BERTRAND Marius

Par Jacques Girault

Né le 15 février 1884 à Toulon (Var), mort le 30 octobre 1944 à Varages (Var) ; fabricant de faïence ; socialiste SFIO ; conseiller d’arrondissement.

Sa famille, originaire de Moustiers-Sainte-Marie (Basses-Alpes), s’était établie à Varages en 1746 et avait acquis par la suite une petite fabrique de faïences.

Son père, Paul Bertrand, né à Varages le 23 septembre 1855, fabricant de faïence, marié à la première institutrice laïque de la commune, fut élu maire en 1886. Socialiste, il s’opposa à Clemenceau et fut à l’origine d’une coopérative d’alimentation dans les années 1880. Le rapport du sous-préfet de Brignoles, le 5 mai 1912, après sa réélection, indiquait qu’il faisait « de la politique unifiée […] » et qu’il était entouré de conseillers municipaux « unifiés honteux [...] tout en se défendant de lui appartenir [au Parti socialiste SFIO] ». Il mourut en 1918. Sa fille Élise Bertrand épousa civilement « uniquement » (Le Petit Var, 20 août 1913) le maire socialiste de Cotignac, Hubert Carmagnolle. Ce fut le premier mariage civil de la commune. Il raviva bien des tensions.

Après la guerre, le conseil municipal de Vorages fut constitué de conservateurs, Bertrand Marius, son fils, né à Toulon, reçut les sacrements catholiques. Après sa scolarité primaire à Varages, il fréquenta le lycée de Toulon. Bachelier en 1902, après un passage dans les Ponts et Chaussées, où il rencontra l’hostilité de l’administration clemenciste, il retourna à Varages, s’y maria en avril 1908. Le couple eut quatre enfants dont deux moururent en bas âge. Ils reçurent les sacrements catholiques. Il fonda la première section locale du Parti socialiste SFIO et en devint secrétaire. Il anima la vie coopérative dans le village après avoir succédé à son père comme fabricant de faïence.

Réformé, Bertrand fut mobilisé en 1915 à la poudrerie de Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône) où il organisa un restaurant coopératif, « Chez nous ». Avec son père, il donna un franc à la souscription organisée par la Ligue des droits de l’Homme en septembre1915 pour la propagande républicaine. Après la guerre, il continua à animer la vie coopérative à Varages et, succédant à son père, rouvrit sa fabrique qui fonctionna jusqu’en 1929.
Secrétaire de la section socialiste SFIO, Marius Bertrand devint membre du comité fédéral SFIO le 10 avril 1921 et y resta quelques années. La préfecture le classait par erreur parmi les communistes varois en 1923. Sans doute, son activité coopérative expliquait ses relations avec d’autres coopérateurs, parfois membres du Parti communiste.

Bertrand avait déjà en 1920 manifesté son opposition à la candidature de René Renoult, protégé de Clemenceau pour lui succéer au Sénat. Dans le Var rouge du 21 février 1924, il signa un article « Clemenceau » très critique à l’égard de l’ancien sénateur du Var. Toujours secrétaire de la section socialiste SFIO dans la préparation des élections sénatoriales, Bertrand, au congrès fédéral socialiste de Draguignan, fut le chef de file des adversaires d’une entente avec le sénateur radical Renoult. Il mena dans la presse locale (Le Petit Var et surtout le Petit Provençal dont il était le correspondant) une campagne contre de tels accords dès le 18 octobre 1926. Il attaquait les alliés clémencistes de Gustave Fourment ; « les élections sénatoriales dans le Var, sous une apparence de lutte de principes, ne seront pas le résultat de vieux compromis » écrivait-il notamment. Il accompagnait sa signature de la mention « industriel à Varages secrétaire du comité cantonal du Cartel des Gauches ».

Le groupe local de coopérateurs, dont il était actif membre, adhéra à l’Union des coopérateurs du Var. Lors de l’assemblée générale du 2 mai 1926, Bertrand devint membre titulaire du conseil d’administration et en 1929, toujours membre, il possédait quatre actions. À Varages, trois organisations coopératives coexistaient (alimentation, boulangerie, boucherie). Bertrand fut aussi le premier vice-président de la coopérative vinicole et oléicole créée, à son initiative, le 3 novembre 1924. Il en devint président de 1925 à 1928.

Après avoir arrêté son travail à la tête de la fabrique de faïence en 1929, Bertrand envisagea un travail administratif au siège de l’Union des coopérateurs à Toulon. Il y renonça quelques mois plus tard et revint à Varages où il tint à partir du 1er août 1929, un hôtel restaurant qui devint le rendez-vous des « rouges ».

Lors d’une élection complémentaire, le 12 décembre 1926, Bertrand fut élu conseiller d’arrondissement du canton de Barjols. Seul candidat, il fut réélu, , en 1928 ; son bulletin portait « candidat d’union républicaine et socialiste ». Il obtint, le 16 octobre, 426 voix sur 1 728 inscrits et dut attendre le deuxième tour, où avec 424 voix, il fut proclamé élu. Il exerçait les fonctions de vice-président de cette assemblée lors de sa réélection en 1934. « Candidat du parti SFIO et du congrès de Brue », (Brue-Auriac, village du canton), Bertrand obtint 510 voix sur 1 720 inscrits, le 7 octobre 1934 et battit son seul adversaire communiste.

Lors de la scission de 1933, Bertrand ne suivit pas son beau-frère Carmagnolle et Pierre Renaudel au Parti socialiste de France, et resta au Parti socialiste SFIO.

Marius Bertrand devint président du conseil d’arrondissement. Le Populaire du Var, hebdomadaire SFIO, le 27 octobre, reproduisait son allocution : « Il n’y a plus ici que des mandataires du peuple dont l’unique préoccupation doit être le bien-être de tous et l’égalité de tous devant les lois et le règlement en vigueur » proclamait-il. Flétrissant les auteurs de l’attentat contre le roi de Yougoslavie, il demandait avec force l’abolition des décrets-lois et menaçait d’une « campagne d’agitation » et d’une « démission collective » si les crédits n’étaient pas débloqués pour la remise en état des chemins départementaux du Haut-Var.

Bertrand fut désigné par l’assemblée générale des militants socialistes SFIO de l’arrondissement de Brignoles, le 11 août 1935, comme candidat pour les élections sénatoriales. Mais il ne fut pas choisi par le congrès fédéral de Draguignan, le 8 septembre 1935 où il obtint six voix. Une motion préalable imposait le vote dans le cadre départemental et non plus la désignation des candidats par chacun des trois anciens arrondissements de Brignoles, de Draguignan et de Toulon. Aussi, dans Le Populaire du Var, le 14 septembre 1935, se félicitait-il de la campagne sans compromis qui s’annonçait sous la bannière socialiste SFIO. Il devait aussi signer dans le même journal, le 2 novembre 1935, un article où, en tant que « président des caisses locales d’assurances mutuelles agricoles du Var », il préconisait la nationalisation des compagnies d’assurances privées.

Bertrand ferma son restaurant au début de la guerre en raison des difficultés du ravitaillement.

Selon le rapport des Renseignements généraux du 21 octobre 1944, Bertrand était secrétaire-archiviste de la section socialiste SFIO de Varages.

Il fut enterré civilement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article99811, notice BERTRAND Marius par Jacques Girault, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 9 mai 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F7/13085. — Arch. Dép. Var, 2 M 4 12, 6 24, 25, 7 26 1, 28 4 ; 4 M 44, 59 4 1 ; 18 M 13 ; 1 Z 2 2, 5. — Arch. Com. Varages. — Arch. Coop. du Midi. — Arch. coop. « La Varageoise ». — A. Lemonnier, Historique du conseil général et des conseils d’arrondissement du Var..., Draguignan, 1933. — Renseignements fournis par le fils de l’intéressé et Yves Rinaudo.

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