Par Georges Portalès
Maitron patrimonial (2006-2024)
Né le 11 novembre 1885 à San Dona di Piave (Italie), mort le 12 mars 1944 à Trévise ; professeur d’Université ; député socialiste italien ; socialiste européen exilé en France ; libraire; résistants ; instigateur du mouvement de Résistance toulousain « Libérer et Fédérer »
Silvio Trentin naquit en 1885 à San Dona di Piave, près de Venise en Italie, dans une famille de la bourgeoisie terrienne.
Ancien combattant de la première guerre mondiale, universitaire et professeur de droit à l’Université de Pise,
En 1919, il fut élu député de la social-démocratie (PSI), à Venise, il s’opposa alors au fascisme de Benito Mussolini.
Empêché de donner ses cours par des groupes qui s’opposaient à son accès aux salles, il démissionna à contre cœur, vendit ses biens et s’exila en France.
Le 2 février 1926, il passa la frontière à Vintimille avec sa mère, femme Giuseppina ses deux fils Georges et Bruno et sa fille Francesca
Il s’installa avec sa famille à Pavie dans le Gers où il exploita une petite propriété agricole. C’est un échec et il trouva un emploi de manœuvre dans une imprimerie à Auch. Il y découvrit alors la condition ouvrière. Malgré ce travail harassant, il maintint des contacts politiques avec ses amis italiens exilés comme lui en Gascogne. Il trouva le temps d’écrire un ouvrage sur La crise du droit et de l’État.
En 1935, sur les conseils et avec l’aide de ses amis, notamment de Camille Soula, professeur de médecine, il ouvrit une librairie au 10 rue du Languedoc à Toulouse.
Ses capacités intellectuelles allaient pouvoir s’exercer pleinement dans ce nouveau métier de libraire et favorisèrent des rencontres avec des clients qui devinrent ses amis.
Silvio Trentin était franc-maçon, membre de la loge « La Parfaite Harmonie ». Il fut l’un des responsables politiques de « Giustizia e Libertà » ( Justice et Liberté ) un mouvement crée à Paris en 1929 par un groupe d’exilés italiens antifascistes.
En juillet 1936, il s’engagea en faveur des Républicains espagnols. Après de la défaite de ceux-ci et la Retirada de février 1939, Silvio Trentin s’insurgea contre les conditions désastreuses d’internement des réfugiés. Il visita les camps de Saint-Cyprien et d’Argelès-sur-Mer où étaient entassés plusieurs milliers d’Espagnols et fit partie du Comité d’aide aux exilés.
Choqué par l’Armistice, Trentin se déclara hostile au maréchal Pétain. Ses amis-clients se lancèrent vite dans la Résistance. C’est ainsi qu’Achille Auban, après avoir pris contact avec Trentin, organisa une réunion d’opposants à Vichy dès le 31 juillet 1940, à laquelle participèrent Camille Soula, Paul Descours et Julien Forgues secrétaire de l’Union départementale CGT et de la Bourse du Travail de Toulouse.
L’arrière-salle de sa librairie devient alors le lieu de rencontre d’intellectuels, de professeurs et de syndicalistes résistants. Pierre Bertaux, Jean Cassou, Francesco Nitti et Silvio Trentin formèrent un premier noyau de Résistance à Toulouse. En juillet 1941 ils entrèrent en contact avec des agents de la France Libre basé à Londres. En septembre 1941 Henri Labit et Furet « Mercier » opérateur radio rejoignirent le groupe. Les premiers parachutages eurent lieu à Fonsorbes dans la banlieue toulousaine. Ils réceptionnèrent Yvon Morandat émissaire du général de Gaulle, parachuté dans la nuit du 6 au 7 novembre 1941 qui était chargé de prendre contact avec la Résistance locale. La police de Vichy démantela le réseau : Pierre Bertaux et Jean Cassou furent arrêtés en décembre 1941 et enfermés à la prison militaire de Furgole. Libérés en juin 1943, ils reprirent le combat.
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L’armée allemande, en novembre 1942, envahit la zone libre et entra dans Toulouse. Silvio Trentin devint alors l’inspirateur du mouvement de résistance « Libérer et Fédérer ». Ce mouvement édita un journal clandestin imprimé et tiré à plus de 20 000 exemplaires, chez les frères Lion, imprimeurs des journaux clandestins de la Résistance. Le premier numéro sortit le 14 juillet 1942. Seize numéros parurent jusqu’en mai 1944.
Le fils de Silvio Trentin, Bruno (Pavie, Gers, 1926 – Rome, 2007), élève au lycée de garçons, fut arrêté par la police en décembre 1942 et incarcéré à la prison Saint-Michel au motif de distribution de tracts subversifs. Rentré en Italie, Bruno Trentin milita au PCI et à la CGIL. Il fut député de 1962 à 1972 et secrétaire général de la CGIL de 1988 à 1994.
À la chute de Mussolini en juillet 1943, Silvio Trentin rentra en Italie pour poursuivre le combat. En septembre 1943 il organisa la Résistance en Italie du Nord contre les Allemands et leurs alliés fascistes. Il fut arrêté avec son fils par des militaires de Mussolini, puis relâchés faute de preuve.
Silvio Trentin, dont l’état de santé c’était détérioré, mourut à Trévise le 12 mars 1944, sans avoir vu la libération de son pays.
Le souvenir de Silvio Trentin reste vivace dans la population toulousaine et une grande artère de Toulouse porte son nom.
Son fils Bruno, né le 9 décembre 1926 à Pavie (Gers) et mort le 24 août 2007 à Rome (Italie), militant syndicaliste en vue, adhérent du PCI, fut secrétaire général de la Confederazione generale italiana del Lavoro (CGIL) de 1988 à 1994.
Maitron patrimonial (2006-2024)
Par Georges Portalès
SOURCES : Toulouse, mémoire de rues-guide historique des Années noires et de la Résistance à Toulouse à travers les plaques de rue et les stèles commémoratives par Elérika Leroy édité par la Mairie de Toulouse ; pages 34 et 35 consacrées à Silvio Trentin. — Jean-Pierre Pignot, Aspects de la Résistance à Toulouse et sa Région « Libérer et Fédérer », Mémoire de Maîtrise soutenu par en novembre 1976, Université de Toulouse le Mirail. — Paul Arrighi, Silvio Trentin, un Européen en résistance 1919-1943, préface de Rémy Pech, Editions Loubatières. — Paul Arrighi, Silvio Trentin, un combat politique en Vénétie, en Gascogne et dans le Midi Toulousain. Du début de son opposition au fascisme à son retour en Italie (1921-1943), Université de Toulouse le Mirail. — CD-ROM « La Résistance en Haute-Garonne » créé par l’Association Histoire de la Résistance en Haute-Garonne – dans le cadre de la Campagne Nationale de l’AERI. (Association pour des Etudes sur la Résistance
Intérieure). — Jean Estèbe , Toulouse 1940- 1944, édition Perrin. —
Les Fac-similés de « Libérer et Fédérer »du 14 juillet 1942 à Avril-mai 1944 seront publiés en 1985 par Centre d’Études et de Documentation de Paris sur l’Émigration italienne (CEDEI) avec une présentation de Michel Dreyfus.
— Notes d’André Balent.