Par René Gallissot, Abderrahim Taleb-Bendiab
Sage femme ; vice-présidente de l’Association des étudiants Musulmans d’Afrique du Nord (1947) ; présidente de l’Union nationale des femmes algériennes à l’indépendance.
Connue comme la fille d’un important responsable du mouvement messaliste, trésorier du MNA passé au FLN, Mamia Abdelli est plus connue encore sous son nom de femme, Mme Chentouf, pour être devenue à l’indépendance, présidente de l’Union nationale des femmes algériennes. Mamia Abdelli n’en est pas moins par elle-même une figure du syndicalisme étudiant et une militante de l’émancipation féminine.
Son père, ancien gendarme, venu de la région de Tlemcen à Alger, fut membre du Comité directeur du MTLD en 1947. Dans la crise du mouvement nationaliste, il reste proche de Abdallah Filali* et longtemps fidèle à Messali qui en a fait le trésorier en Algérie de son parti le MNA créé en décembre 1954. Aïssa Abdelli est exclu du MNA en septembre 1961 pour avoir rallié avec la trésorerie, le FLN et la guerre de libération. Pour Mamia Abdelli, les études sont traversées par les contrecoups de la vie militante. Devenue sage-femme et exerçant dans l’action sociale en quartiers populaires, elle fait partie du tout petit nombre de jeunes femmes, comme son amie Kheira Bouayed, qui s’activent dans les organisations du MTLD et se retrouvent à l’Université d’Alger avec les étudiants en médecine progressistes et nationalistes algériens, une minorité rare mais animée par une ferveur intellectuelle et politique.
Dès 1943-1944, elle se trouvait engagée dans le mouvement des Amis du manifeste de la liberté ; en Mai 1945, elle participe aux manifestations de masses algériennes à Alger, brutalement réprimées, notamment rue d’Isly, et qui sont l’occasion de la terrible répression à Sétif et dans le Constantinois. En 1946, elle est élue vice-présidente de l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord où elle défend la présence des femmes ; en 1947, elle participe à la création de l’organisation féminine du MTLD qu’elle anime : l’Association des femmes musulmanes algériennes. L’appellation de « Musulmanes » correspond au statut qui discrimine en droit, la population dite indigène qui se revendique comme peuple algérien ; Mamia Abdelli lutte et pour la mixité et pour l’égalité des droits. Dans les années de clandestinité, elle fait partie des équipes médicales qui soignent les blessés, en particulier dans le quartier de la Casbah.
À l’indépendance, par-delà sa place emblématique à la présidence de l’Union des femmes, Mamia Chentouf reprend sa formation intellectuelle à l’Institut d’Études politiques d’Alger ; je peux témoigner de sa liberté d’esprit.
Par René Gallissot, Abderrahim Taleb-Bendiab
SOURCE : B. Stora, Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens, op. cit.