ALLIÈS Charles, Moïse, Pierre

Par Olivier Dedieu

Né le 19 septembre 1903 à Castanet-le-Haut (Hérault), mort le 11 novembre 1988 à Béziers (Hérault) ; instituteur puis directeur de centre apprentissage ; syndicaliste et militant socialiste de l’Hérault, secrétaire de la fédération socialiste de l’Hérault (1944-1973) ; conseiller général de Montagnac (1945-1982), sénateur (1971-1980).

[Sénat]

Fils d’un cultivateur éleveur de chevaux d’opinion radicale socialiste et d’une institutrice, (Mme Marie Cormillot), Charles Alliès naquit à Castanet-le-Haut, village minier et viticole du canton de Saint-Gervais-sur-Mare (Hérault). Élève au collège de Millau (Aveyron), puis à l’EPS de Saint-Pons (Hérault), il suivit les pas de sa mère (décédée quand il avait 14 ans) et intégra l’École normale de Montpellier (1920-1923). En octobre 1923, il obtint son premier poste à Fontès (canton de Montagnac). Au retour du service militaire, il fut nommé à Saint-Pargoire (1925-1927) puis à Péret (canton de Montagnac) de 1927 à 1937. Comme nombre d’instituteurs ruraux, il assuma le poste de secrétaire de mairie à Peret, puis la gestion de la cave coopérative de Fontès. Il participa aussi à la vie associative, animant un groupe folklorique local. En 1937, il fut nommé à Pézenas, ville où il resta en poste jusqu’à la guerre.

Assez rapidement, Charles Alliès s’engagea au sein du SNI et la SFIO. Dès l’École normale, il opta pour le courant socialisant en plein congrès de Tours. Adhérent de la fédération unitaire de l’enseignement (1930-1935), il fut désigné comme délégué cantonal du canton de Montagnac avant d’être élu le 13 janvier 1938 au conseil syndical du SNI. Membre de la majorité fédérale, il fut secrétaire adjoint à l’action laïque, tout en assumant la responsabilité de l’union locale de Pézenas. Hostile à la grève de novembre 1938 et à l’attitude du PC au sein de la CGT, il démissionna et proposa sa propre liste au renouvellement du conseil en janvier 1939. Obtenant 4 sièges, il figurait désormais dans la minorité fédérale. Parallèlement, ses choix politiques l’entraînaient vers la SFIO, à laquelle il adhéra en janvier 1924 (section de Fontès). Secrétaire de section en 1926, il assumait deux ans plus tard la responsabilité du canton, tâche qu’il assura jusqu’à la guerre. Sa notoriété militante en faisait désormais un candidat légitime pour les élections locales et en 1937, il représenta la SFIO dans le canton de Montagnac. Arrivé en troisième position derrière le radical et l’USR Jean Hugol, il se désista pour ce dernier qui fut finalement élu. Enfin, au sein de la fédération, il était délégué au XXXVe congrès national du Parti socialiste qui se tint à Royan du 4 au 7 juin 1938. En 1931, il avait été proche de la tendance de la « Bataille socialiste » puis, en juillet 1933, de celle de « Révolution constructive ». Il fut par la suite attiré par les pivertistes sans adhérer à leur courant.

En 1939, Charles Alliès fut mobilisé et fit la campagne de 1939-1940 dans l’armée des Alpes comme officier du 28e RI. Après l’armistice, il revint dans l’Hérault et retrouva son poste à Pezenas. Il fit plus tard partie de l’organisation socialiste clandestine et fut le responsable des cantons de Montagnac et de Pézenas. Membre du MLN, il participa à la résistance locale, et notamment à la réception de parachutages. Il milita bien évidemment au sein du CAS dont il prit la charge du même secteur géographique. En septembre 1944, il devint président du comité de Libération de Pézenas en remplacement de Jean Bene* appelé à diriger le comité départemental. Avec ce dernier et Jules Moch*, Charles Alliès devint administrateur du Midi Libre, quand le parti devint propriétaire de 30 % des parts du journal.

Au congrès départemental de Béziers du Parti socialiste, le 26 novembre 1944, il fut nommé secrétaire de la Fédération socialiste de l’Hérault, succédant à Antoine Fontès auprès de qui il assurait déjà le secrétariat administratif de la fédération. Il occupa cette fonction jusqu’en 1973. Parallèlement, il devint conseiller général de Montagnac le 30 septembre 1945, mandat qu’il détiendra jusqu’en 1982. Président du groupe socialiste au conseil général, il devint président de la commission des finances en 1951, suite au retrait de Marcelle Huc (voir Louis Huc*), conseillère générale de Capestang. Il garda cette fonction jusqu’en 1982. Personnalité de premier plan de la SFIO de l’Hérault, Charles Alliès joua un rôle prépondérant dans la cohésion interne du parti. Numéro deux du conseil général auprès de Jean Bene, il fit aussi partie des soutiens les plus significatifs de Jules Moch (qui l’intégra dans son cabinet en 1947) dont les positions locales devaient beaucoup à l’appui de Bene et Alliès. Néanmoins, il dut aussi tenir compte d’une minorité active qui, en 1946, désavoua le rapport moral de Daniel Mayer* que soutenait l’appareil fédéral. Appuyant dès 1947 la nouvelle direction molletiste, il dut alors animer une fédération tiraillée entre les prises de position de Jules Moch et le soutien du bureau national, entre une aile favorable à l’union de la gauche et celle qui souhaitait le maintien de la troisième force. Le refus de Moch de cautionner la scission facilita ce travail, d’autant plus que peu de militants quittèrent la fédération pour le PSA en 1958.

Sous la Ve République, il sut jouer de son influence et du poids des petites sections rurales pour limiter la contestation interne au molletisme. Avec Madeleine Laissac*, Joseph Fanjaud*, mais aussi nombre de cadres de la section de Pézenas qui animaient le bureau fédéral il géra un parti qui, bien implanté électoralement, subit pourtant une érosion et un vieillissement de ses militants. Sous son égide, la fédération participa à la FGDS dont il était vice-président départemental. Dès 1969, la fédération intégra les militants de la Convention des institutions républicaines qui restaient très inférieurs en nombre. Durant cette période, les dirigeants fédéraux géraient de nouvelles générations de militants qui ne se privaient pas de contester la ligne de la SFIO (soutien à Poher, Algérie, etc.). La politique de Charles Alliès était de les intégrer pour limiter leur potentiel contestataire tout en privilégiant le renouvellement des cadres militants. De fait, sa direction ne fut pas contestée par l’émergence d’une nouvelle direction nationale. S’il était, comme la majorité fédérale, favorable à Alain Savary* en 1971, il défendit par la suite les motions de la nouvelle majorité issue d’Épinay. C’est seulement en 1973 qu’il décida de quitter ses fonctions de premier secrétaire, en désignant Adolphe Benamour pour lui succéder. La même année, il imposa Gérard Saumade, nouveau conseiller général des Matelles, ancien conventionnel, élève de Jules Milhau* comme rapporteur général du budget. En 1979, il soutint Pierre Mauroy*, fondateur du mouvement Léo Lagrange et personnalité dont Charles Alliès s’était toujours senti proche. Un an plus tard, il eut à connaître du conflit qui opposa dans la fédération les mitterrandistes, regroupés derrière Gérard Delfau et les rocardiens de Gérard Saumade, nouveau président du conseil général. Il opta alors pour le soutien à François Mitterrand* tout en continuant à siéger au sein du bureau fédéral.

Sous la IVe République, Charles Alliès n’avait pas sollicité de mandats parlementaires. En 1958, Le changement du mode de scrutin aboutit à la création d’une circonscription Sète-Pézenas. Jules Moch, député sortant, lui demanda alors de devenir son suppléant. Il en fut de même en 1962 quand Jules Moch récupéra son mandat perdu en 1958. Après le retrait de celui-ci, il fut candidat, sans succès, dans cette même circonscription en 1967 et 1968. Son entrée au parlement dut attendre quelques années. Le 26 septembre 1971, il fut élu sénateur en remplacement de Jean Bene qui ne souhaitait pas se représenter. À l’issue de son premier mandat, il décida de ne pas se représenter. Il fit de même en 1982 sur son canton, jouant désormais un rôle de plus en plus effacé sur la scène départementale.

Professionnellement, Charles Alliès était professeur d’enseignement général en 1945 dans le nouveau centre d’apprentissage créé à Pézenas. Il devint en 1947 le directeur de ce qui allait devenir un CET puis un LEP. Après avoir dirigé brièvement le SNI à la Libération, il adhéra à FO lors de la scission et devint responsable du syndicat des directeurs de Centres d’apprentissage puis de Collèges d’enseignement technique Force ouvrière pour l’Académie de Montpellier (de 1948 à 1967). Les années 1940 furent aussi celles d’un militantisme associatif remarqué. Il créa et devint le premier président de la fédération départementale Léo Lagrange qui disposait d’un foyer important à Pézenas. En 1946, il fut aussi président du comité France-Espagne de Pézenas (il était aussi membre de France-URSS) et vice-président du syndicat d’initiative de la ville. De fait, il joua un rôle important, au conseil général, dans ces trois domaines qu’étaient l’enseignement, la culture et le tourisme. En tant qu’enseignant et ancien syndicaliste Charles Alliès allait choisir de représenter le conseil général au comité départemental de l’enseignement primaire. Il n’hésita pas à soutenir le SNI face à l’administration, notamment en 1961 quand les élus du SNI démissionnèrent et que Charles Alliès refusa de siéger pour bloquer le fonctionnement de l’institution. En deuxième lieu, le président de la commission des finances appuya le développement des Œuvres laïques, en particulier la FOL qui centralisait notamment la gestion des cantines scolaires du département. Son engagement était aussi culturel. Au-delà des seules activités péri-scolaires, il était à l’origine du Centre culturel du Languedoc puis des animateurs en milieu rural qui furent rattachés à l’office départemental d’action culturelle par la suite. Enfin, à la suite de Jean Bene, Charles Alliès fut l’un des plus fidèles soutiens des grandes politiques de modernisation régionale, qu’il s’agisse de la création de la Compagnie nationale du Bas-Rhône-Languedoc ou de celle de la Mission interministérielle pour l’aménagement touristique du Languedoc et du Roussillon. Ce volontarisme trouvait à s’exprimer au sein de la CODER dont il était membre depuis l’origine, puis du conseil régional qu’il intégra à sa création. Convaincu que le développement économique de la région passerait par le tourisme, il prit la tête du Comité départemental puis régional du tourisme qu’il présida jusqu’en 1986. À compter de cette date, Charles Alliès cessa toute activité publique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9920, notice ALLIÈS Charles, Moïse, Pierre par Olivier Dedieu, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 15 mars 2018.

Par Olivier Dedieu

[Sénat]

SOURCES : Arch. Nat., F/1cII/285. F/1cII/291. F/1cII/320. — Arch. Dép. Hérault, 3 M 1801, 338 W 57, 59 et 67, 356 W 142, 376 W 64, 406 W 124, 506 W 328, 524 W 27, 28, 113 et 114, 541 W 39 et 55, 794 W 18, 1 068 W 108, 1 179 W 1, 1 182 W 196, 1 506 W 248. — Arch. OURS, dossiers Hérault. — Arch. Fondation Jean Jaurès, fonds personnel Pierre Mauroy. — Arch. CHEVS, fonds D. Mayer, 3 MA 28. — Le Languedoc socialiste, 1931-1933. — Le Cri socialiste, 1931. — Le Devoir socialiste, 1937. — L’École syndicaliste. — Le Socialiste. — Le Populaire du Bas-Languedoc. — Combat Socialiste. — Pierre Bosc, Les Notables en question, Montpellier, Presses du Languedoc, 1977. — Jacques Garriga, Charles Alliès, Étude d’une carrière politique, mémoire de DEA de science politique, Montpellier I, 1998. — Notice DBMOF par Jean Sagnes. — Entretiens Pierre Alliès, Adolphe Benamour, Gérard Delfau, Jules Faigt, Jean Sentenac, Marcel Vidal. — Notes de G. Morin.

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