ADELBERT Auguste, Ernest [Pseudonyme dans la résistance : Juste Bertrand]

Par Pierre Bonnaud

Né le 10 décembre 1900 à Privas (Ardèche), exécuté sommairement le 13 avril 1944 à Châteauneuf-du-Rhône (Drôme), d’une balle dans la nuque par un Waffen SS de la Brandenburger Division ; artisan-relieur et libraire, franc-maçon, militant socialiste SFIO ; résistant du réseau Gallia, homologué Forces françaises combattantes et Forces françaises de l’Intérieur, interné résistant.

Auguste Adelbert
Auguste Adelbert
Fiches de l’Association des familles de fusillés.
Musée de la résistance nationale.

Fils d’un marchand de vins de Privas (Ardèche), Auguste Adelbert, et de Léontine, Pauline, Émilie Charmaison, son épouse, Auguste, Ernest Adelbert naquit le 10 décembre 1900 au sein d’une famille de tradition protestante. Avec sa femme, Alfréda, Marie, Renée Labbé, d’origine savoyarde, épousée le 17 janvier 1925 à La Voulte (Ardèche), il s’était établi dans sa ville natale. Dans les années trente, le couple tint un commerce de librairie-papeterie situé rue de l’Hôtel de ville. Auguste Adelbert, qui avait appris le métier d’encadreur-relieur, ouvrit aussi un atelier correspondant à cette spécialité
Dépourvu de toute conviction religieuse, Adelbert s’était affilié à la Loge maçonnique "Humanité de la Drôme première"qui rayonnait sur l’Ardèche. Gagné aux idées socialistes, il avait adhéré à la SFIO. A la veille du second conflit mondial, le commerce des Adelbert avait gagné le surnom de librairie du « Frente popular », en raison de l’esprit de solidarité manifesté par le couple pour les réfugiés républicains espagnols installés en grand nombre au camp de Chomérac, à proximité de Privas. Dans la même période, Adelbert accéda à la présidence de la Chambre des métiers de l’Ardèche.

En septembre 1939, Auguste Adelbert ne fut pas mobilisé : il avait contracté durant son service militaire, effectué en Sarre à la fin de l’année 1918, une maladie infectieuse, l’encéphalite léthargique, qui l’avait rendu invalide. Lors de l’exode de 1940, les Adelbert participèrent à l’accueil des familles de réfugiés belges. Auguste Adelbert fit ainsi la connaissance d’Anna et Louis Govers, ressortissants de ce pays, anciens agents de renseignements des services secrets britanniques durant la Première guerre mondiale. Avec eux, Adelbert pris contact avec la Résistance locale qui réalisait ses premiers pas autour du mouvement Cochet (fin 1940-début 1941), puis Louis Govers l’introduisit en 1942 dans les réseaux de renseignements liés à la Résistance belge - réseaux Sabot, Noé, Coty - et lié au réseau Gallia du BCRA, réseau dans lequel il fut homologué. Adelbert participa à des missions de convoyage, d’accueil et d’évasion vers l’Espagne de personnes qui fuyaient les nazis. À la fin de septembre 1943, le réseau Sabot fut en partie démantelé par l’arrestation des Govers. À cette date, Adelbert s’était également mis au service des groupes FTP par l’intermédiaire de deux de ses amis d’origine privadoise : Marius Mounier et Alfred Arnaud*. Le libraire-relieur, très habile sur le plan manuel, était devenu un spécialiste des faux tampons et faux-papiers en tous genres pour l’ensemble des organisations de Résistance.

Repéré et dénoncé, peut-être après une altercation survenue en avril 1943 entre son épouse et une collaborationniste dans la queue d’un magasin d’alimentation, Auguste Adelbert fut arrêté et enlevé, devant sa famille, le 5 avril 1944 par un groupe de la Branderburger Division stationnés à l’Hôtel Pottier de Viviers. Il fut interné à l’hôtel Pottier et interrogé par les Brandeburg Massicard et Frahi, si durement torturé qu’il fut prit d’une crise de folie. Ses tortionnaires déclarèrent aux autres internés qu’ils l’avaient emmené dans un asile.
Il fut assassiné le 13 avril 1944 à 21h45 d’une balle dans la nuque, les mains liées dans le dos par un fil de fer et basculé dans le Rhône, sur la moitié Est du pont entre Viviers et Châteauneuf-du-Rhône (Drôme). Son corps, supplicié, fut retrouvé le 27 avril dans un bras du Rhône sur la commune de Châteauneuf-du-Rhône où l’acte décès fut établi.
Dans le courrier du 1er décembre 1944 adressé à Mme Adelbert par le responsable du service de renseignements du Mouvement de la Libération nationale de l’Ardèche qui enquêta sur le crime, ce dernier écrivit : « Son corps fut alors projeté dans le Rhône ou plutôt dans la partie du Rhône qui est endiguée, ce qui semblerait indiquer que M. Adelbert a tenté de s’évader.
Ses assassins auraient dû normalement jeter son corps dans le courant qui l’aurait emporté.
 »
Auguste Adelbert obtint la mention « Mort pour la France » et fut homologué résistant, membre des Forces françaises combattantes et sous-lieutenant des Forces françaises de l’Intérieur à titre posthume, avec prise de rang au 1er avril 1944 (décret du 19 janvier 1946, paru au JORF du 31 janvier 1946, page. 825), et interné résistant.
Il est enterré au cimetière communal de Privas
Il fut décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume le 24 avril 1946.
Son nom figure sur le monument aux morts et sur la stèle de la Résistance, à Privas, sur le monument commémoratif départemental à Saulce-sur-Rhône (Drôme), sur une des plaques apposées dans le hall d’entrée du musée du Grand Orient de France, rue Cadet à Paris IXe arr. (Paris).
Une plaque fut apposée sur le mur de sa librairie et une place de Privas porte son nom.
Son épouse Renée, mère de quatre jeunes enfants, milita à l’UFF dans les années qui suivirent la Libération et présida l’Association locale des familles de fusillés.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9826, notice ADELBERT Auguste, Ernest [Pseudonyme dans la résistance : Juste Bertrand] par Pierre Bonnaud, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 10 juin 2022.

Par Pierre Bonnaud

Auguste Adelbert
Auguste Adelbert
Fiches de l’Association des familles de fusillés.
Musée de la résistance nationale.

SOURCES : AVCC, Caen, AC 21 P 416737 (nc). — SHD Vincennes GR 16 P 3081 (nc). — Arch. Dép. Rhône et Métropole, Mémorial de l’oppression, 3808 W 191. — Arch. Dép. Ardèche, 30W1, 72W109, 70J27. — Arch. Dép. Gard, 3U7 (notes de Francis Barbe que nous remercions). — La Voix du peuple de l’Ardèche et la Voix de l’Ardèche, 1944-1947. — Le Messager de la Renaissance cévenole. — A. Demontès, L’Ardèche martyre, Largentière, 1946. — Mémorial de la Résistance en Ardèche, Aubenas, ANACR, 1994, p. 115 et 44. — S. Villard, Chroniques ardéchoises 1943-1944 : parcelles d’Histoire, Édit. M. Rigaud, Coux, 2000. — La Résistance en Ardéche, cédérom publié par le Musée départemental de la Résistance en Ardèche et de la déportation et l’AERI, 2004. — JORF, Gallica. — Mémoire des Hommes. Mémorial GenWeb. — Geneanet. — Compléments de Jean-Luc Marquer. — État civil, acte de naissance n°114.

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