Par Claude Willard
Né le 16 juin 1939 à Annecy (Haute-Savoie), mort le 24 janvier 2022 ; professeur de philosophie et journaliste ; tint une rubrique dans Alger républicain (1962-1965) ; secrétaire général de la rédaction de La Nouvelle critique (1975-1979) ; journaliste à l’Humanité (1979-1999), dont il fut adjoint à la rédaction en chef après 1984.
Le père d’Arnaud Spire, Gilbert Spire, professeur de philosophie (ulmien), devint inspecteur général. De son mariage avec Marie-Rose Halphen, naquirent quatre enfants, dont Arnaud et Antoine.
Arnaud Spire entra en 7e au lycée Janson-de-Sailly, puis fit ses classes au lycée Pasteur (de Neuilly) de la 3e jusqu’au baccalauréat, qu’il passa en 1955. Après une année de propédeutique à la Sorbonne, il s’inscrivit à l’École de marine marchande, où il accomplit deux stages. En 1957, il résilia son sursis et accomplit son service militaire dans la Marine nationale. Versé contre son gré (il ne voulait pas être dans une unité de combat) dans les fusiliers marins, il dénonça publiquement, après un massacre commis dans un village, l’amiral Pontchardier. Cantonné dans un centre de « regroupés », il fut dénoncé à la Sécurité navale pour complicité dans une évasion. Après avoir été torturé, il fut emprisonné à Tlemcen, puis à l’Amirauté d’Alger.
Après les événements de mai 1958, le nouveau secrétaire à la Marine, Antoine Weil, ami de son père, permit le transfert d’Arnaud Spire à Toulon, où il noua des contacts avec ses codétenus algériens. Libéré en octobre 1959, il épousa à Toulon Micheline Chabanne et ils eurent une fille, en avril 1960, Marie-Ange.
Démobilisé, Arnaud Spire vint à Paris et trouva un premier emploi comme commercial dans une firme américaine, Macy’s-New York (SA, France). Politiquement, il flottait entre PCF et PSU. Depuis avril 1960, il militait pour « L’Algérie algérienne » et, peu après, contre l’OAS, s’engagea dans le Front d’action et de coordination des universitaires et des intellectuels pour un rassemblement antifasciste (FACUIRAF), dont il devint secrétaire administratif. A ce titre, en mars 1962, il convoya un envoi de médicaments pour les combattants algériens. Il resta en Algérie et fut nommé, sous le pseudonyme de Si Hafid, par le FLN responsable administratif de la santé dans la zone autonome d’Alger (sous les ordres du capitaine Ali Lounici). Il essaya d’adhérer au PCA, mais cette adhésion demeura sans suite.
Lorsque, en juillet 1962, la zone autonome d’Alger fut absorbée par la willaya 4, Arnaud Spire partit à Bône : il y fut chargé par le commandant Si Chabou de recruter, pour les élections, des candidats parmi les Français progressistes. Comme il ne repéra guère que des communistes, il fut muté, à Bugeaud, où il devint directeur de l’enseignement à l’École des cadets de la révolution.
A la fin de 1962, Arnaud Spire entra à Alger républicain, deux mois d’abord comme documentaliste, puis à la rubrique de politique extérieure, signant ses articles sous le pseudonyme d’Abd-el-Kader Saïdi. Il adhéra au PCA, mais aussi au FLN, qui l’affecta à la Commission nationale du travail volontaire (pour le reboisement des forêts brûlées au napalm). En octobre 1963, lui fut attribuée la nationalité algérienne. Ayant repris ses études (licence de philosophie, achevée à Paris en 1967), il fut nommé maître-assistant de littérature au lycée de Blida, travaillant à mi-temps pour Alger républicain.
Après le coup d’État du 19 juin 1965 et l’interdiction d’Alger républicain, Arnaud Spire milita clandestinement dans l’Organisation de résistance populaire (ORP). Arrêté, torturé, il fut, grâce notamment à une active campagne en France, expulsé à la fin de septembre 1965. Il gagna alors sa vie comme professeur de philosophie dans l’enseignement privé et passa en 1968 un DES portant sur « les prémisses de la dialectique dans la pensée de Descartes ». Il épousa en secondes noces Claudette Chevalier, et ils eurent deux enfants, Nadia (avril 1967) et Boris (mai 1969). Depuis 1973, il vécut avec Michèle Castillon, avec qui il eut un fils, Nazim (avril 1977).
Arnaud Spire milita activement dans le PCF, appartenant en 1966 au secrétariat de la section XVe-Lecourbe, puis devint secrétaire en 1967 d’une des 3 sections d’Aubervilliers. A la faveur des événements de 1968, il redonna vie au syndicat CGT de l’enseignement privé. Depuis l’automne 1974, il travailla à la commission Éducation du PCF. En 1974, il déménagea pour préparer les élections municipales et fut secrétaire de section à Noisy-le-Grand.
Licencié en 1974 pour ses activités syndicales, Arnaud Spire entra à La Nouvelle Critique, comme secrétaire général, puis, de 1975 à 1979, comme secrétaire général de la rédaction (secondant François Hincker). Entre autres, il effectua le premier reportage en république Sarahouie, qui fut publié en livre par le PC libanais.
Après la disparition, en décembre 1979, de La Nouvelle Critique (fondation de Révolution), Arnaud Spire finit sa carrière journalistique à l’Humanité : il fut d’abord l’adjoint de Jean-Paul Jouary à la rubrique « Culture » ; après 1981, il assuma la responsabilité de la rubrique « Idées », lançant de longs entretiens avec des intellectuels de renom ; de 1984 à juin 1998 (date où il se retira pour cause de maladie, avant sa retraite, datant du 1er juillet 1999), il fut adjoint à la rédaction en chef.
Arnaud Spire participa très activement aux travaux de l’IRM et d’Espaces Marx, notamment à de nombreux colloques : à Berlin en 1987, avec Francette Lazard* (« Marx et la paix »), à Cavtat en 1988 (« Sous le drapeau du socialisme »), à Moscou, en 1989, avec François Hilsum (« La presse communiste et de libération nationale »).
Arnaud Spire resta jusqu’à nos jours un militant actif : CDH depuis 1967, membre du comité fédéral de Seine-et-Marne depuis 1981.
Par Claude Willard
ŒUVRE : Outre de très nombreux articles, Giscard et les idées, (en collaboration, Éditions sociales, 1980. — Éloge de la politique, (en collaboration), Éditions sociales, 1981. — Invitation à la philosophie marxiste, (en collaboration), Messidor, 1983. — Le coup d’État continue, Mitterrand et les institutions, (en collaboration), Messidor, 1985. — Penser les révolutions, (tous ces ouvrages en collaboration avec Jean-Paul Jouary. — Lénine, l’éternel retour du concret, Messidor, 1991. — Grammaire du pluralisme, (en collaboration), Scanéditions, 1993. — Servitudes et grandeurs du cynisme, (en collaboration), Desclée de Brouwer, 1997. — La pensée-Prigogine, Desclée de Brouwer, 1999. — Marx, cet inconnu, Desclée de Brouwer, 1999.
SOURCES : L’Humanité et le Monde, 29 septembre 1965. — Les Torturés d’El-Harrach, Éditions de Minuit, 1966, p. 110-112. — Pierre Vidal-Naquet, Mémoires, T. II, Seuil, 1996, p. 189. — Henri Alleg, (en collaboration), La grande aventure d’Alger républicain, Messidor, 1987, p. 224. — F. Matonti, « Les dirigeants de la Nouvelle Critique », Le Mouvement social, n° 186. — Interview réalisée en septembre 1999.