YOKOYAMA Gennosuke (pseudonyme : Tengai bōbō sei)

Maitron patrimonial (2006-2024)

Né en 1871 dans le département de Toyama ; mort le 3 juin 1915. Pionnier du journalisme social. L’un des premiers journalistes, spécialisés dans les enquêtes sur les conditions de vie des ouvriers et des pauvres lors de la montée du capitalisme japonais.

YOKOYAMA Gennosuke était, semble-t-il, l’enfant naturel d’un patron de pêche d’Uozu dans le département de Toyama ; il fut adopté par YOKOYAMA Denbei, plâtrier, auprès duquel il grandit.
Après deux ans d’études à l’école secondaire de Toyama, il se rendit vers le début de l’année 1886 à Tōkyō avec l’intention d’entrer dans la carrière politique et il fréquenta l’École de droit anglais dont il sortit diplômé en 1891. Il échoua, ensuite, au concours pour le titre d’avocat, mais il fit à cette époque la connaissance d’hommes de lettres tels que KAWASHIMA Naniwa et FUTABATEI Shimei ; il subit la grande influence idéologique du Heimin-shugi (égalitarisme) de la nouvelle littérature transmise par la revue Kokumin no tomo (L’Ami de la nation) et il s’intéressa beaucoup aux problèmes du travail ; en premier lieu à celui de l’Affaire des houillères de Takashima qui était en train de de­ venir un problème social… En 1894, entré au Mainichi shimbun (Journal Mainichi), il écrivit sous le pseudonyme de Tengai bōbō sei (mot à mot : l’homme du vaste ciel) des reportages sur les bas-fonds urbains ; en 1896, après la guerre sino-japonaise, il observa et décrivit les conditions de travail dans la zone d’industrie textile de Ryōmō, région de Kiryū et d’Ashikaga, et l’année suivante, dans celles de Kanazawa, Fukui, Ōsaka et Kōbe. Il fit aussi une enquête sur la situation des fermiers dans le département de Toyama, son pays natal. Il réunit enfin, en avril 1899, les enquêtes qu’il avait effectuées pendant trois ans, et en utilisant habilement des documents statistiques officiels, par exemple, ceux de la Direction des affaires agricoles, il publia son livre Nihon no kasō shakai (Les Bas-fonds du Japon), où il exposait dans le détail les conditions réelles d’existence des pauvres et des artisans dans les villes, la situation dans l’industrie artisanale, la condition des ouvriers dans les usines mécaniques et celle des fermiers ; en appendice, il y décrivait les « mouvements sociaux au Japon » (Nihon no shakai undō). Cet ouvrage faisait la lumière sur les conditions misérables de travail des ouvriers à l’époque où le capitalisme japonais prenait son essor : longue durée de travail pour un bas salaire. Il décrivait également la situation des couches urbaines les plus pauvres et celle des fermiers, armée de réserve de l’industrie. Aussi a-t-il gardé aujourd’hui encore toute sa valeur en tant que modèle d’enquêtes synthétiques et d’analyses menées pour la première fois au Japon.
Vers cette époque, YOKOYAMA Gennosuke quitta le journal Mainichi ; il fréquenta des militants du mouvement ouvrier : TAKANO Fusatarō, KATAYAMA Sen et autres, et collabora à la revue Rōdō sekai (Le Monde du travail) ; en mai 1899, il publia dans la maison d’édition du journal Rōdō shimbun (Journal du Travail), un livre de vulgarisation ayant pour objet l’éducation des ouvriers : Naichi zakkyo go no Nippon (le Japon après l’installation d’étrangers dans la métropole), dans lequel il insistait pour que la classe ouvrière lutte elle-même pour l’obtention du droit de vote en s’opposant à la classe capitaliste et qu’elle s’organise dans un mouvement politique autonome pour réaliser le socialisme ; c’est ainsi que YOKOYAMA prit une position en faveur du socialisme sans jamais cependant militer lui-même dans le mouvement. Il rentra provisoirement à Uozu, pour raison de santé, et quand en 1900, il regagna Tōkyō il s’occupa de l’Enquête sur les conditions de vie des ouvriers et des artisans qui était rédigée par le ministère des Affaires agricoles et commerciales et qui devait servir de document de base pour l’élaboration d’un projet gouvernemental de réglementation dans les usines.
En outre, il continua d’écrire, pour divers journaux et revues, de nombreux articles concernant les conditions de subsistance de toutes les classes sociales qu’il avait observées et recensées ; vicissitudes de la vie sociale régionale ; sociétés d’artisans ; services d’émigration ; vie des communes rurales et des villages de pêcheurs ; capitalistes et propriétaires fonciers, etc. Il mourut dans la misère en juin 1915.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/yokoyama-gennosuke-pseudonyme-tengai-bobo-sei/, notice YOKOYAMA Gennosuke (pseudonyme : Tengai bōbō sei) par , version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 19 juin 2024.

Maitron patrimonial (2006-2024)

ŒUVRE : Nihon no kasō shakai (Les BasRfonds du Japon), 1899, collection Iwanami bunko. — Naichi zakkyo go no Nippon (Le Japon après l’installation d’étrangers dans la métropole), 1899, collection Iwanami bunko.

SOURCES : NISHIDA Nagatoshi, « YOKOYAMA Gennosuke cho, Nihon no kasō shakai no seiritsu — sono shoshiteki kōshō » (Formation des Bas-fonds du Japon de YOKOYAMA Gennosuke — étude bibliographique), in Rekishigaku kenkyū (Etude de l’histoire), no 161, 1953.  ŌHARA Satoru, « Nihon kasōshakai no tomo YOKOYAMA Gennosuke » (L’Ami du peuple des bas-fonds japonais : YOKOYAMA Gennosuke), in Gakushū no tomo (L’Ami de l’étude), numéro de juin 1959.