STOCKI Edmond

Par Françoise Prusiewicz, Madeleine Singer

Né le 19 février 1915 à Habinghorst (Allemagne, province de Westphalie), mort le 2 avril 1999 à La-Buissière (Pas-de-Calais), aujourd’hui Bruay-La Buissière ; ouvrier mineur ; permanent syndical ; président de la Fédération des mineurs CFDT de 1965 à 1972.

Edmond Stocki était le second des trois enfants d’Antoine Stocki, Polonais, qui avait émigré en Westphalie pour trouver du travail dans les mines. Celui-ci avait épousé en 1912 Anna Swiathy, d’origine rurale comme lui. La famille retourna en Pologne en 1919. Mais n’ayant pas de travail, Antoine Stocki rejoignit en 1924 son frère qui travaillait dans les mines à Houdain (Pas-de-Calais). Il vint en France l’année suivante ; un troisième enfant naquit deux ans plus tard. Edmond Stocki, qui avait fait quatre ans d’école primaire en Pologne, fréquenta pendant deux ans l’école primaire d’Houdain ; il en sortit sans obtenir le certificat d’études primaires bien qu’il fût le premier de sa classe.

Oisif et désœuvré, il erra dans les rues et les marchés jusqu’à son embauche comme galibot à la fosse n° 6 d’Haillicourt (Pas-de-Calais) en août 1928. Il passa par toutes les phases de la profession et termina comme ouvrier qualifié chargé de l’abattage du charbon. Mais auparavant la guerre était survenue : engagé en 1939 dans les troupes polonaises, il devint caporal. Fait prisonnier à Saint-Dié (Vosges), il fut envoyé au stalag de Ludwigsburg, près de Stuttgart (Allemagne). Il travailla ensuite dans une usine textile et fut renvoyé en France le samedi de Pâques 1941 pour reprendre son poste à la fosse 6 d’Haillicourt. Il s’engagea aussitôt dans la Résistance polonaise et en septembre 1944, sous-officier dans l’armée polonaise sous commandement britannique, il fut chargé du reclassement des militaires jusqu’en janvier 1948. Il reprit ensuite son travail à la mine d’Haillicourt : en 1951, après vingt-tois ans de fond, il fut reconnu silicosé à 15 %.

Il entama alors une carrière de permanent syndical qui le conduisit au-delà de l’âge de la retraite du mineur qu’il prit en 1968. Il avait épousé en janvier 1938 Hélène Wlodarski qui lui donna deux enfants : une fille, Danièle, née le 31 janvier 1943 et décédée le 10 janvier 1996, et un fils, Georges, né le 26 juin 1947, médecin de la Sécurité sociale minière de Bruay-la-Buissière. En 1949, tous deux acquirent la nationalité française car Edmond Stocki n’avait plus l’intention de retourner en Pologne à cause de l’instauration du régime communiste. Il déclara qu’il avait ainsi deux patries : une patrie d’accueil et une patrie sentimentale, car il souhaitait la victoire de la Pologne lors d’un match de football France-Pologne.

Edmond Stocki qui avait peu connu son père durant sa petite enfance, fut surtout marqué par l’influence de sa mère très catholique. Entré en 1927 chez les scouts polonais dont la devise était « Honneur et patrie », il gravit tous les échelons du scoutisme dont il fut le responsable régional jusqu’en 1939 ; il avait participé en 1933 au rassemblement Jamboree des scouts en Hongrie.

C’est un beau-frère qui lui fit découvrir le syndicalisme : le 25 janvier 1948 il lui proposa de l’accompagner à une réunion de la section polonaise des mineurs rattachée au syndicat des mineurs CFTC de Lens (Pas-de-Calais). Cette réunion qui se tint au bar Polski de Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais) amena Edmond Stocki à se syndiquer. Dès 1951 il assuma les responsabilités de permanent pour la section polonaise des mineurs CFTC de la région Nord-Pas-de-Calais ; tous les lundis il se rendait à Lens, au siège syndical, pour participer à la commission exécutive.
Maîtrisant le polonais, sa langue maternelle, grâce aux journaux de l’époque, Narodowice et Wiarus Polski, il avait appris le français à l’école et l’allemand en captivité. Aussi, en 1955, il devint secrétaire permanent pour les sections de mineurs d’Auchel (Pas-de-Calais) et de Bruay, tout en continuant à s’occuper des sections polonaises pour aider ceux des mineurs qui ne parlaient pas français. Une fois par mois, il publiait une rubrique en polonais dans L’Écho des mines. Dévoué et déterminé, il ne ménagea ni son temps, ni sa peine. Il participa à de nombreuses actions et interventions dans le souci de défendre l’intérêt des mineurs. En mars 1962, il fit partie de la délégation CFTC (Stocki, Malecki, Guillot, Izydorczyk) qui se rendit à la direction du bassin à Douai (Nord) pour examiner les conséquences de la fusion en perspective des bassins d’Auchel et de Bruay. Le 19 avril 1962 des discussions sur les salaires reprirent avec la direction des charbonnages ; les propositions étant dérisoires, la CFTC déclencha une grève. Celle-ci commença à la fin de février 1963 et dura jusqu’au 19 avril 1963. Ce fut une grève populaire qui eut le soutien de certains éléments de la hiérarchie catholique, voire même de certains élus UNR (Union pour la nouvelle République). Dans L’Écho des mines du 4 novembre 1963, Edmond Stocki informa les lecteurs sur les dangers qui menaçaient leur profession : « Comment les directions des Houillères démantèlent progressivement la profession minière. »

Le 6 novembre 1964 Edmond Stocki mena la délégation des mineurs du groupe Auchel-Bruay avec Jules Van Parys et Léonce Vilain au congrès confédéral extraordinaire réuni pour décider de l’évolution de la CFTC. 70,11 % des suffrages se prononcèrent en faveur de la continuation de la CFTC dans la CFDT, mais au sein de la Fédération des mineurs, seule la section d’Auchel-Bruay fut favorable en majorité à cette transformation. Une période douloureuse s’ouvrit alors pour Edmond Stocki, soucieux de maintenir l’unité de tous les militants avec lesquels il avait mené le combat syndical. Il essaya en vain de rencontrer Joseph Sauty afin d’éviter la scission. Il se sépara en pleurant des camarades de toujours et créa avec détermination une section des mineurs CFDT pour le secteur Auchel-Bruay, « brèche dans la forteresse de Joseph Sauty », dit-il. Cette section tint son assemblée générale le 10 janvier 1965. Un congrès fédéral des mineurs CFDT eut lieu en octobre 1965 et Edmond Stocki fut élu président de la fédération ; jusqu’en 1972, il assuma cette responsabilité avec compétence, habileté, sens de la négociation, tolérance et détermination.

Edmond Stocki s’intéressa en même temps à la Sécurité sociale. Élu au conseil d’administration de la Société de secours minier de Bruay-la-Buissière le 5 novembre 1964, il en fut le président et siégea en même temps au conseil d’administration de l’Union régionale minière à Lens ainsi qu’à la Caisse autonome à Paris. Il fut en outre président de la CARCOM (Caisse de retraite complémentaire des ouvriers mineurs) de 1976 à 1977. Victime en 1977 d’un infarctus, il dut abandonner ces responsabilités et demeura seulement au conseil d’administration de la Caisse de Bruay jusqu’en 1982.

Titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de guerre, il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1974, sur proposition de Laurent Lucas, alors président de la CFDT. Parlant le polonais, l’allemand et le français, ce fut son action qui permit à la CFDT de maintenir son audience chez les mineurs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173188, notice STOCKI Edmond par Françoise Prusiewicz, Madeleine Singer, version mise en ligne le 23 mai 2015, dernière modification le 23 mai 2015.

Par Françoise Prusiewicz, Madeleine Singer

SOURCES : Entretiens de Françoise Prusiewicz avec Edmond Stocki, 26 mars 1998 et 21 octobre 1998. — Christine Bard, Paroles de militants, Lille, 1990. — L’Écho des mines. — Allocution de Joseph Malecki prononcée lors des funérailles d’Edmond Stocki, Houdain, 6 avril 1999. — Lettre de Joseph Malecki à Madeleine Singer, 28 juillet 2004. — État civil.

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