LUTZ Charles [militant familial]

Par François Igersheim

Né en 1907, mort le 11 décembre 1984 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; commerçant papetier à Strasbourg ; militant familial, président de l’Association générale des familles du Bas-Rhin (1948-1972) ; président de la CAF de Strasbourg (1948-1972) ; conseiller municipal MRP puis UDF de Strasbourg (1959-1972).

Charles Lutz prit part à la fondation de l’Association générale des familles du Bas-Rhin, en 1946, en application de l’ordonnance de 1945 et des décrets de 1946 sur la reconnaissance des associations familiales. Il assura alors la trésorerie de l’AGF, sous la présidence de l’avocat Vincent Meyer, qui fut nommé président de l’UDAF dès 1946, du banquier Fred Maurer (Jeune Alsace) et d’Alexandre Jesel ( Jeune Alsace propagande), tous deux anciens des unités de « la Résistance alsacienne ».

La représentation de l’AGF auprès des pouvoirs publics est assurée par Charles Lutz et Cécile Kuhn, désignés comme administrateurs de la Caisse primaire de sécurité sociale de Strasbourg en 1946. La loi d’octobre 1946 prévoit cependant pour 1947 l’élection des administrateurs auprès des caisses de sécurité sociale et d’allocations familiales, dans un collège salarié, employeurs, et travailleurs indépendants. L’AGF s’allia avec la CFTC dans le collège salarié, avec les chambres consulaires et les organismes patronaux dans le collège employeurs, mais fut en mesure de présenter une liste propre dans le collège « travailleurs indépendants », dont la tête de liste est Charles Lutz. Les alliances contractées assurent aux listes communes 8 sièges sur 18 à la Caisse primaire et 7 sur 12 à la CAF. La CFTC prit la présidence des Caisses de sécurité sociale (Maladie), et l’AGF celle des CAF (Lutz président, Vincent Meyer –UDAF et Caisse Régionale). Ces partages furent reconduits en 1950, 1955 et 1962.

En 1948, l’AGF fusionna avec l’Association des familles nombreuses (présidée par Cécile Kuhn, conseillère municipale MRP). Dès 1946, l’AGF, interconfessionnelle, encouragée par les Églises catholiques (chanoine Bourgeois) et protestantes (pasteur Gerst) compta 10 000 familles. Elle était structurée en sections locales, nombreuses à Strasbourg, mais fut implantée également dans les villes du département où elle obtint tout comme à Strasbourg, l’installation de Maisons de la famille. L’AGF s’organisa en commissions : ravitaillement, logement (responsables, les architectes Herrenschmidt et Dopf, l’avocat Marcel Rudloff), pouponnières et crèches, loisirs et maisons de vacances, aide aux ménagères (en particulier par le placement de jeunes filles de la campagne). En 1951 fut créée une commission de la fiscalité. En liaison avec les élus des Caisses d’allocations familiales, l’AGF fonde également des « Secrétariats familiaux » animés par des assistantes sociales. Elle agit pour la défense du taux des allocations familiales, en utilisant les marges d’autonomie de la CAF. Elle procéda aux enquêtes sur le coût de la vie qu’elle publie dans son périodique, et sera ultérieurement (avec d’autres) à l’origine des Chambres de Consommation d’Alsace. La préoccupation des loisirs des jeunes hors temps scolaire, dans la journée mais surtout pendant les vacances, aux périodes où les parents travaillent, l’encouragèrent à mettre sur pied l’organisation du « Rallye des gosses » (à partir de 1963), qui accueillit 1 000 enfants par jour pendant les « petites » et les « grandes » vacances. L’AGF avait un bulletin de liaison, le périodique Familles d’Alsace, dont le rédacteur en chef était Alexandre Jésel et le rédacteur en chef adjoint Constant Geiger (tous deux anciens des réseaux de la « Résistance alsacienne »). L’AGF très marquée par les convictions religieuses de ses fondateurs et l’influence qu’y exerça les cultes reconnus, défendit une conception morale de la famille, fondée sur « le mariage, cellule d’affection et de transmission de valeurs d’honnête homme », conforme aux orientations de la Confédération Générale des Familles. L’AGF milita pour la reconnaissance du travail de la femme au foyer, mais admit que le travail de la femme pouvait être « un facteur d’épanouissement ». Les évolutions sociales la conduisent également à changer de position sur la contraception : elle prit position pour la loi Neuwirth en 1967, malgré les déchirements que cela entraîne pour nombre de ses animateurs qui se veulent « militants du syndicalisme familial ». Notion clairement définie quand a commencé leur vie militante, mais qui l’est moins quand elle se termine, avec l’arrivée à l’âge adulte de leurs propres enfants. Leur action se prolongea donc sur les terrains qu’ils ont défrichés : le crédit familial et mutualiste, le syndicalisme de la consommation, les équipements du temps libre, les encadrements modernes de l’enfance et de la jeunesse... Mais leur terrain principal, celui de la famille, investi par les institutions de protection sociale, les CAF, a fini par les absorber totalement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article141591, notice LUTZ Charles [militant familial] par François Igersheim , version mise en ligne le 28 août 2012, dernière modification le 28 août 2012.

Par François Igersheim

SOURCES : Archives privées de l’AGF, exposition sur le Mouvement Familial préparée par les documentalistes de l’AGF. — Familles d’Alsace. — Gaëlle Doumers, L’AGF : une association familiale bas-rhinoise (1946 – 1966), Maitrise d’histoire, Strasbourg, 2000, résumée dans Chantiers historiques en Alsace, N° 5, 2001.

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