ALBRECHT Berthie [née WILD Berty, Pauline, Mariette, épouse ALBRECHT, dite] [Pseudonyme dans la Résistance : Victoria]

Par Renée Dray-Bensousan

Née 15 février 1893 à Marseille (Bouches-du-Rhône), morte le 31 mai 1943 à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) ; militante du droit des femmes ; résistante.

Fille d’Ulrich Wild, employé de commerce en bois exotiques et de Marthe Grosclaude, sans profession, Berthie Albrecht était la fille unique d’une famille protestante aisée de nationalité suisse. Elle connut une enfance austère entre le lycée Montgrand de Marseille qu’elle fréquenta dès l’âge de cinq ans, les activités paroissiales, les leçons de chant et de piano et les discussions ouvertes avec ses parents le dimanche. En 1910, la famille s’installa au 6e étage d’un appartement dominant le vieux port.
En 1911, elle entreprit des études d’infirmière et obtint son diplôme d’État. Pendant la guerre de 1914-1918, elle exerça dans un hôpital militaire, et consacra même son temps libre aux blessés. Frédéric Albrecht stagiaire chez le père de Berthie avant guerre, l’épousa le 18 décembre 1918 à Rotterdam. Elle y donna naissance à son fils Frédéric en 1920 et, quatre ans plus tard, à sa fille Mireille. En1924,la famille embarqua pour Londres, son mari réussit dans la finance, le couple menait une vie bourgeoise.
Là elle suivit les conférences de Sylvia Pankhurst, directrice de l’Union sociale et politique des femmes, qui venait de créer la Fédération ouvrière, et rencontra des intellectuels de gauche : Bertrand Russel, H. G. Wells, Bernard Shaw.
En 1931, Berthie Albrecht s’installa à Paris avec ses enfants. Leur père continua de pourvoir à leurs besoins. Elle travailla à la Ligue des droits de l’Homme et aux Amis de l’URSS, avec Maria Braun et Maria Rabaté.
En 1933, elle fonda une revue, Le Problème sexuel, qui défendait le droit des femmes à la contraception et à l’avortement libre. Victor Basch, militant des droits de l’Homme et le docteur Jean Dalsace faisaient partie du comité de rédaction. Le premier numéro proposa la protection sociale de la maternité et l’institution de l’éducation sexuelle. La revue dura jusqu’en 1935. Elle s’occupa également des réfugiés allemands fuyant le nazisme (Juifs et opposants politiques), puis des Espagnols républicains exilés en France.
En 1936, Berthie Albrecht désirant que « sa vie serve à quelque chose, qu’elle serve à rendre service » s’inscrivit à l’École des surintendantes d’usine, sous la direction de Jeanne Sivadon. En 1938, elle fut affectée aux usines Barbier-Bernard et Turenne, fabrique d’instruments d’optique pour la Marine afin de mettre en place un service social.
Après l’armistice de juin 1940, Berthie Albrecht suivit l’usine Fulmen de Clichy repliée à Vierzon et profita de cette situation, dès l’été 1940, pour faire passer la ligne de démarcation à des prisonniers évadés. En novembre 1940, elle commença à dactylographier les premiers bulletins de propagande du mouvement « Les Petites Ailes » créé par Henri Frenay auquel elle était liée depuis 1934. Elle recruta pour le Mouvement de libération nationale (MLN) devenu par la suite le mouvement Combat les premiers adhérents et collecta les premiers fonds. En mai 1941, elle emménagea à Lyon (Rhône) étant chargé de mission par le ministère de la Production industrielle et du travail pour l’ensemble des problèmes du chômage féminin dans le Lyonnais. Parallèlement, elle découvrit à Villeurbanne, où se trouvaient les locaux du commissariat au chômage, le premier imprimeur qui tira le journal Les Petites Ailes à 2 000 ou 3 000 exemplaires puis le journal Vérités, à partir de septembre 1941.
Sous son influence ainsi que celle de Claude Bourdet et de Marcel Degliame, Combat, qui était plutôt favorable au maréchal Pétain, commença au printemps 1942 à dénoncer la Révolution nationale et exprima son soutien à de Gaulle. Poursuivant sa lutte contre les Allemands, elle établit des liaisons entre les deux zones au profit du mouvement. Les bureaux de Villeurbanne devinrent rapidement ceux du mouvement et elle s’efforça aussi de mettre en place un service social pour venir en aide aux camarades du mouvement emprisonnés et à leurs familles. Les allées et venues dans les bureaux du Commissariat au chômage attirèrent l’attention de la police qui interpella Berthie Albrecht une première fois à la mi-janvier 1942 ; relâchée au bout de trois jours, elle fut rapidement contrainte à la démission.
Arrêtée une nouvelle fois à son domicile fin avril 1942, elle fut internée administrativement à Vals-les-Bains en mai 1942. Elle exigea d’être jugée. Devant le refus des autorités, elle fit une grève de la faim pendant treize jours avec quelques-uns de ses codétenus. Elle obtint alors d’être transférée à la prison Saint-Joseph à Lyon et fut finalement jugée et condamnée à six mois de prison ferme et 6000 francs d’amende pour « distribution » de tracts d’inspiration étrangère », « organisation à but subversif dont le chef est l’ex-général de Gaulle à la solde de l’Angleterre » et « préparation d’une révolution visant à dénoncer l’armistice et à reprendre les armes. »
L’invasion par les Allemands de la Zone sud, le 11 novembre 1942, risquait de compliquer l’avenir des prisonniers politiques et résistants. Elle décida alors de simuler la folie. Envoyée à l’asile psychiatrique de Bron (Rhône) le 28 novembre, elle fut libérée par un commando de Combat, composé d’André Bollier, Fernand Beucler et Robert Namian, le 23 décembre 1942, grâce également à l’aide de sa fille Mireille et de son médecin traitant le docteur protestant Foex. Refusant de passer en Angleterre, elle reprit immédiatement ses activités clandestines et, au début de février 1943, rejoignit Henri Frenay à Cluny (Saône-et-Loire) chez le couple d’enseignants résistants les Gouze (parents de la jeune Danièle devenue Mitterand).
Arrêtée à Mâcon le 28 mai 1943 par la Gestapo au cours d’un faux rendez-vous, elle fut torturée et transférée à la prison du fort Montluc à Lyon puis à Fresnes où elle fut incarcérée le 31 mai et placée dans une cellule du quartier des droits communs. Échappant ainsi à la surveillance réservée aux politiques, elle se donna la mort par pendaison dans la nuit.
Le 31 mai 1943, les Allemands firent connaître à la préfecture de Mâcon et à l’ambassade des Pays-Bas à Londres le décès de Berthie Albrecht sans que l’on en connaisse alors réellement les circonstances.
La rumeur d’une décapitation circula chez les résistants. De Gaulle refusant le suicide, marque de faiblesse, la déclara « fusillée par les Allemands » .
En mai 1945, son corps fut retrouvé dans le jardin potager de la prison de Fresnes. Henri Frenay devenu ministre des prisonniers demanda l’exhumation de sa dépouille, son cou portait des marques de strangulation.

En novembre 1945, elle fut inhumée avec Renée Lévy dans la crypte du Mont-Valérien, elles représentent les femmes au Mémorial de la France combattante. Elle fut élevée au titre de compagnon de la Libération par le décret du 26 août 1943 ; elle est aussi titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance avec rosette.

À Paris, face à Bercy, un monument rappelle sa vie héroïque.
À Marseille, une plaque commémorative rappelle son passage au lycée Montgrand et un square contigu à la maison de son enfance, 140 rue Sainte, lui est dédiée.
A Villeurbanne, où elle avait son bureau, un square et une maison des Association portent le nom de Berty Albrecht..
Désormais dans de nombreuses villes, rues et maisons de la culture portent son nom.
La plaque commémorative apposée sur son ancien domicile rue de l’Universié à Paris indique qu’elle a été exécutée à Fresnes le 29 mai 1943.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9821, notice ALBRECHT Berthie [née WILD Berty, Pauline, Mariette, épouse ALBRECHT, dite] [Pseudonyme dans la Résistance : Victoria] par Renée Dray-Bensousan, version mise en ligne le 20 octobre 2015, dernière modification le 24 novembre 2020.

Par Renée Dray-Bensousan

Berthie Albrecht
Berthie Albrecht
Berthie Albrecht jeune
Berthie Albrecht jeune
16, rue de l'Université, Paris VIIe
16, rue de l’Université, Paris VIIe

SOURCES : Mireille Albrecht, Berty, Laffont, 1984. – Henry Frenay, La Nuit finira, Laffont, 1973. – Ingrid Gaillard, Les femmes dans la résistance marseillaise 1940-1944, mémoire de maîtrise, Université de Provence, 1995. – Annie Fourcaut, Femmes à l’usine en France dans l’entre-deux-guerres, François Maspero, 1982. – Femmes extraordinaires, Éd. de la Courtille, 1979, p. 210-252. – Notice de Renée Dray-Bensousan in Marseillaises, Vingt-six siècles d’histoire, Édisud, AFV, Aix-en-Provence, 1999. – Vladimir Touplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010. — Site des compagnons de l’ordre de la Libération. — Dominique Missika, Berty Albrecht, Perrin, 2005. — État civil en ligne cote Marseille (Bouches-du-Rhône, France), Naissance, 2,02,1893, vue 42. — Guy Perrier 12 résistantes qui ont changé l’Histoire Pygmalion, 2013. — Notes Annie Pennetier.

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