Par Lucie Fougeron
Né le 26 juillet 1911 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), mort le 18 juin 1989 à Montcheneix (Puy-de-Dôme) ; artiste plasticien ; militant du Parti communiste.
Issu d’une famille auvergnate de condition modeste, Jean Amblard passa son enfance à Asnières (Seine, maintenant Hauts-de-Seine), rue Bokanowski, où ses parents, Pierre Léger Amblard, monteur-électricien au stade de Colombes, et Ernestine Catherine Laroche, étaient venus s’installer. Il resta profondément attaché à son Auvergne natale tout au long de sa vie, et notamment à son village familial de Montcheneix par Rochefort Montagne (Puy-de-Dôme).
Il se consacra très tôt à l’étude des arts plastiques, fréquentant tout d’abord, en 1924, l’École nationale supérieure des arts décoratifs (rue d’Ulm, Paris), puis celle des Beaux-Arts, à partir de 1926, dans l’atelier de Lucien Simon (dont sont issus les peintres Rohner, Humblot, Jannot, Brayer), où il se lia avec Boris Taslitzky*. Ils poursuivirent leur scolarité en tant qu’élèves libres, la modestie de leurs moyens financiers ne leur permettant pas de s’inscrire dans le cursus normal, et les excluant de ce fait de la possibilité de concourir. Au bout d’un an et demi, quelque peu « déçus par l’École et le manque de disponibilité des patrons », ils considérèrent « qu’il était nécessaire de vraiment travailler », se souvient B. Taslitzky. En 1928, il exposa au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Il effectua son service militaire à Colmar en 1931.
Peu après, Jean Amblard adhéra à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), créée en 1932 sous l’impulsion de l’Internationale communiste et dirigée, entre autres, par Francis Jourdain*, Paul Vaillant-Couturier* et Louis Aragon*. Lorsque celle-ci se transforma en Association des Maisons de la Culture, sous l’égide de L. Aragon, il participa activement, toujours aux côtés de Boris Taslitzky, à la vie de l’Association des Peintres et Sculpteurs, lieu de militantisme associant réflexion sur le rôle social et politique de la création artistique et lutte contre le fascisme, dans le contexte du Front populaire. Il adhéra au Parti communiste en mars 1935.
En 1937, Jean Amblard fut chargé de l’illustration de l’album du Pavillon de la Solidarité à l’Exposition universelle (Paris).
Mobilisé en 1939 au 13e zouaves, il participa à la campagne de Belgique, à la bataille de Dunkerque et parvint à gagner l’Angleterre, puis rentra en France. Il repartit de Paris et s’engagea dans la Résistance, tout d’abord dans les maquis auvergnats (il prit part à la libération de Brive), puis il rallia l’armée Rhin et Danube en tant que sous-lieutenant et fut nommé peintre aux Armées. Entre-temps, il avait accepté une mission confiée par Georges-Henri Rivière pour le Musée des arts et traditions populaires, consistant à « figurer » la vie paysanne auvergnate, tout en poursuivant ses activités de résistant, notamment au sein du Front national des arts fondé par André Fougeron*, Édouard Goerg et Édouard Pignon*.
Lors de la libération de Colmar, il sauta sur une mine et fut amputé de la jambe droite et des cinq premières phalanges de la main droite. Il fut décoré de la croix de guerre avec palme et de la Légion d’honneur.
Après une longue convalescence en hôpital militaire, le ministère lui commanda, en 1946, une décoration monumentale (150 m2), « Les Maquis de France » — inspirée des maquis auvergnats — achevée en 1948, et que l’on peut voir dans la salle de la Résistance à l’Hôtel de ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « Henri Matisse, qui la voit, demande à Aragon de lui envoyer Jean Amblard et lui exprime son admiration. Paul Éluard, Elsa Triolet*, Jacques Gaucheron célèbrent cette œuvre », relate B. Taslitzky.
En 1947, il partit avec Boris Taslitzky pour Denain (Nord) : Georges-Henri Rivière leur avait commandé, pour une enquête du Musée des arts et traditions populaires, des dessins réalisés dans les usines et les mines de la grande région industrielle. Ces œuvres trouvèrent leur prolongement dans une grande décoration que J. Amblard réalisa pour le siège du syndicat CGT de la Métallurgie à Paris puis, en 1952, pour un ensemble au château de Vouzeron, maison de repos des métallos. En 1948, il avait obtenu le Prix Blumenthal de peinture, et, en 1949, le Prix Jeckel de la Biennale de Menton. L’année suivante, il reçut de nouveau des commandes d’État, et utilisa ses talents pour les arts décoratifs à la Tapisserie d’Aubusson.
Jean Amblard fit partie des artistes qui s’engagèrent dans la « bataille du réalisme » sur le terrain des arts plastiques, menée sous la houlette du Parti communiste français dans le contexte de la guerre froide, principalement entre 1948 et 1953, aux côtés d’André Fougeron et de Boris Taslitzky, pour ne citer que les « chefs de file ». Militant dans ce cadre pour un « nouveau réalisme français » où la création artistique se trouvait indissociablement liée à l’action politique « au service de la classe ouvrière », il participa aux expositions organisées directement ou indirectement par le PCF à cette époque, et fut présent dans les salles que ce mouvement avait entrepris d’investir au Salon d’Automne. J. Amblard réalisa en outre de nombreuses illustrations pour la presse et les publications du PCF, à l’instar d’autres plasticiens communistes, donnant par exemple un dessin pour l’édition de luxe de Fils du peuple à l’occasion du 50e anniversaire de Maurice Thorez*, ou illustrant La Grève de Bure, de Jean Noaro*, édité en 1953 par la fédération régionale des mineurs de fer de l’Est, à partir d’études réalisées au fond de la mine.
Par la suite, il réalisa au titre du 1 % des décorations monumentales pour des bâtiments publics, souvent en ciment gravé, manifestant là encore son intérêt pour l’art mural, l’inscription de la création artistique dans un cadre public, et sa recherche incessante de nouvelles techniques d’expression. Il élabora ainsi, avec sa seconde épouse, Nicole de Ricou, également artiste, une technique de céramique sur tranches de pierre de Volvic. Jean Amblard passa alors de plus en plus de temps dans son Auvergne natale, présente dans son œuvre avec « sa faune et sa flore qu’il traduit dans d’admirables dessins et peintures lumineuses à la manière luxuriante » (B. Taslitzky).
En 1981, il fut amputé de la jambe gauche. C’est dans les années 1980 qu’il réalisa ses ultimes décorations monumentales, cette fois pour des églises de sa région (notamment le chœur de l’église de Perpézat, l’autel de l’église de Rochefort Montagne (Puy-de-Dôme). Peu avant sa mort, très malade, il peignit plusieurs toiles et fit des dessins à l’encre de Chine.
Par Lucie Fougeron
SOURCES : B. Taslitzky, « Jean Amblard », Révolution, 23 juin 1989. — Laurence Bertrand-Dorléac, L’art de la défaite. 1940-1944, Paris, Seuil, 1993. — Entretiens avec B. Talistzky, 13 novembre 1999 et 19 février 2000.