DÉTRÉ Jacques, Marie, François, Pierre, Léon

Par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

Né le 10 octobre 1910 à Reims (Marne), mort des suites de tortures à la prison de Reims le 30 décembre 1943 ; industriel ; résistant ; CDLR ; FFI.

Jacques Détré
Jacques Détré

Jacques Détré était le fils de Jean Marie Félix Ernest Détré, teinturier apprêteur, et de Marie Louise Léonie Verdun, sans profession. Il avait épousé Geneviève Andrée Marie Henriette Bénard le 1er février 1938 à Paris (VIIe arr.) et le couple était domicilié à Reims (Marne).

Licencié ès sciences et diplômé des Hautes études industrielles (HEI) de la Faculté catholique de Lille après des études secondaires au collège Saint-Joseph de Reims, Jacques Détré était à la veille de la 2e guerre mondiale secrétaire général du Groupement interprofessionnel des syndicats patronaux de Reims et de la région (GISPR), un organisme fondé et présidé par Pierre Bouchez, dont le siège était implanté 10, place Godinot. Il animait l’Alliance corporative des industries et commerces textiles de Reims et de la région, dont il a été un des fondateurs. Il était aussi le secrétaire des Jeunes patrons et de l’Union textile de Reims. Ces responsabilités le conduisirent à compléter sa formation par des études de droit et à se lancer en 1939 dans la préparation d’une thèse de doctorat.

En septembre 1939, Jacques Détré fut mobilisé comme lieutenant d’artillerie à Mourmelon (Marne), puis à Vitry-le-François (Marne), où il commandait une batterie de DCA. En mai-juin 1940, sa conduite lui valut d’être cité à l’ordre de la division et décoré de la Croix de guerre.
Démobilisé, Jacques Détré rentra à Reims où il retrouva Pierre Bouchez qui appartenait au réseau de renseignement SR Kléber, pour lequel travaillait également le gendarme Édouard Charlot.
Il était aussi en relation avec Pierre Grandremy et le docteur Jean Quentin, responsables de Ceux de la Résistance (CDLR), avec André Schneiter, chef du Bureau des opérations aériennes (BOA) dans l’arrondissement de Reims, avec Henri Bertin, chef départemental de plusieurs mouvements de résistance.
À la mi-décembre 1943, Pierre Bouchez devenu chef départemental des Forces françaises de l’intérieur (FFI) demanda à Jacques Détré, alors responsable CDLR de l’arrondissement de Reims, de transférer un dépôt d’armes dans une usine désaffectée appartenant à son père, Chaussée Bocquaine à Reims.
Le transfert s’effectua dans une camionnette prêtée par Louis Paillard, lieutenant du Génie, qui commandait une unité installée au Château de la Malle à Saint-Brice (Marne). Le chauffeur, André Gruson, une fois le transfert accompli, déposa Jacques Détré dont il ne connaissait pas le nom à son domicile, place Godinot.
Peu de temps après ce transfert, le poste qui émettait vers Londres depuis le Château de la Malle à Saint-Brice fut repéré par un véhicule radiogoniométrique allemand. Louis Paillard et André Gruson furent arrêtés et interrogés par la Gestapo. Gruson finit par parler.
Le 28 décembre 1943, la Gestapo lança une vaste opération de répression contre les équipes CDLR-BOA de Gueux et de Reims qui a abouti à plusieurs arrestations. À Reims, Pierre Schneiter, frère d’André Schneiter, et Jacques Détré furent interpellés à leur domicile et emmenés au siège de la Gestapo. Pierre Bouchez et André Schneiter parvinrent à s’échapper et passèrent à la la clandestinité.
Jacques Détré qui se trouvait dans son appartement à l’étage, alerté par l’irruption de la Gestapo au rez-de-chaussée, aurait pu lui aussi se soustraire à l’arrestation et s’échapper par la cour de l’immeuble, mais il choisit délibérément de se livrer pour éviter toute action de représailles contre son père, propriétaire de l’usine où avait été transféré le dépôt d’armes et de munitions découvert par la Gestapo.
Affreusement torturé, Jacques Détré ne parla pas. Il agonisa au cours de la nuit du 29 au 30 décembre 1943 dans sa cellule de la prison Robespierre, où il fut retrouvé mort au matin du 30 décembre.

La mort de Jacques Détré suscita une immense émotion au sein de la population rémoise et ses obsèques à la cathédrale de Reims, le 6 janvier 1944, rassemblèrent plusieurs milliers de personnes en présence des autorités de Vichy, le sous-préfet et le maire adjoint de Reims entouré des conseillers municipaux, et de nombreux notables rémois, résistants et vichystes confondus.
Les autorités allemandes d’occupation, très embarrassées, autorisèrent L’Éclaireur de l’Est et Le Nord-Est, les deux seuls quotidiens autorisés à paraître sous le contrôle de la Propagandastaffel, à publier un bref communiqué relatant ses obsèques à condition de ne rien dire des causes de sa mort.

Jacques Détré a été inhumé au cimetière du Nord à Reims où la tombe familiale porte l’inscription : « Lieutenant d’artillerie-Mort pour la France ».

Jacques Détré a été reconnu « Mort pour la France » et il a été homologué FFI. Le titre d’Interné-résistant lui a été décerné, ainsi que la Médaille de la Résistance avec rosette par décret du 26 avril 1946, publié au JO du 17 mai 1946.

Le 30 octobre 1944, le Groupement interprofessionnel des syndicats patronaux de Reims et de sa région a apposé sur la porte de la salle de réunion de son siège, place Godinot, une plaque en hommage à Jacques Détré. Cette plaque a été transférée 5, boulevard Foch au siège du MEDEF, où est également conservée la photographie de Jacques Détré, accompagnée d’une citation signée par Pierre Bouchez.

Les archives de la famille Détré conservent la photographie d’une plaque commémorative aujourd’hui disparue « À la mémoire des jeunes patrons de la section de Reims morts pour la France » sur laquelle figure Jacques Détré « assassiné par la Gestapo le 30 décembre 1943 ».
À Reims, une plaque commémorative a été apposée en 1947 par la municipalité à son domicile 10, place Godinot, et sa mémoire est honorée en plusieurs endroits, au Tennis Club, à la Maison diocésaine Saint Sixte et sur le Monument aux martyrs de la Résistance et de la Déportation.
Une rue du quartier Croix-Rouge porte son nom depuis 1971.
Le nom de Jacques Détré est également gravé sur le monument à la Résistance de Chenay (Marne), village où il aimait se rendre dans la maison de campagne familiale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176099, notice DÉTRÉ Jacques, Marie, François, Pierre, Léon par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson, version mise en ligne le 28 octobre 2015, dernière modification le 26 avril 2022.

Par Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

Jacques Détré
Jacques Détré
Les obsèques de Jacques Détré</br> dans la cathédrale de Reims
Les obsèques de Jacques Détré
dans la cathédrale de Reims
SOURCE :
Photographies communiquées par sa sœur Anne-Marie Fortin
Dans le quartier Croix-Rouge
Dans le quartier Croix-Rouge
Dans le cloître</br>de la Maison diocésaine Saint-Sixte
Dans le cloître
de la Maison diocésaine Saint-Sixte
Au Tennis-Club
Au Tennis-Club
5, boulevard Foch au siège du MEDEF
5, boulevard Foch au siège du MEDEF
Sur le monument aux martyrs de la Résistance
Sur le monument aux martyrs de la Résistance
10, place Godinot
10, place Godinot
Dans le cimetière du Nord à Reims
Dans le cimetière du Nord à Reims
À Chenay
À Chenay
SOURCE : 
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson

SOURCES : AVCC, Caen, AC 21P 118 978 et 634 289. – SHD, Vincennes, GR 16 P 181685. – Arch. départ. Marne, M 4774. – Arch. COSOR de la Marne. – Arch. munic. Reims, Fonds Marquet, 9 S 1. — L’Éclaireur de l’Est, 5 et 7 janvier 1944. – L’Union, 14 novembre 1945.– Anne-Marie Fortin-Détré, Jacques Détré 10 octobre 1910-30 décembre 1943. Sa vie exemplaire et sa mort héroïque, Paris, éditions Fontfor, 2010. – Jocelyne et Jean-Pierre Husson, " Jacques Détré, résistant rémois torturé à mort par la Gestapo ", dossier en ligne sur le site « Histoire et mémoires », CRDP-Académie de Reims, 2000-2016. – Jean-Pierre et Jocelyne Husson, La Résistance dans la Marne, dvd-rom, AERI-Fondation de la Résistance et CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2013. – État civil, Reims (acte de naissance, acte de décès en attente)

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable