Né le 15 avril 1889 à Nantes (Loire-Inférieure) ; disparu avec Raymond Lefebvre et Marcel Vergeat, fin septembre 1920 au large de Mourmansk (Russie septentrionale) ; ouvrier terrassier, puis chauffeur à la Compagnie générale des Petites voitures ; militant anarchiste et syndicaliste.
Né dans une famille ouvrière très pauvre, Louis Bertho travailla dès l’âge de onze ans aux Chantiers navals de Saint-Nazaire. À treize ans, il passait devant le tribunal de simple police et était condamné « pour un délit qu’il n’avait pas commis » (témoignage de A. Barbé). Il se révéla très vite militant et orateur à la « voix très forte, prenante, qui captivait rapidement son auditoire » (ibid.).
Bertho abandonna son nom et se fit appeler Lepetit (Jules, Marius, né le 2 janvier 1883 à Voingt, Pas-de-Calais) car il possédait un livret militaire à cette identité, le propriétaire domicilié dans les Bouches-du-Rhône l’ayant perdu.
Il était insoumis et, pour exercer son activité militante en toute quiétude, il avait en sa possession le livret militaire de son frère François, Marie, né le 7 septembre 1883 à Nantes et qui demeurait au Havre (Seine-Inférieure).
À Paris, il habita successivement : de mai à juillet 1912, 27, puis 25, rue de la Goutte-d’Or, XVIIIe arr. ; en août et septembre 1912, 22, rue Thiers, XVIe arr. (ou rue Tiers, XIIIe arr ?) ; de novembre à décembre 1912, 11, rue Pinel, XIIIe arr. ; en 1914, 315, rue de Belleville, XIXe arr. ; de décembre 1914 jusqu’à son départ pour Moscou le 20 juillet 1920, 43, rue de Vincennes à Bagnolet.
En 1912, il était membre du syndicat des terrassiers ; il appartenait également au groupe anarchiste des Ve et XIIIe arr. de la Fédération communiste anarchiste et se signala par ses interventions nombreuses. Il fut candidat, le 19 novembre, au poste de secrétaire de la fédération contre Henri Combes qui fut élu et remplaça Louis Lecoin. Fin novembre, il adhérait au groupe des « Amis du Libertaire ». Il était également secrétaire de la Jeunesse syndicaliste des terrassiers et membre du comité d’entente des Jeunesses syndicalistes de la Seine.
Le 17 janvier 1913, jour de l’élection du président de la République, il fut arrêté à Versailles pour avoir, alors qu’avec des camarades il circulait en auto dans les rues de la ville, lancé des tracts réclamant l’amnistie en faveur de militants détenus. Sous l’identité de Lepetit Jules, il fit l’objet, le 19 mars, d’une procédure pour infraction à la loi du 28 juillet 1894 contre les menées anarchistes. L’affaire n’eut pas de suite, le délit étant insuffisamment caractérisé : Bertho avait tracé, le 15 mars, à deux heures de l’après-midi, sur le mur d’un immeuble l’inscription : Vive l’anarchie.
À l’issue du congrès anarchiste d’août 1913, il fut désigné pour faire partie de la commission « chargée de constituer définitivement la nouvelle fédération » — Voir P. Martin.
Omis de la classe 1909, Bertho adressa en septembre 1914 une lettre d’excuses au préfet de la Seine et se fit recenser avec la classe 15 dans le XIXe arr. de Paris. Ajourné le 3 novembre 1914, il était définitivement exempté, le 12 juin 1915, pour faiblesse générale et ulcère à la jambe gauche.
Lorsque, vers la fin de cette même année, se constitua un Comité d’action internationale, il y représenta avec Hubert le syndicat des terrassiers. En janvier 1916, ce comité se joignit à la minorité socialiste zimmerwaldienne pour constituer le CRRI (Comité pour la reprise des relations internationales). En février 1916, il fut élu à la commission du CRRI, organisme directeur constitué de 12 membres. Il fut un des signataires du tract À l’Internationale, sans date, mais qui fut tiré en avril 1916.
L’année suivante, le 19 juin, il fut arrêté au cours d’une perquisition au siège du Libertaire pour participation à la publication clandestine d’un numéro du journal et condamné le 11 octobre, par la 10e chambre correctionnelle, à deux ans de prison. Transféré à Clairvaux, il fut libéré au début d’avril 1919.
Bertho, présenté comme un « petit homme courtaud et trapu aux traits durs », demanda alors à l’UD de la Seine l’organisation d’une manifestation, place de la Concorde, le 1er mai, manifestation qui eut lieu, non sans heurts sanglants avec la police.
En septembre 1919, il participa au congrès de la CGT, ainsi qu’à la réunion de la minorité révolutionnaire (aux côtés notamment de Monatte et Loriot).
L’année suivante, il prenait, fin juin-début juillet, le chemin de Moscou, en compagnie de Vergeat et R. Lefebvre qui représentaient avec lui le comité des syndicalistes minoritaires et le Comité de la IIIe Internationale. Ils faisaient ce voyage à l’occasion de la tenue, en juillet 1920, du deuxième congrès de l’Internationale communiste. Ils arrivèrent fin juillet à Moscou d’où Lepetit et Vergeat repartirent le 6 septembre après avoir effectué un voyage en Ukraine. Rejoints par R. Lefebvre à Petrograd, tous les trois prirent le train pour Mourmansk d’où ils devaient s’embarquer pour regagner la France. On ne les revit jamais et, le 1er décembre 1920, l’Humanité annonçait leur disparition (ainsi que celle de leur traducteur Sacha Toubine), en mer au large de Mourmansk, au cours d’une tempête dans les derniers jours de septembre ou le 1er octobre.
Les hypothèses les plus diverses furent émises sur ces disparitions mystérieuses. A. Kriegel, qui a longuement enquêté à ce sujet, conclut : « Rien n’est vraiment assuré dans cette affaire » — op. cit. p. 787.
Sur ce que Lepetit pensait de la Révolution russe quelques jours avant de quitter définitivement Moscou, on se reportera à sa lettre du 1er septembre 1920 publiée dans Le Libertaire du 12 décembre : « La Révolution enfante dans le sang et dans les larmes, dans la peine et dans la douleur, mais l’essentiel est qu’elle donne naissance à quelque chose de sain et de beau. Je crois que, malgré toutes ses fautes, la Révolution russe, qui n’en est encore qu’à sa première période, pourra, si les autres peuples savent l’aider, procréer une société véritablement belle. Mais encore faut-il que les prolétaires de l’Occident ne l’abandonnent pas à ses propres forces ».
SOURCES : Arch. Nat. F7/13 053. — Arch. PPo. non versées. — A. Kriegel, Aux origines du communisme français, 1914-1920, 2 vol., Paris, 1964. — L’Information ouvrière et sociale, 8 mai 1919. — La Vague, 9 décembre 1920. — Souvenirs de A. Barbé remis à Jean Maitron. — A la mémoire de Raymond Lefebvre, Lepetit et M. Vergeat, morts pour la révolution dans les eaux de l’océan nordique (Mourmansk) vers le 1er octobre 1920, Pétrograd, Éditions de l’Internationale communiste, 1921. — M. Laporte, Les Mystères du Kremlin, Paris, La Renaissance moderne, 1928. — Marcel Body, Un piano en bouleau de Carélie, mes années de Russie 1917-1927, Hachette, 1981. — Jean-Louis Robert, Les ouvriers, la Patrie et la Révolution. Paris 1914-1919, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1995. — Julien Chuzeville, Militants contre la guerre 1914-1918, Paris, Spartacus, 2014.