictionnaire des parlementaires français, 1940-1958, tome I, 1988, La Documentation française. — Audrey Le Goupil, L’Union départementale CGT du Rhône et l’action revendicative (septembre 1944-décembre 1947), mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université Lumière Lyon II, 1998. — Pierre Girardot, La lavande et le Palais-Bourdon, Paris, Éditions sociales, 1980, p. 78 — Jean Jérôme, La part des hommes. Souvenir d’un témoin, Paris, Acropole, 1983, p. 191. — Témoignages. — Notes d’André Caudron. — Max Weinstein, Souvenirs, souvenirs, Editions du Losange, 1997 (il fait d’Airoldi un portrait critique). — Renseignements Jean-Marie Guillon.

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