POIRIER Georges

Par Philippe Lecler

Né le 16 octobre 1883 à Mézières (Ardennes), mort des suites de tortures le 4 juin 1944 dans la prison de Charleville (Ardennes) ; ingénieur et industriel ; résistant, membre de l’Organisation civile et militaire (OCM) et des FFC (réseau Action D).

Fils d’un horloger de Mézières, ingénieur et industriel en cette localité, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, Georges Poirier avait déjà 57 ans lorsque les Allemands occupèrent la France. Rien ne prédisposait ce bourgeois tranquille au travail clandestin, et pourtant. Les Allemands ayant réquisitionné à leur profit son domicile, il laissa sa famille et ses enfants les plus jeunes sur les lieux où les avaient conduits l’exode, dans une villa louée à Coutainville (Manche). Rentré dans les Ardennes, il loua une maison à Mézières qu’il occupa avec ses deux grands fils, André et Jacques. André quitta la France au mois de mars 1941 pour rejoindre les Forces françaises libres (FFL) en Angleterre (il fut pilote de chasse dans l’escadrille « Alsace » de la RAF), Georges et Jacques Poirier intégrèrent le groupe de l’OCM de Charleville dirigé par Paul Royaux.
Les documents que nous possédons sur son activité nous permettent de dresser le portrait d’un homme à l’énergie débordante et d’un infatigable organisateur de la lutte clandestine.
Adjoint du chef régional du Bureau des opérations aériennes (BOA), Henri Moreau, avec lequel il recherchait des terrains de parachutages afin d’armer les groupes de patriotes, il mit en place des relais d’où pouvaient émettre les opérateurs radio envoyés de Londres : on note leur présence à Poix-Terron, à Omont, au château de Maison-Rouge, à La Moncelle, aux Hauts-Buttés. Mais les opérateurs travaillaient le plus souvent à Mézières même, au domicile de Georges Poirier chez qui ils étaient hébergés. Sans doute sa fonction l’a-t-elle amenée à s’occuper de collecter et transmettre des renseignements au profit des Alliés, comme le laisse supposer son rattachement au réseau Centurie B en qualité de chargé de mission de 3e classe à compter du 18 novembre 1943 (date de son arrestation par la police allemande).
Poirier constitua de dépôts d’armes et d’explosifs, notamment après le parachutage de septembre 1943 aux Hauts-Buttés. Il semble aussi qu’il fut l’interlocuteur de l’OCM auprès du groupe franco-belge affilié au réseau du Special operations executive (SOE) Prosper/PHYSICIAN, et le responsable des dépôts d’armes constitués par ce biais au bénéfice de la résistance ardennaise à Origny-en-Thiérache, dans l’Aisne.
Georges Poirier fut arrêté à son domicile par la Sipo-SD de Charleville le 18 novembre 1943, après la découverte à Paris de documents concernant les effectifs du mouvement OCM en zone Nord et le vaste coup de filet opéré par la police allemande dans les milieux résistants (affaire Roland Farjon). Il fut mis en accusation devant le tribunal de guerre allemand à Charleville le 15 janvier 1944, avec certains de ses compagnons pour avoir « détenu illégalement des armes à feu, des munitions et autres engins de guerre », « avoir caché chez lui un prisonnier de guerre, l’avoir hébergé chez lui, et aidé de toute autre façon » (il s’agissait d’André, dont l’appareil avait été abattu au-dessus de la France lors d’une mission) et « avoir détenu illégalement des émetteurs radio ».
Contrairement à ses compagnons d’infortune, dont Robert Coispine et René Bouré qui ont été fusillés un mois plus tard, il ne fut pas jugé lors de l’audience du tribunal militaire allemand qui se tint le 27 janvier 1944. À cette date, il avait été transféré de la prison de Charleville à celle de Saint-Quentin (Aisne), puis il fut ensuite incarcéré un temps à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne).
Il fut ramené à Charleville le 23 mai 1944 et enfermé dans la cellule des condamnés à mort de la prison, place Carnot. George Poirier est, selon la notification qui en a été faite aux autorités françaises par la Feldkommandantur de Charleville, « décédé le 4 juin 1944 à la prison militaire de Charleville, de faiblesse générale ».
Un des prisonniers livra ce témoignage : « George Poirier mourut dans la cellule des condamnés à mort sans pouvoir prononcer une seule parole. Et sans pouvoir écrire un seul mot. L’aumônier allemand qui l’assista à ses dernières minutes rapporta aux prêtres français que le malheureux n’avait même pas eu la force de faire son signe de croix et encore moins de se confesser… » (Pol Roynette). Il a vraisemblablement succombé aux conséquences des tortures qui lui avaient été infligées.
Son corps ne fut jamais rendu à sa famille qui resta dans l’ignorance des conditions et du lieu de son inhumation.
Après la guerre, la Commission Nationale d’Homologation des grades FFI le promut au rang de Capitaine et déclara que l’indication « Mort pour la France » pouvait être remplacée par la mention « Disparu ».
Homologué forces françaises combattantes (FFC), déportés et internés de la résistance (DIR), forces françaises de l’intérieur (FFI) ; Nom du réseau des forces françaises combattantes ACTION D
Son nom est inscrit sur le Mémorial de Berthaucourt à Charleville-Mézières. Un boulevard de Charleville-Mézières porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176531, notice POIRIER Georges par Philippe Lecler, version mise en ligne le 5 novembre 2015, dernière modification le 16 mars 2021.

Par Philippe Lecler

SOURCES : DAVCC, Caen.— SHD, DIMI, Bureau résistance.— ONACVG des Ardennes. — Archives familiales Mme Monique Poirier-Letenneur, Agon-Coutainville (Manche). — Philippe Lecler, Le temps des partisans, éditions D. Guéniot, Langres, 2009.— Philippe Lecler, Mémorial de Berthaucourt, la Résistance et sa répression dans les Ardennes, éditions D. Guéniot, Langres, 2009.— J. Vadon, Les Ardennes dans la guerre (1939-1945), éditions Horvath, 1985. — Mémoire des Hommes. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 483513 et Vincennes SHD/ GR 28 P 11 92 (nc). — Notice modifiée par Dominique Tantin (mars 2021).

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