BARBARROUX Edmond, Auguste, Paul

Par Jacques Girault

Né le 5 juillet 1882 à Toulon (Var), mort le 12 juin 1948 à Toulon ; artiste-peintre ; secrétaire de la Fédération du Var de la Ligue des droits de l’Homme (1919-1923).

Petit-fils d’un proscrit de 1852, fils d’un originaire de Garéoult (Var), d’une famille d’artistes de théâtre (sa mère, artiste, avait épousé un dessinateur à l’Arsenal maritime de Toulon), Barbarroux avait reçu les sacrements catholiques. Il fut l’élève d’Edmond Cauvin, professeur de dessin de la Marine et de F. Montenand. Il admirait aussi un de ses maîtres Vincent Courdouan et eut l’occasion de travailler pour le monument en son honneur dans le jardin de la ville. Nommé professeur de dessin d’initiation à l’école municipale de Toulon à la suite d’une décision du conseil municipal de Toulon, le 31 mai 1901, il fut titularisé en octobre 1903. Il se maria à Toulon en août 1910 et ses deux enfants ne firent pas la communion. La même année, il était secrétaire du comité électoral de la SFIO pour l’élection au conseil général dans le deuxième canton. Professeur à l’école des Beaux-arts et à l’école Rouvière, il était un peintre de valeur. Ses œuvres étaient régulièrement présentées dans la presse locale qui, en août 1920, reprit un article paru dans La Revue moderne retraçant sa carrière artistique. Il avait été primé à Marseille (1903), à Paris (1904, 1918, 1919), à Lyon (1904), à Bastia (1905), à Bordeaux (1903, 1906). Il exposait régulièrement au salon de Paris depuis 1907. En 1908, deux de ses œuvres de l’Exposition coloniale de Paris furent acquises par l’État. Par la suite, de nombreuses toiles connurent le même sort pour enrichir les collections des musées français. La presse le présentait comme un « régionaliste actif et convaincu » et concluait « Barbarroux ne ressemble à aucun maître précisément parce qu’en lui-même, il y a l’étoffe d’un maître ».
En outre, Barbarroux collaborait à de nombreux journaux locaux et nationaux (Le Petit Provençal, Le Journal des Arts, L’Ère nouvelle, Les Coulisses, Le Journal du Peuple notamment). Il fut mobilisé pendant la guerre dans l’Intendance. Plus tard, sa situation d’« embusqué » lui fut reprochée par ses adversaires. Ainsi, La République du Var, le 4 mars 1920, publiait la lettre d’un engagé volontaire : « vous aviez une belle occasion en 1914 de défendre les droits de l’Homme, des hommes menacés par les Boches et de convier vos ligueurs [il s’agit des membres de la Ligue des droits de l’Homme] au bon combat. Vous l’avez laissée s’échapper, mais il est vrai que cette lutte offrait quelques dangers. »
En 1919, Edmond Barbarroux, était le secrétaire de la Fédération varoise de la Ligue des droits de l’Homme. À ce titre, il participa à diverses manifestations et y prononça toujours des discours remarqués (cérémonie à Pierrefeu en l’honneur du XVe corps, inauguration de la rue Jean Jaurès, etc.). Il intervint souvent dans la presse en 1919-1920 pour l’amnistie pleine et entière et pour prendre la défense des mutins de la mer Noire. Membre fondateur de l’ARAC, franc-maçon (il était 18e de rang en 1921, Grand-Orient), il fut désigné comme délégué sénatorial par le conseil municipal de Toulon en décembre 1919. En décembre 1920, il exposait au Grand-Théâtre de Toulon des paysages provençaux et des marines « au profit des malheureux secourus par le comité de la Misère ». L’année suivante, il anima la propagande du Comité d’amnistie pour les marins de la mer Noire et participa aux réunions du cercle de la Concorde républicaine et socialiste de Carqueiranne où furent jetées les bases du regroupement des cercles « rouges » du département. Réélu secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme en février 1921 au congrès fédéral, il entra en conflit avec les socialistes toulonnais et le maire Émile Claude. Aussi, pensa-t-on qu’il était devenu communiste. La réalité semble plus complexe. Par l’intermédiaire des amitiés maçonniques, il entretenait des relations avec le sénateur radical-socialiste René Renoult. L’élection cantonale de 1922 rendit compte de la situation.
Barbarroux sembla désireux d’être candidat dans le premier canton de Toulon pour le conseil d’arrondissement ; le conseiller sortant était socialiste SFIO. Le Parti communiste décida de présenter alors un candidat malgré son éventuelle candidature puisqu’il avait présidé plusieurs réunions « pour lesquelles le Parti communiste ne lui avait donné aucun mandat ». Mais, finalement, l’entente se fit pour appuyer la candidature du marin Louis Badina. Aussi, Barbarroux ne déposa-t-il pas de candidature et participa activement à la campagne en faveur de Badina. Parallèlement, il appuya par sa présence la candidature de deux autres marins dans les cantons d’Hyères et de La Seyne. Claude, alors président de la Ligue des droits de l’Homme, le désavoua par voie d’affiche pour avoir ainsi engagé la Ligue par sa présence. Cet épisode ne fit qu’accentuer les divergences ouvertes entre Claude et Barbarroux. Une campagne d’affiches, de communiqués de presse opposa le secrétaire fédéral Barbarroux au président de la Fédération varoise, Claude. Des aspects personnels, des motifs locaux s’ajoutèrent aux raisons plus politiques. Le congrès fédéral, le 25 février 1923, mit un premier terme à ce conflit. Barbarroux contestait la validité de ce congrès et n’y participa pas. Il ne fut pas renouvelé au poste de secrétaire fédéral. À la demande de Claude, Guernut, secrétaire national, prononça la dissolution de la section de Toulon dont les membres, dont Barbarroux, avaient adhéré au Comité d’amnistie et d’action contre la guerre, ce qui semblait contraire aux statuts.
Le rapprochement de Barbarroux et du Parti communiste continuait en dépit de son appartenance à la franc-maçonnerie. Selon certains témoignages, son cousin Gabriel Barbarroux aurait joué un rôle dans ces contacts. Il aurait même demandé son adhésion au Parti communiste tout en affirmant son désir de ne pas quitter la franc-maçonnerie. Le 17 février, le congrès communiste le proposa comme candidat aux élections législatives. Paul Viort qui soutenait cette candidature annonça qu’il venait de quitter la Ligue des droits de l’Homme, ce qui était probable, et qu’il allait quitter la franc-maçonnerie, ce qui l’était moins. Le Comité directeur du Parti refusa cette candidature. Selon le rapport de police, les raisons étaient son refus de quitter les francs-maçons et le fait que les sympathisants, présentés sur les listes du Bloc ouvrier et paysan, devaient être des ouvriers d’usine.
Dès lors, Barbarroux cessa toute activité politique (selon son fils, jusqu’en 1936, il soutint Escartefigue) et se consacra à ses activités artistiques. Le 20 octobre 1924, il fut désigné comme peintre au ministère de la Marine ; celui-ci lui commanda plusieurs œuvres dont les scènes du renflouement de l’épave du Liberté en 1925. À plusieurs occasions, des autorisations spéciales lui furent accordées pour exercer son métier au contact direct des intéressés ou des navires. Collaborateur régulier de certains journaux, dont Les Coulisses, il y défendait l’idée d’un groupement des artistes provinciaux en sections, puis en fédération. C’était, selon lui, la condition de la survie du monde des artistes.
Le 7 novembre 1930, Edmond Barbarroux devint directeur de l’École des Beaux-Arts de Toulon. Ses œuvres furent achetées à diverses reprises par l’État ou par des communes pour les musées d’Hyères, de Dijon, de Bourg, de Marseille, de Saint-Étienne, etc., ou par des pays étrangers pour divers musées (Moscou, Prague, Bucarest, Genève, Istanbul, etc.). Pendant la guerre, il fut mis à la retraite de l’École des Beaux-Arts et de l’École Rouvière pour son appartenance maçonnique. À la Libération, il fut réintégré à l’École Rouvière où il enseigna jusqu’à sa maladie en 1948. Il fut enterré civilement. Son cercueil, sur sa demande, portait sa croix de Légion d’honneur et son cordon de 18e de la Franc-maçonnerie.
Une rétrospective de son œuvre fut présentée à la Maison des jeunes et de la culture de Toulon en mai 1974. Dans son article, R. Noilletas, dans République-Var-Matin, le 30 mai 1974, le décrivait ainsi : « toujours coiffé d’un feutre noir à larges ailes, la lavallière flottant au vent, vêtu d’un macfarlane ample, le pantalon à la hussarde, serré aux chevilles et une canne à pommeau d’argent, qui frétillait dans sa main nerveuse. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article97887, notice BARBARROUX Edmond, Auguste, Paul par Jacques Girault, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 2 septembre 2019.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F1/C III 1133, F7/12 948, 13 021, 13 165. — Arch. Dép. Var, 4 M 44, 45 ; 3 Z 2 9, 4 21, 44, 29. — Arch. Troisième Région mar., 2 A1/2051, 2 A4/89,142, 188. — Presse locale. — Sources orales. — Renseignements fournis par le Musée de Toulon. — Arch. privées : R. Renoult (Musée d’Histoire vivante, Montreuil).

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