Par Jacques Girault
Né le 10 septembre 1929 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 9 février 2009 à La Verrière (Yvelines) ; professeur ; militant communiste ; militant syndicaliste du SNES, secrétaire général du S3 de Paris (1967-1971), secrétaire général adjoint (1971-1981), puis secrétaire général (1981-1984).
Son père, chef monteur électricien, devenu ingénieur, chez Thomson, puis Thomson-Alcatel, athée, sportif, membre des Jeunesses socialistes et de la CGT, adhéra au Parti communiste pendant l’Occupation. Sa mère, originaire de Toulouse, opératrice téléphonique, cessa de travailler pour élever ses trois garçons. Gérard Alaphilippe, après avoir effectué sa scolarité primaire dans diverses villes de France (Épinal, Toulouse, Bordeaux, Brest, Pau, Lyon, en fonction des déplacements de son père, installateur de centraux téléphoniques), commença ses études au lycée comme interne en 1939, à Toulouse où sa famille s’était fixée. Alors que son père était affecté spécial au Creusot, sa mère devint secrétaire à l’hôpital de Purpan. Il participa, depuis l’âge de huit ans, aux activités d’un groupe des éclaireurs de France où il devint chef de troupe.
Pendant une interruption de scolarité, Gérard Alaphilippe effectua un début d’apprentissage chez un artisan serrurier. Dans sa « biographie » remplie en février 1950 pour la section des cadres du Parti communiste français, il indiquait avoir participé à quelques actions de résistance (transmission des rapports sur les PTT établis par son père) à Villemur-sur-Tarn où demeurait sa grand-mère et lors de la libération de Toulouse.
Sa scolarité secondaire se termina par un succès au baccalauréat (philosophie) en 1946, et il s’inscrivit en philosophie à la faculté des lettres de Toulouse où il obtint la licence (certificats de morale et sociologie en 1948, de psychologie en 1951, de philosophie générale en 1952, d’histoire de la philosophie en 1953). Militant de l’Association générale des étudiants de Toulouse, adhérente à l’Union nationale des étudiants de France, depuis novembre 1948, il en assuma le secrétariat en 1948-1949 et devint le vice-président de la Corpo des Lettres (1949-1951).
Gérard Alaphilippe effectuait différents petits travaux (commis de librairie, employé d’hôpital) pour subvenir à ses besoins, tandis que ses parents résidaient en Algérie. Ils vinrent habiter Antony (Seine) en 1956. Il occupa aussi des postes de maître d’internat aux collèges de Pamiers et de Montauban à partir d’octobre 1953. Il présida le groupe des étudiants anticolonialistes de Toulouse, comprenant des étudiants de diverses nationalités. Membre de l’Union de la jeunesse républicaine de France depuis 1947, il appartenait aussi à l’Union des vaillants et vaillantes dont il fut le secrétaire à la propagande de la fédération départementale et aux Éclaireurs de France.
Alaphilippe adhéra au Parti communiste français en janvier ou en février (selon les sources) 1947 (cellule Politzer de la section Toulouse-Nord-Esquirol). Il collaborait au Patriote, quotidien régional du Front national. Responsable du comité du Parti des cellules étudiantes en décembre 1949, secrétaire de sa cellule, membre du comité de section, proposé pour devenir membre du comité fédéral en 1950, il suivit une école fédérale. À l’issue de sa « biographie », le secrétaire fédéral Roger Martin indiquait : « jeune camarade intelligent, très dynamique. Un des principaux artisans du redressement du travail parmi les étudiants ». Il fréquenta les réunions du bureau, sans en être membre, de la Fédération communiste de Haute-Garonne au début des années 1950, alors suivie par André Marty. Il fut poursuivi après une manifestation pour la paix en Indochine en 1950 pour « violence, voies de fait et rébellion à agents ». Son procès, où il fut condamné à six jours de prison, le 17 janvier 1951, provoqua un grand mouvement de solidarité. Par la suite, en appel, le 18 septembre 1951, il fut condamné à une peine d’amende de 14 288 francs.
Gérard Alaphilippe ne fut pas réélu au comité fédéral lors de la conférence fédérale, en mai 1954, puisque, surveillant dans un collège de l’Ariège, il était en instance de départ pour le service militaire qu’il effectua en Allemagne, comme deuxième classe, dans un régiment de tirailleurs marocains (octobre 1954-décembre 1955) et fut rappelé sous les drapeaux (mai 1956-décembre 1956). Il s’était inscrit pour préparer le certificat d’études littéraires générales qui lui donnait la possibilité d’obtenir une licence d’enseignement. Son rappel sous les drapeaux l’empêcha de passer l’examen à la session de juin. Il obtint l’autorisation du doyen de le passer avec succès en octobre.
Désormais, Alaphilippe voulut se rapprocher de ses parents et s’inscrire à la faculté des lettres de Paris pour préparer un diplôme d’études supérieures sous la direction de Pierre George, conseillé par les enseignants communistes Louis Rieucau et par Jean Bastié qu’il avait connus à Toulouse, Son sujet portait sur la construction immobilière en banlieue Sud. Il le soutint en 1958. Il demanda à travailler comme surveillant dans l’académie de Paris à la fin de 1956. En janvier 1957, il obtint un poste de surveillant au lycée Lakanal à Sceaux puis au lycée Louis le Grand à Paris où il demeura jusqu’en 1960 Il réussit au concours de l’agrégation de géographie en 1960.
Nommé au lycée Thiers de Marseille en 1960-1961, Alaphilippe devint rapidement secrétaire d’une section communiste. Il donna un cours à l’Université nouvelle de Marseille, le 23 novembre 1960 sur le développement des pays sous-développés. L’année suivante, il fut muté au lycée Jean-Baptiste Say à Paris et habitait Boulogne-Billancourt, 39 rue des Longs Prés. Il appartenait à la cellule communiste du lycée dont il était membre du bureau. En 1962, proposé pour le comité de la section communiste du XVIe arrondissement (Auteuil), il remplit une nouvelle « biographie ». En 1962, il siégeait au bureau du comité de coordination des comités antifascistes du secondaire. Tout d’abord représentant du lycée Jean-Baptiste Say, il joua un rôle déterminant dans l’évolution du comité. Dans sa « biographie » de 1962, il indiquait bien connaître les deux professeurs communistes Lucien Sève et Jacques Chambaz.
À partir de 1964, il enseigna au lycée Henri-IV où il resta rattaché administrativement jusqu’à sa retraite en 1991. Après son détachement syndical à partir de l’année 1967-1968, quand il reprit un poste d’enseignant en 1984, il obtint qu’une partie de son service puisse s’exercer en classe d’Hypokhâgne au lycée d’Antony.
Gérard Alaphilippe se maria à Paris (XIIe arr.), en décembre 1962 avec Éliane, Paulette Valérie Féraud, née le 14 octobre 1934 au Brusquet (Alpes-de-Haute-Provence), conseillère d’orientation, militante du SNES. Ils divorcèrent en octobre 1990.
Membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES) depuis 1953, alors surveillant au lycée Lakanal à Sceaux, il fut un des organisateurs d’un mouvement de grève des maîtres d’internat et surveillants d’externat de la région parisienne en 1958. Aussi fut-il candidat, comme MI-SE, sur la liste B en mai 1958 lors des élections de la commission administrative du SNES.
Gérard Alaphilippe fit partie de ceux qui, dans le Parti communiste, souhaitaient que soit élaboré un programme pour l’Éducation nationale. Au lycée Jean-Baptiste Say, Jean-Baptiste Marcellesi, alors secrétaire du S1 du SNES, lui proposa de participer à un groupe de réflexions créé par le PCF sur les questions des enseignements de second degré et animé par Maurice Loi, auteur d’un ouvrage Le désastre scolaire, paru en 1962, analyse critique de la politique éducative du régime.
Alaphilippe participa, avec l’aide de Léo Figuères, responsable de la direction du Parti communiste pour l’enseignement, à la mise en place d’une nouvelle structure de réflexion englobant les enseignants communistes de tous les degrés, alors relevant de commissions différentes, qui commença à réfléchir sur un programme du Parti en matière d’enseignement s’inspirant du plan Langevin-Wallon. Ce groupe de huit membres, dont Alaphilippe, fut officiellement désigné par le secrétariat du Parti, le 4 février 1964, afin de « considérer que dans l’orientation de notre travail parmi les enseignants, il faut donner toute la place nécessaire à l’activité du Parti ». Par la suite, en mai 1964, Figuères cessa d’être responsable des questions des intellectuels et de l’enseignement remplacé par Henri Krasucki. Ce groupe s’élargit et fut animé par Georges Cogniot et Pierre Juquin à partir de l’automne 1964, puis très vite par ce dernier. Le groupe rédigea des brochures encartées ou non dans le mensuel L’École et la Nation ; Alaphilippe prit part à la rédaction des passages concernant le second degré.
Ce changement s’accompagna d’une nouvelle réflexion des communistes sur la vie interne du syndicalisme enseignant. Jusqu’alors le PCF refusait l’organisation en tendances, nuisible selon lui à la nécessaire lutte unitaire que devaient mener les enseignants. Avec quelques autres enseignants communistes, Alaphilippe revendiqua la notion de tendance. Ces positions se heurtèrent notamment à celles des instituteurs communistes qui, souvent par souci corporatif, entendaient privilégier des formes variées de contacts avec les dirigeants « autonomes » du syndicalisme enseignant. Le point de vue défendu par Krasucki et Alaphilippe, s’imposa contre les partisans d’un maintien de l’ancienne tactique (ainsi Cogniot et Loi qui semblaient exclure toute modification des analyses communistes en matière d’enseignement, accordant la prééminence au Parti sur le syndicat). Toutefois tous étaient inquiets de la situation du syndicat dans l’académie de Paris où le S3 était dans un premier temps cogéré par les militants autonomes en perte de vitesse, autour de Louis Letonturier, allié aux élus de la liste B, animés par [Victor Leduc-107785] et d’autres militants qui venaient de rompre avec le PCF.
Maurice Loi se retira de la vie syndicale à la demande des dirigeants communistes en 1964. Alaphilippe, soutenu par la direction du Parti, devint alors très vite le chef de file des communistes dans l’enseignement secondaire. Il fit adopter une stratégie de rénovation des pratiques des syndiqués de l’académie de Paris. Selon son témoignage, mis en forme en 1998, s’appuyant sur ses notes de l’époque, lors de l’assemblée générale des journées d’études des enseignants communistes à Gennevilliers, les 17 et 18 février 1968, auréolé par le récent changement de majorité dans le SNES, Alaphilippe put présenter, à la demande de la direction du Parti communiste, avec l’accord de Krasucki, ancien responsable aux intellectuels et du nouveau responsable aux intellectuels et à l’enseignement Roland Leroy, un rapport où il indiquait « c’est notre devoir de communiste de faire que la FEN joue un rôle positif dans la réalisation de l’unité des forces syndicales et des forces politiques de toute la gauche. » Critiquant le blocage qu’il attribuait aux directions « autonomes » des syndicats enseignants, il opposait la conception de vie syndicale développée par les enseignants communistes dans la tendance « Unité et Action » du SNES qui commençait à porter ses fruits dans le SNI. Il fallait augmenter la popularisation de ces modèles pour obtenir que les militants « Unité et Action », et parmi eux les communistes, puissent parvenir à partager les responsabilités dans les directions syndicales et dans la nébuleuse laïque. Aussi souhaitait-il une meilleure compréhension de la part de la direction du Parti communiste des modifications en cours et des perspectives. Ces journées de février 1968 firent l’objet d’un compte rendu dans L’École et la Nation, avec des résumés d’interventions à l’exception de celle d’Alaphilippe.
Ces débats s’expliquent par l’engagement plus actif d’Alaphilippe et d’autres professeurs communistes dans le syndicalisme. Membre du conseil syndical du S3 de l’académie de Paris, il figura en onzième position, en mai 1964, sur la liste B « Unité et Action » pour les élections au niveau national. Élu suppléant de la Commission administrative du SNES, siégeant régulièrement, il intervint par la suite à de nombreuses reprises dans les réunions. Il prit part, à partir de 1966, à la rédaction des lettres et circulaires internes, première structuration du courant depuis 1962, remplaçant Maurice Loi aux côtés notamment d’André Drubay (voir Lettres internes de la liste B « Unité et Action » 1962-1967, publiées en 1999 par l’IRHSES). Lors de la grève administrative décidée par le SNES, la minorité « Unité et Action » l’ayant proposée à la majorité « autonome » qui l’avait acceptée, il rencontra régulièrement le secrétaire du SNES Robert Chéramy pour suivre son déroulement. Constatant que la FEN ne soutenait pas cette action, devant l’inquiétude des parents d’élèves et les menaces du ministère, il joua un grand rôle lors de la décision d’arrêter la grève et de reconvertir le mouvement après le congrès de Pâques 1965, s’opposant à des dirigeants de sa tendance, qu’ils soient communistes comme André Dufour, secrétaire du S3 de l’académie de Poitiers, ou non-communistes comme Pierre Antonini, secrétaire du S3 de l’académie de Montpellier et Philippe Capelle, secrétaire du S3 de Toulouse.
En raison de la poussée du nombre des enseignants dans les diverses branches de second degré, alors que le Syndicat national des instituteurs et la Fédération de l’Éducation nationale cherchaient avant tout à préserver les possibles promotions offertes aux instituteurs par la voie des professeurs d’enseignement général des collèges, les analyses nouvelles proposées aux professeurs pouvaient être mieux perçues. Les échecs des actions engagées par la direction « autonome » du SNES ajoutèrent des éléments permettant aux militants « Unité et Action » de conquérir la majorité dans les diverses instances syndicales.
Gérard Alaphilippe joua un grand rôle dans l’évolution du rapport des forces dans la direction du S3 de l’académie de Paris où régnait une cogestion. Dans un premier temps les amis de Leduc cédèrent la place aux militants de la liste B rénovée, animée par Alaphilippe qui entra au secrétariat. En mars 1967, la liste B, conduite par lui, l’emporta dans le S3 et proposa aux militants de la liste A (autonomes) une participation à la cogestion du syndicat ; ces derniers refusèrent. Désormais la voie était ouverte pour une progression de l’influence du courant « Unité et Action » dans l’espace national d’autant qu’un mouvement identique s’était déjà passé en province où des S3 avaient été gagnés par la tendance (Toulouse, Montpellier, Poitiers, Lille, Orléans). Il fut désigné comme secrétaire général, avec comme secrétaire adjoint un ancien du Syndicat national de l’enseignement technique François Blanchard. Le S3 de Paris fut le principal organisateur des actions de défense des Instituts préparatoires au professorat de l’enseignement de second degré, dès mai 1967, dont Alaphilippe continua à organiser la défense jusqu’à leur fin en 1977. Il impulsa également les actions pour obtenir des constructions scolaires (ainsi une manifestation pour la pose symbolique de la deuxième pierre d’un lycée, Porte de Clignancourt, en octobre 1967).
Alaphilippe signa dans L’Université syndicaliste, le 14 novembre 1964, une tribune libre sous le titre « Le congrès de la FEN et la défense de l’école publique ». Lors du congrès du SNES qui suivit, membre de la commission corporative, il intervint pour préconiser une action aux côtés des autres travailleurs de la Fonction publique pour la défense de l’enseignement et demander l’élargissement du Comité national d’action laïque aux forces démocratiques. Ces propositions des militants « Unité et Action » visaient à ne plus rendre dépendante des actions de la Fonction publique la défense de l’école publique. Il fut élu membre suppléant de commission administrative nationale de la FEN.
Pour le congrès national de 1966, Alaphilippe figurait en deuxième position sur la liste « Unité et Action », conduite par André Drubay, pour les élections de la commission administrative du SNES. Lors de la préparation en 1966 de la fusion avec le SNET, il prit une part active dans la rédaction des nouveaux statuts du Syndicat national des enseignements de second. Il était réélu à la CA en juin 1967, alors que le courant « Unité et Action » emportait la majorité sur le plan national. Dans la nouvelle direction du SNES, les postes de secrétaire général et de secrétaire adjoint étaient confiés à deux enseignants non communistes, membres de l’enseignement secondaire classique et moderne et de l’enseignement technique, André Drubay et Étienne Camy-Peyret. Alaphilippe occupait la troisième place, secrétaire à la formation et à l’information syndicale, directeur des publications syndicales. Il fit partie du secrétariat de six membres (les deux secrétaires généraux Drubay et Camy-Peyret, deux membres pour l’ex-SNES, Alaphilippe et Jean Petite, deux membres pour l’ex-SNET, Blanchard et André Dellinger).
Alaphilippe impulsa la recherche de convergences avec les partis de gauche et les parents d’élèves sur les questions de l’enseignement en ne souhaitant pas que le CNAL soit le seul maître d’œuvre (États généraux du SNES de novembre 1967).
Sa responsabilité de secrétaire général du S3 de Paris lui fit jouer un rôle particulièrement décisif lors des événements de mai-juin 1968. Dans la nuit du 10 mai, où des barricades s’élevèrent au Quartier Latin, il fut présent sur le terrain avec les dirigeants du mouvement étudiant. Plus tard, du siège du S3, à côté du théâtre de l’Odéon, selon son témoignage, il téléphona à Georges Séguy pour lui proposer une rencontre, le lendemain, où il développa les arguments favorables au lancement d’une grève et à l’organisation d’une manifestation, le 13. Lors de celle-ci, il figurait dans les premiers rangs avec les dirigeants étudiants. Dans la soirée du 13, il rencontra Waldeck Rochet, secrétaire général du PCF, et l’informa de la gravité de la situation, de la détermination des enseignants et de leurs élèves. À maintes occasions, par la suite, en raison de la grève dans les établissements secondaires, il fut associé à l’organisation des manifestations et à des rencontres avec les autres dirigeants des syndicats en grève. Il était en position centrale pendant cette période (organisation du S3, lien avec le S4, avec les S1 de la région parisienne, avec le mouvement étudiant, avec les catégories « jeunes » du SNES, avec le SNESup, avec les syndicats ouvriers, avec le PCF). À l’issue de la rencontre de Grenelle, où avaient participé des militants « autonomes » du SNES, membres du bureau national de la FEN, il se montra favorable à la poursuite de la grève. Lors des négociations qui suivirent la rencontre de Grenelle, il représenta le SNES avec André Drubay et André Dellinger. Il fut chargé, avec André Dubus, du dossier des surveillants lors des négociations avec le ministre. Par la suite, il participa à toutes les négociations avec le ministère pour l’organisation des examens et des concours (notamment réunion du 13 juin avec le recteur Chalin). Le SNES apparut alors comme un élément déterminant dans le fonctionnement des enseignements de second degré.
Quand Drubay quitta le secrétariat général du SNES, en 1971, Camy-Peyret, alors secrétaire adjoint, le remplaça et Alaphilippe lui succéda comme secrétaire général adjoint. Quand Camy-Peyret en 1981 quitta le secrétariat général, Alaphilippe lui succéda. C’était la première fois qu’un membre du Parti communiste accédait à de telles responsabilités dans le SNES, avec comme secrétaires adjoints Monique Vuaillat et Jean Petite.
Dans le cadre de ses responsabilités à la direction nationale du SNES, Gérard Alaphilippe se chargea notamment dès 1968 du dossier de la formation des maîtres. Il prit part à toutes les réunions organisées par le Ministère sur ce sujet de la fin de l’année 1968 jusqu’au début des années 1980. Sur ces questions, il s’opposa constamment aux thèses du SNI et de son projet d’ « École fondamentale » et joua un rôle moteur dans l’élaboration d’une plate-forme commune avec d’autres syndicats de la FEN (SNEP, SNESup et SNPEN) (« Former des maîtres pour notre temps », février 1973) fondée sur les principes de l’arrêt du recrutement des auxiliaires, de leur titularisation, de l’élévation, de l’amélioration et de l’unification de la formation des maîtres de l’ensemble de la scolarité obligatoire portée à dix-huit ans (soit après le baccalauréat, cinq années avec maîtrise universitaire pour les enseignants du second degré, trois années après le baccalauréat pour ceux du premier degré, instituts universitaires de formation des maîtres avec année de formation pédagogique, puis année de préparation au métier).
Par la suite, Alaphilippe prit une part essentielle dans l’affirmation du syndicat comme principal représentant des intérêts des enseignements de second degré par l’organisation de rencontres sur les questions d’enseignement avec le projet d’ « école progressive » élaboré par Petite, devenu « école de la réussite pour tous ». Cette revendication se conjuguait avec la revalorisation du métier, complémentarité qui fut la plateforme de la manifestation du SNES de janvier 1979 puis de la notion d’ « investissement éducatif ». Il eut une grande activité pour mieux structurer le syndicat (conception du secrétariat général, restructuration des secteurs transversaux remplaçant les commissions, montée des militants qu’ils soient ou non communistes). Sur ces questions, il affronta les points de vue de nombreux autres dirigeants. Il en résulta de nombreuses tensions internes qui affectèrent l’équipe dirigeante du SNES. Il travailla aussi, en liaison avec Alfred Sorel, à la structuration, à l’intérieur du syndicat et de la FEN, du courant « Unité et Action » qui publia à partir de 1970 un bulletin mensuel appelé à se transformer en revue, Unité et Action, revue du courant unitaire de la FEN.
D’autre part, son expérience dans le journalisme expliqua certainement l’attention qu’il accorda à la modernisation de la communication, à usage interne et externe notamment en direction de la presse (conférences de presse) et plus largement de l’opinion publique (campagnes d’affichages sur la voie publique, utilisation des techniques audio-visuelles avec des films, en 1972, Le droit d’apprendre et le temps d’enseigner, en 1977, Pour leur avenir. Il présida surtout au lancement d’une nouvelle formule de L’Université syndicaliste (désignée couramment par les initiales, L’U, bi-hebdomadaire puis hebdomadaire qui fut ensuite rénovée à plusieurs reprises), des bulletins réguliers destinés aux responsables des sections syndicales (SNES informations qui se transforma en Courrier du S1 et d’une revue Degrés, décidée au congrès de 1983 qui parut peu avant son retrait du secrétariat général, l’année suivante.
Membre de la commission administrative de la FEN, Gérard Alaphilippe défendit, à plusieurs reprises, la nécessité pour la fédération de respecter les prérogatives de ses syndicats nationaux, même s’ils étaient dirigés par des minoritaires. Lors de l’affrontement entre le gouvernement et les organisations syndicales de fonctionnaires en septembre-octobre 1973, la FEN, estimant que les engagements ministériels la satisfaisaient, leva le mot d’ordre de grève alors que la CGT et la CFDT appelaient à la grève, le 11 octobre. Les quatre syndicats dirigés par la tendance « Unité et action » (SNES, SNESup, SNEP et Syndicat national des chercheurs scientifiques) appelèrent à la grève pour protester contre la baisse du pouvoir d’achat. Les dirigeants de la FEN estimèrent qu’il leur fallait réagir contre une telle violation du « pacte unitaire » de 1948. Dans un numéro spécial de L’enseignement public d’octobre 1973 parut un « Manifeste pour l’unité et la responsabilité de la FEN » proposé au prochain congrès fédéral qui affirmait que les syndicats nationaux devaient laisser à la FEN l’exclusivité dans les négociations touchant l’ensemble de la fonction publique. Si cette règle n’était pas respectée, la FEN n’aurait par « d’autre possibilité que d’enregistrer cette rupture » (en caractères gras dans le texte). En riposte, les quatre syndicats publièrent un « Appel pour l’unité et l’efficacité de la FEN » à la rédaction duquel Alaphilippe prit une grande part. La rupture semblait en marche. Lors du congrès de novembre 1973, il fut le porte-parole des quatre syndicats. Pour lui, la FEN devait respecter « la volonté des syndiqués » et « être présente, active et efficace ». Elle devait organiser l’unité d’action et il dénonçait la tentative des dirigeants de la FEN qui, par « le chantage à la scission » ou « la menace permanente de l’exclusion » ne cherchaient qu’à redonner confiance à leurs militants. Il fallait donc, selon lui, que la FEN respecte les syndicats nationaux et renonce à toute évolution vers un syndicat général. Au terme du débat où chaque tendance fit connaître son opinion, le Manifeste de la direction fut adopté par 55 % des mandats et l’appel des quatre syndicats repoussé par 59 % des mandats. Cet épisode apparaissait comme un tournant dans la vie de la FEN et dans l’affrontement entre majoritaires et le courant « Unité et Action ». Il affronta ouvertement les militants de la direction de la FEN et son secrétaire général André Henry. Dans les débats de tendances, il était la cible des argumentations anticommunistes.
À plusieurs reprises, Alaphilippe pesa pour que l’indépendance syndicale soit respectée tout en engageant le SNES en faveur du Programme commun. Il en résulta l’appel au vote en faveur du candidat unique de la gauche en 1974. Les différences d’appréciations entre le SNES, dans la direction duquel se trouvaient de nombreux membres du PCF et les responsables de l’enseignement dans ce Parti, qui s’étaient déjà manifestées, lors du projet de réforme Fontanet en janvier 1974, en portèrent témoignage. Il eut à propos de cette réforme de violents accrochages avec Pierre Juquin, responsable du PCF aux questions de l’enseignement. La presse s’en fit l’écho. Toutefois, pour l’extérieur, il apparaissait souvent comme le dirigeant communiste du syndicat. Dans les nombreuses discussions internes au PCF et dans celles qu’il eut avec la direction du Parti, il défendit un point de vue toujours favorable à l’organisation d’une tendance alors que jusqu’alors la direction du Parti s’opposait à une telle orientation, comme nous l’avons vu. De la même façon, il réussit à faire admettre que les questions enseignantes ne devaient pas être traitées en accordant la priorité aux instituteurs communistes.
Sa responsabilité de secrétaire général du SNES correspondit avec les premières années du gouvernement d’union de la gauche issu de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981. Il multiplia alors les notes et dossiers de synthèses adressés au nouveau ministre Alain Savary et lui demanda des mesures d’urgence en faveur des enseignements de second degré et de leurs maîtres, craignant que le gouvernement ne fasse la part trop belle aux revendications du SNI-PEGC. Il essaya néanmoins de rendre les relations plus sereines à l’intérieur de la FEN au début du secrétariat général de Jacques Pommatau. Il souhaitait en même temps que le SNES soit une force de propositions (formation des maîtres, assises nationales de la vie scolaire, défense et promotion des enseignements artistiques...) illustrant ainsi le syndicalisme, « constructif, critique et vigilant » que le SNES souhaitait alors développer. Des syndiqués lui reprochèrent parfois d’avoir accepté de ne pas lutter contre certaines réformes qui amenèrent quelques dégradations dans les conditions d’enseignement, notamment dans les collèges. Pourtant au sein de la direction du syndicat, il se montrait partisan de distances à l’égard de la politique du gouvernement dans le domaine de l’enseignement. Le SNES organisa une journée nationale d’action du 19 octobre 1982 pour le budget 1983 et une grève, le 9 mai 1983. De même, il s’engagea dans un soutien à la nouvelle politique scolaire du gouvernement et exprima son opposition à l’abandon du projet de service public en 1984.
Sur les questions internationales, Alaphilippe, qui avait exprimé, au nom du SNES, l’hostilité à l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 par les troupes du pacte de Varsovie, rencontra Walesa en 1981 au siège de la FEN en compagnie de Petite.
Le 26 septembre 1984, lors de la réunion du conseil national du SNES, Gérard Alaphilippe, qui avait interrompu ses activités pendant quelques semaines au printemps, démissionnait de son poste de secrétaire général et de toutes ses responsabilités syndicales « pour des raisons personnelles » et souhaitait que Monique Vuaillat, qui fut sa compagne, lui succède. Jean Petite, dans L’Université syndicaliste, le 28 septembre 1984, signait un long article lui rendant hommage.
Gérard Alaphilippe reprit son travail d’enseignant, période difficile où se mêlèrent lassitude et maladie. Progressivement, il prit des distances avec les activités politiques et syndicales, se contentant de quelques apparitions et témoignages lors de la première initiative de l’Institut de recherches historiques sur le syndicalisme dans les enseignements de second degré, qu’il avait contribué à créer, sur la fusion de 1966 entre le Syndicat national de l’enseignement secondaire et le Syndicat national de l’enseignement technique.
Gérard Alaphilippe mourut à l’Institut Marcel Rivière, de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, après avoir été hospitalisé dans divers établissements.
Par Jacques Girault
SOURCES : Archives du comité national du PCF, réunions du secrétariat et dossiers biographiques (février 1950, mai 1962). — Arch. IRHSES (CA, Congrès, S3 de Paris, très nombreux dossiers). — Fonds Gérard Alaphilippe, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (211 J et 452 J), inventaire en ligne et inventaire en ligne. — L’Université syndicaliste, L’Enseignement public, Paris-Snes,Revue Unité et action . — Témoignage recueilli par l’Institut national de la recherche pédagogique (analyse dans Témoins et acteurs des politiques de l’éducation depuis la Libération, INRP, 1995). — Renseignements fournis par l’intéressé et par Alain Dalançon.