VERBIZIER Gérard de (VERGEAT ou VERJAT)

Par Jean-Paul Salles

Maitron patrimonial (2006-2024)

Né le 15 juillet 1942 à Montbéliard (Doubs), mort le 15 juillet 2004 ; scénariste : militant de l’Union des étudiants communistes (UEC), de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), de la Ligue communiste (LC), de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et membre de la direction de la IVe Internationale.

Le père de Gérard de Verbizier était sous-préfet, descendant d’une vieille famille aristocratique et huguenote d’Ariège, où ses ancêtres, sans déroger, avaient exercé le métier de verriers. Son grand-père Charles de Verbizier (1875-1952) avait été délégué de Haute-Garonne au Congrès de Tours (1920), où il choisit l’affiliation à la IIIe Internationale.
Après des études secondaires dans un pensionnat à Deauville (Calvados), Gérard de Verbizier commença des études d’histoire à Paris. En 1963, militant à l’Union des étudiants communistes (UEC), il passa de la tendance «italienne» à l’opposition de gauche et au trotskysme. Avec Alain Krivine et Henri Weber notamment, il fut l’artisan de la première conférence constitutive de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) à Paris le 2 avril 1966, puis de son premier congrès (24-27 mars 1967, à Paris). Déjà membre du Parti communiste internationaliste (PCI) trotskyste, il contribua à convaincre des militants encore réticents d’adhérer à la IVe Internationale comme Antoine Artous ou Daniel Bensaïd. Ainsi, le congrès de fondation de la Ligue communiste (Mannheim, 5-8 avril 1969) décida que la nouvelle organisation serait la section française de la IVe Internationale. Et il fut le premier responsable de la Ligue communiste (LC) à être détaché à Bruxelles dès 1969 auprès de la direction de la IVe Internationale. L’internationalisme chevillé au corps, il s’investit dans le suivi des activités trotskystes au Japon, en Chine, au Sri Lanka mais aussi au Proche-Orient. En 1970, il aida à construire le Groupe communiste révolutionnaire (GCR) au Liban, devenu section de la IVe Internationale. Il suivit également les activités des trotskystes de l’Organisation socialiste israélienne-Matzpen (OSI). À l’occasion de meetings organisés par le Front Solidarité Indochine (FSI), à Paris ou à Rouen, il siégea avec Alain Krivine aux côtés des délégués indochinois du GRP (Gouvernement révolutionnaire provisoire -Vietnam-), du Pathet Lao (Laos) et du FUNK (Front uni national du Kampuchéa) cf. Rouge hebdo n°102, 22 février 1971. Son ami Daniel Bensaïd se souvient de lui à Toulouse : «Sa frêle silhouette d’étudiant dostoïevskien surgissait de temps en temps, furtivement, sous les arcades de la Place du Capitole, comme s’il cachait quelque machine infernale sous son pardessus élimé. Ce n’étaient pourtant que brochures et grimoires ronéotés, qu’il nous glissait aussi discrètement que s’il s’était agi de curiosités pornographiques. Le complot était en marche» (in D. Bensaïd, Une lente impatience, Stock, 2004, p.51).
En effet, à rebours de certains de ses camarades, à plusieurs reprises dans Rouge, il dénonce la violence individuelle comme relevant du «putschisme», «d’une conception substitutiste de la lutte», maintenant les masses dans un rôle de «spectateurs passifs». Ensuite, ajoute-t-il toujours à propos de sa condamnation de l’attentat à l’aéroport de Lod en Israël, le 30 mai 1972, réalisé par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) : cette action rejetait les masses juives dans les bras des sionistes «alors que très lentement la conscience politique anti-sioniste progressait en Israël» (G. Vergeat in Rouge n°161, 10 juin 1972, p.15). Plus tard, dans le cadre d’un long débat sur la violence révolutionnaire mené dans les colonnes de Rouge, il comparait les militants des Brigades rouges italiennes ou de la Fraction Armée rouge allemande aux Populistes russes du XIXe siècle, les Narodniki, les accusant d’avoir «une conception missionnaire de l’action». Ils commettent de nouveau le péché de «substitutisme», s’isolant de la classe ouvrière (G. Vergeat, «Échec d’une certaine violence», in Rouge n°306, 27 juin 1975).
Dans l’hommage qu’il rendit à Eli Lobel à l’occasion de son décès, G. de Verbizier rappella l’importance pour sa génération d’Eli, né en 1926 à Berlin de parents Juifs polonais : «C’est lui, Israélien, qui nous avertit sur Israël. C’est par lui que la voix des Palestiniens nous atteignit» (Rouge n° 888, 12-18 octobre 1979, Les Nôtres : Eli Lobel par Vergeat). De son côté, Michel Warschawski notait que c’est «grâce aux liens étroits entretenus avec la JCR, que les idées de Mai 68 circulaient jusque dans les banlieues d’Haïfa». Et il reconnaît sa dette à l’égard de Gérard de Verbizier, «un militant internationaliste français de culture protestante […], c’est à lui que je dois l’intérêt que j’ai commencé à porter, dès 1974, à la Main d’oeuvre immigrée (MOI) et, par la suite aux révolutionnaires de culture yiddish» (Michel Warschawski, Sur la frontière, Stock, 2002, p. 294 et p. 63). En effet, Gérard de Verbizier fut parmi les réalisateurs d’une série remarquable de 3 émissions sur l’A2, consacrée aux « Révolutionnaires du Yiddisland » en 1984. Il fut également scénariste dans le film de Mosco retraçant l’histoire de la 35e brigade FTP-MOI (La sept/Arte, 1993). Il en tira un livre Ni Travail, ni Famille, ni Patrie. Journal d’une brigade FTP-MOI, Toulouse 1942-1944, Calmann-Lévy, 1994. C’est lui qui écrivit la notice nécrologique d’un des membres de cette brigade, Stéphane Barsony, «Une figure de la Résistance à Toulouse», médecin, juif d’origine hongroise et père de deux de ses camarades de la JCR puis de la Ligue, dont le dessinateur Piotr (in Le Monde, 24 septembre 1999). Cet intérêt pour le cinéma l’amena à collaborer à plusieurs documentaires avec Marcel Lozinski et Anne Duruflé sur la Pologne, ou avec Gilles Chevalier, Sans oublier les enfants, consacré à la Rafle du Vel’d’Hiv’.
À la fin de sa vie, devenu sourd et aveugle, du fait d’une maladie génétique rare et incurable, et du diabète, il aimait dire, faisant sienne l’autodérision de l’humour juif, «qu’il travaillait dans l’audiovisuel».
Gérard de Verbizier mourut le jour de son anniversaire, en 2004, à 62 ans.

 

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/verbizier-gerard-de-vergeat-ou-verjat/, notice VERBIZIER Gérard de (VERGEAT ou VERJAT) par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 11 juin 2016, dernière modification le 7 octobre 2024.

Maitron patrimonial (2006-2024)

Par Jean-Paul Salles

ŒUVRE : Nombreux articles de Gérard de Verbizier, sous le pseudonyme de Vergeat, dans Rouge, tout au long des années 1970, notamment sur Israël et la Palestine. — Gérard Vergeat, «Les nôtres : Eli Lobel», Rouge n° 888, 12-18 octobre 1979. — Co-réalisateur de «Révolutionnaires du Yiddisland», TV A2, 1984. — Scénariste du film de Mosco retraçant l’histoire de la 35e brigade FTP-MOI (La sept/Arte, 1993). — Gérard de Verbizier, Ni Travail, ni Famille, ni Patrie. Journal d’une brigade FTP-MOI, Toulouse 1942-1944, Calmann-Lévy, 1994. — Gérard de Verbizier, «Stéphane Barsony, une figure de la résistance à Toulouse», Le Monde, 24 septembre 1999. — Co-réalisateur avec Marcel Lozinsnski et Anne Duruflé de documentaires sur la Pologne. — Co-réalisateur, avec Gilles Chevalier, de Sans oublier les enfants, sur la Rafle du Vel’d’Hiv’.

SOURCES : Archives Verbizier (Asie), 1969-77, 166 pièces concernant la section japonaise de la IVe Internationale, le groupe de Hong Kong, la reconstruction de la section chinoise de la IVe Internationale, le voyage de Vergeat au Japon en 1973 ou 1974. Documents consultables à la BDIC à Nanterre, après le versement réalisé par Dominique Gérardin. — Paul Benkimoun, «Gérard de Verbizier, militant trotskiste et cinéaste», Le Monde, 29 juillet, 2004. — Daniel Bensaïd, Une lente impatience, Paris, Stock, 2004. — Daniel Bensaïd, Nécrologie de Gérard de Verbizier, Rouge n°2076, 2 septembre 2004. — Alain Brossat, Sylvia Klingberg, Le Yiddisland révolutionnaire, Paris, Balland, 1983. — Jan Malewski, «Gérard de Verbizier dit Vergeat 1942-2004», Inprecor n°498/499, octobre-novembre 2004, en ligne sur le site d’Europe Solidaire sans Frontières. — Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, Rennes, PUR, 2005. — Michel Warschawski, Sur la frontière, Paris, Stock, 2002. — Nathan Weinstock, Le sionisme contre Israël, Paris, Maspero, 1969, notamment pour les textes de l’OSI-Matzpen publiés en Annexes (p.568-574). — Site internet «La Réveillée», association des descendants des gentilshommes verriers du Sud-Ouest. Le Mas d’Azil (Ariège). — Témoignages d’Antoine Artous, Jean-Pierre Debourdeau, Dominique Gérardin et Alain Krivine (juin 2016).