BENEDETTO André

Par Olivier Neveux

Né le 14 juillet 1934 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 13 juillet 2009 ; auteur dramatique, acteur, fondateur de la Nouvelle compagnie d’Avignon.

André Benedetto naquit à Marseille, d’un père cadre des transports et d’une mère femme au foyer. À l’issue de sa scolarité et de ses études, il devint instituteur ; il fonda en 1961 la Nouvelle Compagnie d’Avignon avec sa femme Jacqueline et Bertrand Hurault. En 1963, ils investirent ce qui est encore aujourd’hui le lieu de création et de représentation de la compagnie : la salle Saint-Benoît, rebaptisée « le Théâtre des Carmes ». Entre 1961 et 1966, la Nouvelle Compagnie monta Tchekhov, une adaptation libre de la pièce d’Eschyle Les Perses, Beckett (En attendant Godot), Arrabal (Cérémonie pour un Noir Assassiné) et, en 1963, le premier texte d’André Benedetto, Le Pilote d’Hiroshima (celui des trois qui signala les bonnes conditions météo sur Hiroshima), puis, en 1965, Les Voyous. En 1966, André Benedetto publia dans la revue de la compagnie Soirées, créée en 1965, un « Manifeste » de rupture avec le théâtre tel qu’il se pratiquait : « Poussés à bout par le spectacle de l’injustice, de la misère matérielle et morale, de l’indifférence, de la solitude et de l’angoisse / Avec l’expérience d’êtres qui ont aussi chanté leur couplet dans la farce culturelle pour peut-être se faire une bonne conscience, et se fabriquer des alibis, NOUS JETONS AU MONDE CE MANIFESTE qui est une semonce et pas un cri d’alarme, qui est un cri de ralliement et pas un appel au secours ». La même année, il créa Statues durant le Festival d’Avignon, première représentation d’un spectacle hors de la programmation officielle. On lui attribua dès lors la paternité du « festival Off ». En 1967, sa pièce Napalm traitait directement de la guerre du Vietnam et de la responsabilité américaine.
L’année 1968 fut une importante pour André Benedetto : outre les événements auxquels il participa, il créa Zone Rouge Feux interdits (« un théâtre-arme, révolutionnaire, de subversion : un théâtre de guérilla » comme indiqué en couverture du texte édité), pièce écrite en décembre 1967, avant le mois de Mai, et représentée en juin. André Benedetto fut un auteur prolixe : il écrivit et monta ensuite Le petit train de monsieur Kamodé (Grand jeu sur le KApitalisme Monopoliste D’État [...] prenant pour exemple le démantelement des voies ferrées) puis Emballage, Le Havre 1970, Alexandre Zacharie l’homme qui ne possède rien que lui-même se vend, parabole marxiste et pédagogique attachée à la représentation des phénomènes économiques. C’est à l’initiative de Bernard Mounier, directeur de la Maison de la Culture du Havre, qu’il écrivit cette pièce et partit pour cela travailler dans cette ville avec des comités d’entreprises. Étudiant la pièce d’Armand Salacrou* sur le syndicaliste Jules Durand (Boulevard Durand), il interrogeait les modalités d’une représentation d’un travailleur en 1969. En 1972, P.-J. Oswald, son éditeur attitré, réédita Urgent, crier (publié par Robert Morel en 1967) dont le titre dit assez la nécessité dans laquelle s’inscrivait son activité publique d’auteur et de comédien. Parallèlement à ce travail d’écriture, André Benedetto participa et impulsa un grand nombre d’activités et de manifestations protestataires dans la ville d’Avignon : soutien à des grévistes, parades, lectures de poèmes, soirées de soutien, etc. Il s’inspira librement des figures de la Révolution russe (Alexandra Kollontaï, Alexandra K), allemande (Rosa Luxembourg, Rosa Lux), et ne cessa avec son théâtre de mener bataille... Son inspiration, directement issue de l’histoire et des espérances communistes, embrassait au-delà des chapelles et des partis. Sa revue Soirées, éditée par le théâtre des Carmes se fit l’écho des nombreux débats qui animaient les acteurs et la compagnie, des influences qui irriguent le travail. Elle témoignait aussi d’un effort constant pour mener de front activités militantes, travail poétique et tentative de théorisation de l’acte théâtral : quelle est sa valeur ? sa force ? que représente le jeu d’un acteur ?
À partir de 1973, André Benedetto s’attacha à un nouveau thème d’inspiration : l’Occitanie, redécouverte à l’occasion de A Bec et à Griffes en 1971 et de La Contradiction dans l’oeuf et L’Oeuf dans la Contradiction en 1972 (La Madone des ordures, Pourquoi et Comment on a fait un assassin de Gaston D., Esclarmonda, Géronimo). Néanmoins, son écriture, tout en défendant la culture occitane, ne cessa, à travers ce prisme, d’interroger le monde, la lutte des classes et les affrontements internationaux. Il mena un travail dans les villes avec de grandes reconstitutions là aussi toutes personnelles, entre la fête et la commémoration (au présent) de ce qui fut, des luttes qui avaient fondé l’identité du peuple et de l’Occitanie. Ainsi à Montauban, avec le soutien de Félix Castan, en 1974, il présenta Le Siège de Montauban, en 1976, Les Drapiers Jacobins et, en 1979, Pique-Nique au Moulin d’Ardus. Avec Ville à vif, en 1978, c’est Avignon, sept ans après un premier travail (A Bec et à griffes), qui devint à la fois l’espace et le thème des « spectacles », ces créations mêlant alors aux acteurs professionnels les Avignonnais. L’expérience se reproduisit ailleurs, en 1976, à Bègles ou à Orsay-les-Ulis.
À partir de 1981, le théâtre d’André Benedetto devint moins fréquemment et explicitement militant, un concept qu’il ne cessait d’interroger comme celui d’engagement. Néanmoins des pièces telles que Djebel Amour (1983) sur la guerre d’Algérie, Jaurès la voix (1984), Le Monde est là Mandela (1987) ou Nous les Eureupéens (1992) perpétuaient l’inspiration directement politique de son œuvre. En 1999, il fut candidat en position inéligible (73e position) sur la liste « Bouge l’Europe » présentée par le Parti communiste français et menée par Robert Hue aux élections européennes. Ce « compagnon de doute », comme il se définissait à cette occasion dans le mensuel Regards, pour la première fois mais de manière symbolique, participait ainsi à la vie électorale. En 2002, lors du Festival d’Avignon, il présenta une pièce Le jeune homme exposé (Éditions Jacques Brémond) directement inspirée de la mort du jeune Carlo Giuliani lors des manifestations de Gênes contre le sommet du G8 en juillet 2001.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16227, notice BENEDETTO André par Olivier Neveux, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 18 octobre 2019.

Par Olivier Neveux

ŒUVRE : Une bibliographie exhaustive de ses textes jusqu’en 1998, introduite par Brian George et présentée par André Benedetto clôt le long dossier consacré au dramaturge dans Auteurs en scène. Théâtre d’Oc... et d’ailleurs, numéro 3, décembre 1998-janvier 1999, Éditions Théâtre des treize vents, Les Presses du Languedoc. — La majeure partie des pièces d’André Benedetto a été publiée, jusqu’en 1976 aux Éditions P.-J Oswald ou dans la revue Soirées. Depuis, outre un grand nombre de textes inédits, ses pièces ont été essentiellement éditées par les Éditions Périphéries et par Jacques Brémond. — De nombreux textes sur le théâtre sont disponibles sur le site : http://perso.wanadoo.fr/forum.theatre.

SOURCES : Françoise Kourilsky, « Entretien avec André Benedetto. Dossier sur la nouvelle compagnie d’Avignon et manifeste de 1966 », Travail théâtral, n° 5, octobre-décembre 1971, Lausanne, La Cité. — Lesley Kathryne Ferris, The theater of André Benedetto and la Nouvelle Compagnie d’Avignon in search of a working class esthetic1961-1977, University of Minnesota. Ph.D. 1979. — Michèle Fourton, Le problème du héros populaire dans le théâtre d’André Benedetto, Université de Paris VII, 1978. — Yves Gaston Henri Falk, André Benedetto et la problématique d’un théâtre différent, Thesis submitted in partial fulfillment of the requirement for the degree of doctor of Philosophy Brown University, June 1979. — Brian George, The work of André Benedetto at the Theatre des Carmes, Avignon, 1961-1991, Thesis submitted to the University of Wales in candidature of doctor of philosophy ; département of french, University College Swansea, décembre 1995. — Entretiens avec André Benedetto.

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