PÉPIN [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par François Fourn

Communiste icarien, correspondant du Populaire de Cabet ; chef du départ de Bordeaux ; fit défection peu après son arrivée aux États-Unis.

Communiste icarien, miroitier à Périgueux (Dordogne), correspondant du Populaire de Cabet dans cette ville à partir de 1843, Pépin fut à ce titre chargé d’organiser toutes les activités de propagande des militants icariens dans la région. Il organisa en particulier la distribution des prospectus de Cabet à Cahors, Thiviers, etc...

Pépin fut l’un des militants icariens de province les plus actifs. Il signa et fit signer plus de dix adresses publiée dans le Populaire de Cabet entre 1843 et 1848 (elles recueillirent chacune de quinze à cinquante signatures), et il collecta des fonds pour les souscriptions lancées par Cabet en 1845-1846. En 1846, il y avait 54 abonnés au Populaire dans la seule ville de Périgueux, et 76 pour le département. Ses relations avec Cabet étant très chaleureuses, Pépin fut très tôt informé des projets d’émigration icarienne en Amérique. La correspondance entre les deux hommes tendrait même à laisser croire que Pépin fut en grande partie à l’origine de l’idée de Cabet.

En 1848, Pépin fit partie du bureau du Comité républicain du Cercle de la Comédie (ancien comité électoral de l’opposition de gauche de l’arrondissement sous la monarchie de Juillet) et du club des Travailleurs, présidé par Eugène Lapeyrière, marchand de fer, et Charles Audebert. Ce club fusionna avec le club des communistes icariens que dirigeait l’avocat Rémondie. Ce dernier était assisté du peintre Berthet, du fumiste Ducret, du plafonnier Carcassonne, du teinturier Brix et de Pépin lui-même. L’organisation qui résulta de la fusion fut présidée par l’avoué Villemonte.

Quelques mois plus tard, Pépin fut l’organisateur et le chef du départ de Bordeaux (56 partants). Lui-même partit avec son épouse, leur cinq enfants et une domestique. Le 14 octobre 1848, les 40 adultes qui s’apprêtaient à partir signèrent un engagement solennel : « Persistez-vous à déclarer que vous connaissez parfaitement le système, la doctrine, les principes de la communauté icarienne ? (...) Vous sentez-vous la force et l’inébranlable volonté de vous dévouer pour la réalisation de la Fraternité et de la Communauté ? Vous dévouez-vous pour l’intérêt et le bonheur des Femmes et des Enfants, des masses opprimées par la misère et l’ignorance ? (...) êtes-vous bien convaincus que votre premier intérêt et votre premier devoir envers la communauté sont l’Union, la Concorde, la Tolérance et l’Indulgence des uns envers les autres, l’Ordre, la Discipline et l’Unité ? (...) Les soussignés répondent affirmativement à chacune de ces questions, et souscrivent librement à tous les engagements ci-dessus. » Le 21, alors que le départ était imminent, Pépin écrivait encore à Cabet : « Adieu cher Cabet, je vous embrasse de tout cœur et vous pouvez compter que le courage ne me faillira pas, dans aucune circonstance. » Un correspondant de la Démocratie pacifique décrivit ainsi leur embarquement : « En marchant processionnellement et dans le plus grand silence, ils ont gagné la cale rase, où les attendaient une galère et un petit bateau décoré de plusieurs pavillons. Quelques partisans de la République sociale leur servaient d’escorte. (...) Puis l’un des chefs se tournant vers la foule (...) s’est écrié : ‘Nous sommes des exilés volontaires qui allons, sous la garde de Dieu, à la conquête de la liberté.’ Cette petite harangue a été suivie de cris : Vivent les communistes ! Vivent les icariens ! Vive Cabet ! Vive la République sociale ! Puis les barques ont pris le large pour rejoindre le Cabot. (...) On a remarqué généralement la conduite de ces émigrants, qui paraissent d’honnêtes ouvriers, et de bons pères de famille. Leurs chapeaux blancs à large bords, et leurs paletots de velours noir sont assez pittoresques. Les femmes portaient toutes un chapeau de paille entouré de rubans bleus, elles étaient généralement fort jeunes et fort jolies. »

Le Cabot prit la mer le 25 octobre 1848. Très rapidement, de fortes dissensions apparurent au sein du groupe qu’il emportait ; les rêves de fraternité tournèrent en quelques heures au cauchemar, si bien que la plupart des Icariens membres de ce départ, à commencer par Pépin lui-même, devinrent dès leur arrivée à La Nouvelle-Orléans (Louisiane) de farouches opposants au communisme de Cabet. Sept seulement demeurèrent fidèles à Cabet : Savariau fils, Barrié et sa femme, Fouché, Montaldo, Roy et A. Tabuteau (voir ces noms).

Dans le but d’éviter toute violence, Pépin estima devoir rembourser les apports de tous ceux qui l’accompagnaient. Lui-même tenta de s’établir à son compte dans cette ville en utilisant les 5 000 F que Cabet lui avait confiés ; mais dès le mois de février 1849, il décida de retourner en France.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article165079, notice PÉPIN [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par François Fourn, version mise en ligne le 27 septembre 2014, dernière modification le 27 septembre 2014.

Par François Fourn

SOURCES : BN, Nafr. 18 148, Papiers Cabet, ff. 132-133 et 135-183 pour les premiers contacts entre Cabet Pépin ; Nafr. 18 151, ff. 136 à 177 et f. 212 ; Le Populaire de 1841, 1er octobre, 8 octobre, 15 octobre, 22 octobre 1848, 18 février, 1er juillet 1849 entre autres ; La Démocratie pacifique, 21 octobre 1848 ; G. Rocal, 1848 en Dordogne, Paris, [1933] ; Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet, Paris, Cornély & cie, 1907 ; Christopher H. Johnson, Utopian Communism in France. Cabet and the Icarians, 1839-1851, Ithaca, Cornell University Press, 1974 ; Note de Michel Cordillot.

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