AMARGER René, dit « Germa »

Par Vincent Flauraud mise à jour par Marie-Cécile Bouju

Né le 30 mars 1914 à Saint-Flour (Cantal), mort le 3 novembre 1992 à Olivet (Loiret) ; journaliste, imprimeur, commerçant ; résistant ; sous-préfet de Saint-Flour ; secrétaire de la fédération SFIO du Cantal ; maire de Lorcières (Cantal) ; conseiller municipal d’Orléans (Loiret) ; responsable sportif.

René Amarger naquit dans une famille de gauche, non pratiquante. Il était le second enfant de Joseph Amarger, chef-cantonnier de la commune de Saint-Flour, et d’Antoinette Valat, ménagère. Il faisait remonter son éveil politique à un grand banquet tenu à la Halle aux blés de sa ville au temps du Cartel des gauches, alors qu’il n’avait que dix ans : « le tribun Henry Fontanier* m’avait impressionné ». Plus tard, « Le Populaire a été mon journal de chevet, avec La Lumière et le Canard. J’ai essayé de lire Karl Marx, mais ça m’a rasé. Les articles de Léon Blum* suffisaient à mon intellect, et me délectaient. »

Après ses études au cours complémentaire de Saint-Flour, nanti de son brevet élémentaire et de son BEPS, René Amarger gagna Paris, où il fut embauché comme journaliste à L’Auvergnat de Paris. Il y fréquenta les jeunes socialistes de la Seine, et participa avec eux à une manifestation, le 11 novembre 1932, où il se fit « rosser, boulevard de Sébastopol, par les "Camelots du Roy" ».

En raison d’une pleurésie, René Amarger dut regagner très vite le Cantal, dès mars 1933. En 1935, il devint rédacteur au journal La Glèbe, organe de l’Office agricole de Saint-Flour, fondé par le Dr Louis Mallet, chrétien social, à qui il ne cessa de vouer une immense admiration. Il géra parallèlement la Boucherie coopérative paysanne, autre création du Dr Mallet. Puis, début 1937, Henri Brunel, sénateur radical du Cantal, lui confia en outre la direction de l’Union démocratique du Cantal, et de son imprimerie rue de la Frauze.

En 1939, René Amarger fut tenu à l’écart de la guerre pour raisons médicales. À l’arrivée de Pétain, il « ne dit pas "non" tout de suite », et sut gré au maréchal d’avoir arrêté la guerre. Mais il demeura en contact avec le Dr Mallet, l’un des pionniers de la Résistance cantalienne. En 1942, celui-ci lui envoya Jean Lépine, qui entreprenait d’organiser le mouvement Franc-tireur. René Amarger fut d’abord chargé de mettre sur pied la Résistance dans les cantons de Saint-Flour, Chaudes-Aigues, Pierrefort et Ruynes, soit le Sud-Est du Cantal. « Suant et soufflant, à une moyenne de tortue, je vais parcourir [à vélo] le terrain de mes responsabilités, allant vers des amis, des camarades d’école, des républicains sourcilleux, des hommes que le bon Dr Mallet me signale, souvent après qu’il les ait déjà sensibilisés à notre entreprise. Cela durera des mois ». Chef du corps-franc de Saint-Flour, il fut nommé, en mars 1943, chef de l’action politique dans l’arrondissement de Saint-Flour pour les MUR, puis ne tarda pas à être promu comme adjoint du chef départemental, Jean Lépine.

Quoique Jean Lépine insistât pour que la Résistance se tînt en dehors de toute activité politique, René Amarger accepta, au printemps 1943, de se rendre à Aurillac, pour une réunion lors de laquelle dut être reconstituée la fédération SFIO. Il n’avait jamais appartenu à un parti. Mais, « sans réticences, va pour la SFIO. Mes nouveaux camarades vont vite en besogne : je regagne Saint-Flour avec le titre de secrétaire fédéral. Promotion tout à fait inattendue... et déraisonnable. Une lourde charge que je suis bien empêché de mener à bien, en raison des responsabilités que j’ai par ailleurs. Je ne désire pas rendre mon tablier à Jean Lépine, même après qu’il m’ait tancé pour cette incartade, cette escapade dans les chemins, par lui, interdits. »

Dans son imprimerie sanfloraine, René Amarger fabriqua de faux papiers, de faux imprimés officiels. Puis, à la demande de Théophile, Raymond Perrier, futur maire adjoint de Clermont-Ferrand, il imprima un temps le Mouvement ouvrier français. Bientôt, Léon Matarasso*, aidé par Lucien Bonnafé*, lui adressa Paul Éluard*, depuis sa cache de Saint-Alban en Lozère, et l’imprimeur lyonnais André Ternet*, à la recherche d’une imprimerie clandestine pour La Bibliothèque française. D’octobre 1943 à mars 1944, sortirent des presses de René Amarger Les sept poèmes d’amour en guerre, d’Éluard (pseudo : Jean du Haut), L’arrestation, d’Édith Thomas* (Jean le Guern), Hier comme aujourd’hui, œuvres choisies de Verlaine et Charles Cros, Les bons voisins, d’Aragon* (Arnaud de Saint-Roman), Le gouvernement de Vichy est-il légitime ? de Garraud (Maître Portalis), ou encore la réédition, aux Éditions de Minuit, du Musée Grévin, d’Aragon (François la Colère). L’adresse fut vite connue, et d’autres journaux clandestins, tels Le Languedoc ouvrier ou Le Patriote lotois recouraient à l’imprimerie sanfloraine. René Amarger « approvisionna » ainsi en presse clandestine le leader socialiste italien Pietro Nenni, assigné à résidence dans la rue où se trouvait son imprimerie. Ces impressions clandestines furent possibles grâce à l’appui de Marcel Chauliac, Émile Molinier, Jean Imbert et Jean Anglares, et par des résistants de Clermont-Ferrand (dont Guérin correcteur). L’imprimerie fut découverte (vide de ses occupants) et saccagée le 10 juin 1944.

René Amarger mena à bien l’installation des premiers maquis, et la réception des premiers parachutages, dans la région de Saint-Flour. En janvier 1944, il devint secrétaire général du CDL du Cantal, lors de la formation de ce dernier, cédant par conséquent la responsabilité de l’arrondissement de Saint-Flour à Pierre Durif. À la fin du premier trimestre 1944, il dut entrer dans la clandestinité. À compter de juillet, il siégea, avec le CDL, à Mauriac, libérée dès juin. Le 24 août, il regagna Saint-Flour libérée, pour occuper quelques jours la charge de sous-préfet. « Je n’ai pas voulu, en ce qui me concerne, (...) accepter [de la Résistance] les "dividendes" que mes camarades me souhaitaient. Ni une quelconque magistrature, ni une carrière, ni, bien sûr, la moindre prébende. (...) J’ai laissé à un homme de l’administration la sous-préfecture de Saint-Flour, que j’avais acceptée à la demande instante du Dr Mallet ».

René Amarger redevint alors journaliste. Il créa La Margeride, organe du Mouvement de libération nationale (dont il était le vice-président départemental en 1945), qui fusionna ensuite avec L’Espoir du Cantal, organe de la SFIO cantalienne, pour donner Le Montagnard, qui s’associa à son tour en 1949 aux Montagnards de Géraud Jouve*, qui couvraient le Nord-Ouest du département. Il en fut le directeur et rédacteur en chef jusqu’en 1955. Parallèlement, il avait été de nouveau désigné comme secrétaire fédéral de la SFIO en octobre 1948, dénigré dans la foulée par certains communistes qui lançaient contre lui, peu après, des accusations calomnieuses.

En 1953, René Amarger gagna Orléans, où il dirigea jusqu’en 1985 un magasin d’optique, d’abord tenu par son épouse. Il devint président de la coopérative Guilde des lunetiers de France (Krys) de 1972 à 1976. En 1972, il fonda une SARL d’exploitation (transformée en SA en 1984) dans laquelle il associa largement ses salariés au capital. Il siégea par ailleurs au conseil municipal d’Orléans de 1983 à 1988, au sein de l’opposition socialiste. Il initia à cette occasion un jumelage entre Orléans, et sa ville natale, Saint-Flour.

Il ne rompit donc pas avec le Cantal. Il entretint la mémoire résistante, comme secrétaire général puis président d’honneur du Comité d’Union de la Résistance d’Auvergne, ou en étant l’un des principaux organisateurs du rendez-vous annuel du Mont-Mouchet, et en créant l’association Mont-Mouchet-Margeride en 1969. Il fut conseiller municipal de Lorcières, commune d’origine de son père, de 1971 à 1977, puis maire de 1977 à 1983. En 1982, il fut battu aux élections cantonales dans le canton de Ruynes-en-Margeride, et en 1986, il figura sur la liste socialiste cantalienne pour les élections régionales.

Sportif, mais très tôt privé de pratique par la maladie, René Amarger avait été secrétaire du Stade sanflorain (football) dès l’âge de seize ans, et avait œuvré à la fusion avec le club du patronage, jugeant jusqu’alors navrant « que l’on ne se parl[e] pas entre garçons d’un club ou de l’autre ». Après la Libération, il fut membre du comité directeur du district du Cantal de football. Longtemps président de la section football de l’OC Orléans, il tenta une fois de plus, mais en vain, de rapprocher les deux clubs rivaux existants. Il fonda en 1972, avec son ami Lucien Georges, l’Union sportive orléanaise, qu’il présida jusqu’en 1980 (président du Football-club orléanais). « Nous voulions donner à la ville d’Orléans un grand club. […] Nous avons rassemblé de petits clubs disséminés dans la nature qui avaient du mal à suivre. Parallèlement, nous avons poursuivi notre action dans le but d’effacer les divergences qui séparaient sur un plan un peu plus "idéologique" les gens d’un côté et de l’autre. […] Nous sommes arrivés à un accord. […] On assiste à quelque chose de paradoxal et de réconfortant : les opinions extrêmes se conjuguent parfaitement sur le sujet sportif. »

Pour son action, il reçut en 1950 la médaille d’or de la Jeunesse et des sports et en 1955 le grade d’officier des palmes académiques.Il a été également décoré de la médaille militaire, de la médaille de la Résistance (1946) et de la Croix de Guerre. En 1974, il a reçu la légion d’honneur à titre militaire, et a été fait officier en 1989 (médaille remise par Michel Charasse).

En 1999, une plaque commémorative a été inaugurée sur l’immeuble de l’ancienne imprimerie de l’Union démocratique du Cantal, à Saint-Flour. En 2002, une plaque en bronze lui rendant hommage a été dévoilée au gymnase René-Amarger à Orléans, qui porte son nom depuis 1993. Depuis 2003, une place de Saint-Flour porte également son nom.

En 1975, René Amarger était secrétaire général du comité de l’Union de la Résistance d’Auvergne.

Il était franc-maçon.

René Amarger avait épousé Marie Louise Molinier le 15 janvier 1940 à Saint-Flour. Ils eurent une fille. Après son divorce, il épousa Madeleine Livache, veuve Pellé, opticienne, dont il eut un garçon. Madeleine avait de son côté eu deux filles, Marie-Paule Pellé et Catherine Pellé

René Amarger fut inhumé civilement au cimetière de Lorcières.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article9987, notice AMARGER René, dit « Germa » par Vincent Flauraud mise à jour par Marie-Cécile Bouju, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 4 avril 2022.

Par Vincent Flauraud mise à jour par Marie-Cécile Bouju

ŒUVRE : Des Braises sous la cendre, Malesherbes, Maury, s.d. [1979], 143 p. — Préface de Marie Jouvente, Rafales en Margeride : poèmes, Aurillac, Éd. Gerbert, 1980.

SOURCES : Fiche de renseignements complétée par la famille (2002). — Profession de foi, mars 1982. — SHD 16 P 10654. - AN BB18 7220. - Le Cantal ouvrier et paysan, 10 mars 1945, 28 avril 1945, 25 décembre 1948, 8 janvier 1949, 15 janvier 1949. — Le Montagnard, 26 novembre 1948. — Hebdo sport [fourni par la famille : s.d., avant 1980] : entretien avec Jacques Camus. — L’Espoir du Cantal, 4 mars 1982. — La Montagne, 9 octobre 1989, 5 novembre 1992. — La Dépêche d’Auvergne, 6 novembre 1992. — L’Action socialiste [Loiret], novembre 1992. — Vivre à Orléans, 31 décembre 1992. — La République du Centre, novembre 1992, 13 septembre 1993. - Paul Chauvet La Résistance chez les fils de Gutenberg dans la Deuxième Guerre mondiale. Paris : à compte d’auteur, 1979, p. 203-204. - Véronique Morand-Berducat, « Amarger, René », Archives municipales et communautaires d’Orléans métropole [en ligne]. — Notes de Simon Flossaut, mai 2020.

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