BOUIS Casimir, Dominique [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né le 3 septembre 1843 à Toulon (Var), mort le 7 octobre 1916 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; marié ; avocat puis journaliste, il écrivit en 1870-71 dans La Patrie en danger et Le Cri du Peuple ; socialiste de tendance blanquiste exilé aux États-Unis sous le Second Empire ; communard, déporté en Nouvelle-Calédonie.

Par son père négociant en meubles, Bouis appartenait à la petite bourgeoisie toulonnaise. En 1862, il vint à Paris faire son droit tout en gagnant sa vie comme clerc d’huissier, mais la littérature l’intéressait davantage. Lorsqu’il eut obtenu sa licence, il regagna Toulon et y exerça pendant trois ans la profession d’avocat, et l’on trouve son nom (avec son titre d’avocat), parmi ceux d’autres personnalités républicaines et libérales toulonnaises, sur la liste des membres d’un cercle dit « de l’Industrie », qui fut autorisé le 31 août 1865.
Puis il préféra revenir à Paris et y fréquenta les milieux d’étudiants blanquistes. Il habitait, 13, boulevard Beaumarchais (IVe arr.) et, peu avant la guerre, envoyait des articles à L’Égalité de Marseille. Il collabora également à L’Excommunié de Lyon, avec Regnard, de Ponnat, A. Verlière et Henri Place.
Il semblerait que Casimir Bouis se soit peu après exilé aux États-Unis. Parmi les démocrates avancés français réfugiés dans ce pays figurait en effet à la fin des années 1860 un certain Casimir Bouisse, membre de l’Union républicaine de langue française demeurant à Leavenworth (Kansas). En avril 1870, il était en liaison épistolaire avec le Bulletin de l’Union républicaine et il tentait apparemment de monter une section locale de l’URLF à Leavenworth. Il y a tout lieu de penser qu’il s’agissait en fait de Casimir Bouis. La disparition de toute mention de son nom dans les colonnes du Bulletin après avril 1870 pourrait accréditer l’idée que, sentant l’imminence de la chute de l’Empire, Auguste Blanqui décida de rappeler auprès de lui tous ses fidèles, au premier rang desquels Flotte et Bouis, qui avaient émigré outre-Atlantique.

Durant le Siège de Paris, Casimir Bouis s’engagea dans la Garde nationale ; il écrivait dans La Patrie en danger et dénonçait, aux côtés des monarchistes et d’une minorité de républicains socialistes, les « républicains bâtards dont l’idéal élastique va aussi aisément de Jules Favre à Gambetta et de Thiers à Trochu, que de la République de février 48 à la République de septembre 70 [..] Ils sont républicains jusqu’à la République sociale — exclusivement [..] Ce sont des bourgeois fourvoyés, bourgeois de naissance ou bourgeois de nature, qui ont horreur de la Populace — et qui répondent à coups de fusil à ces revendications sociales qui sont la véritable Révolution. »
En tant que délégué des vingt arrondissements, il avait été un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer « la trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! »
Il ne fut pas élu à la Commune, mais écrivit dans Le Cri du Peuple de Vallès des articles violents. Il fut président de la commission d’enquête nommée par la Commune en vue de publier les documents, papiers, pièces et dépêches concernant le gouvernement du 4 septembre.

Cherchant à gagner la Belgique avec un faux passeport au lendemain de la chute de la Commune, Casimir Bouis fut arrêté et traduit devant le 4e conseil de guerre et fut condamné, le 19 décembre 1871, à la déportation dans une enceinte fortifiée et expédié en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, sa peine fut commuée, dès le 18 mars 1872, en déportation simple. Le 16 juillet 1873, il obtint l’autorisation d’habiter la Grande Terre, mais une tentative d’évasion le fit réintégrer à l’île des Pins (4 mai 1875). Désormais ses notes de déportation furent bonnes : on le représentait occupé uniquement de lecture ; sa peine fut ramenée le 31 décembre 1878 à dix ans et demi de détention et remise en 1879 ; il fut ramené à Port-Vendres par la Picardie.

Dès le mois d’octobre 1879, on vit Casimir Bouis accueillir Blanqui à Toulon ; il l’accompagna ensuite à La Seyne, puis à Cuers, bourgade républicaine avancée où les idées socialistes étaient déjà répandues (Benjamin Flotte était originaire de cette commune), et où un banquet fut offert au vieux lutteur. Peu après, Casimir Bouis y donna une conférence au profit du Congrès ouvrier de Marseille.
C’est également de Cuers que fut lancée, lors des élections législatives de 1881, la candidature socialiste de Casimir Bouis dans la 2e circonscription de l’arrondissement de Toulon. Majoritaire à Cuers, il n’obtint que 1 590 voix dans l’ensemble de la circonscription, arrivant loin derrière le candidat radical Auguste Maurel, qui fut élu au premier tour par 5 840 voix. Bouis abandonna dès lors la politique pour la littérature.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article160821, notice BOUIS Casimir, Dominique [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 2 juillet 2014, dernière modification le 24 août 2020.

Par Michel Cordillot

OEUVRES : (Journaux) collaboration à La Patrie en Danger et au Cri du Peuple ; (Livres) Calottes et Soutanes, Paris, 1870, Librairie internationale (dirigé surtout contre les Jésuites) ; Après le naufrage, Toulon, 1880 (poésies politiques dédiées à V. Hugo, où s’entrecroisent des influences littéraires diverses ; elles décrivent les paysages de l’exil, mais disent aussi la pensée blanquiste).

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/735 ; Arch. Min. Guerre, 4e conseil ; Arch. Dép. Var, 2 M 3/32, 4 M 41/1, 8 M 16/23 ; État civil de Toulon ; Bulletin de l’Union républicaine, avril 1870 ; Le Socialiste, 23 avril 1870 ; Journal Officiel de la Commune (réimpression), Paris, V. Bunel, 1874, p. 275 ; Paul Delion, Les Membres de la Commune et du Comité central, Paris, Lemerre, 1871, p. 253-254 ; Larousse du XIXe siècle, 2e supplément ; Polybiblion, déc. 1916, p. 325, d’après J. Balteau, M. Barroux, M. Prévost, R. d’Aman, T. de Morembert, Dictionnaire de Biographie française, Paris, Letouzey, 1933 sq., tome VI, p. 1335 ; Parti socialiste SFIO ; Fédération du Var, Historique de la Fédération [..], Toulon, 1925, p. 10 ; Georges Laronze, Histoire de la Commune de 1871, Paris, Payot, 1928, p. 379 et 424 ; Maurice Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire à la fin du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1960 ; CDRom Maitron ; Charles Clerc, Les Républicains de langue française aux Etats-Unis, 1848-1871, Thèse, Univ. Paris XIII, 2001, p. 356. — La Sociale, 7 mai 1871. — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.

fiches auteur-e-s
Version imprimable