FOUILLERON Louis [FOUILLERON Laurent, Pierre, dit]

Par Léon Strauss

Né le 12 novembre 1889 à Montbrison (Loire), mort le 23 février 1980 à Colmar (Haut-Rhin) ; instituteur dans la Loire puis dans le Haut-Rhin, puis chef d’établissement ; franc-maçon ; militant du parti socialiste SFIO, du SNI, de la Ligue des droits de l’Homme,du PSU, du PS ; maire de Guebwiller (Haut-Rhin) de 1929 à 1934 ; résistant dans le Rhône, la Loire et le Tarn.

Fils de François Gabriel Fouilleron, coiffeur, et de Jeanne Françoise née Bertholet, Louis Fouilleron, après sa sortie de l’Ecole normale d’instituteurs de Montbrison (1906-1909), fut nommé instituteur à Lorette (Loire) puis à Lésigneux (1912) après avoir été réformé lors de son service militaire (octobre 1910-août 1912). Il partit en Allemagne (Leipzig, Halle) car il voulait préparer une licence d’allemand. De 1912 à 1914, il enseigna le français à l’École de perfectionnement des apprentis de Mulhouse (Haute-Alsace, Alsace-Lorraine).

Le 26 écembre 1913, Louis Fouilleron se maria à Soultz (Haute-Alsace, Haut-Rhin) avec Jeanne Moehlinger dont le père était un vétéran de 1870-1971. Le couple eut un enfant. Quand la guerre éclata, le 3 août 1914, citoyen ennemi, il fut interné par les autorités allemandes au camp de Donaueschingen (Bade), où sa femme séjourna également six mois avant d’être expulsée vers la France. Évadé et repris, il fut envoyé au camp disciplinaire de Luchtenhorst. Libéré le 3 août 1918, il fut bloqué à Rastatt (Bade) jusqu’à l’armistice. Nommé en 1918-1919 instituteur au Bessat (Loire), il demanda un poste dans le Haut-Rhin « recouvré ». Sa nomination à Soultz, commune de son épouse, fut annulée à la demande du curé car il manifestait déjà un anticléricalisme militant. Il enseigna à Saint Amarin et à Thann à partir de mars 1919, puis à l’École de perfectionnement de Guebwiller.

Militant du Groupement professionnel des enseignants du Haut-Rhin dirigé notamment par le clérical Joseph Rossé, Louis Fouilleron suivit Lucien Boulanger* en 1920-1921 lors de la scission des instituteurs laïcs venus de « l’intérieur » qui fondèrent « La Fraternelle, section départementale du Syndicat national des instituteurs ». Il avait adhéré le 3 décembre 1919 au parti socialiste SFIO et fit campagne pour l’introduction des lois laïques en Alsace et en Moselle. En 1923, il entra au Grand-Orient de France et fut reçu à la loge La Fidélité de Colmar. Dès janvier 1920, l’abbé Wetterlé, député du Haut-Rhin, avait demandé sa révocation. En 1921, il partit pour l’Allemagne pour préparer le certificat d’aptitude au professorat des langues vivantes, qu’il réussit en 1924. Il enseigna comme répétiteur puis comme professeur adjoint au lycée français de Mayence (1923-1925), ville occupée par l’armée française. Il y fonda une section de la Ligue des droits de l’Homme, ainsi que le Cercle républicain Jean Bon Saint-André pour soutenir le Cartel des Gauches. Il organisa un meeting pour la paix avec des orateurs français et allemands, tels Rudolf Breitscheid, Ferdinand Buisson et Salomon Grumbach*. Il avait été sans succès candidat dans le Haut-Rhin aux élections législatives de 1924 et aux cantonales de 1925 (à Soultz).

En 1925, Fouilleron fut muté comme professeur de classes élémentaires au lycée de Mulhouse, puis obtint, en 1928, un poste de chargé d’enseignement littéraire et commercial à l’école primaire supérieure de Guebwiller, ville où il avait été élu au conseil municipal en 1925 et dont il devint premier adjoint le 13 décembre 1926. Il demanda un détachement de février 1933 à septembre 1934 avant de retrouver un poste d’instituteur à l’EPS. En 1929, la liste socialiste qu’il conduisait arriva en tête et il fut élu maire de cette ville ouvrière avec l’appoint des voix des industriels protestants. En 1930-1932, une série de procès l’opposa à l’autonomiste Rossé et à ses journaux qui l’avaient accusé d’avoir employé l’expression « salauds d’Alsace » lors d’une réunion électorale à Colmar. Le journaliste Jean Weiss le traita d’« envoyé de la Loge pour semer la perfidie dans nos départements ». Aux élections législatives de 1932, il fut candidat à Guebwiller pour la SFIO, mais, en dépit des progrès considérables de la SFIO, il fut battu par le sortant UPR, syndicaliste chrétien, Camille Bilger*.

Louis Fouilleron entra en lutte ouverte avec les dispositions du statut local en refusant que sa fille, candidate au concours d’entrée à l’École normale, passe l’épreuve obligatoire de religion. En 1932, pour financer le fonds de chômage communal, il utilisa une avance de 4 600 000 francs des Fonderies de Pont-à-Mousson au Syndicat d’adduction des eaux de Guebwiller, Ensisheim et environs. Imprudemment, il chercha à les faire fructifier en achetant des droits à dommages de guerre. Germain-Martin, ministre des Finances du gouvernement Doumergue, refusa de valider cette spéculation municipale : un décret du 23 octobre 1934 révoqua Louis Fouilleron de ses fonctions de maire de Guebwiller. Peu auparavant, il avait été battu dès le premier tour des cantonales.

Le 14 mars 1935, avec son successeur très provisoire à la mairie, le communiste En juillet 1935, il anima encore le comité de lutte contre le fascisme de Guebwiller avec son successeur éphémère à la mairie, le communiste Louis Bréchot*, il organisa une contre-manifestation à l’occasion d’une réunion de Croix de Feu qui se termina par une échauffourée avec les gardes mobiles et aboutit à la révocation de Bréchot. Avec ce dernier, il animait encore en juillet 1935 le comité local de lutte contre le fascisme.

Le conseil municipal UPR-démocrates, élu en mai 1935, exigea du recteur de Strasbourg son départ de Guebwiller ; il fut muté au lycée de Mulhouse, mais ne put y prendre ses fonctions devant les oppositions locales et les protestations de parents d’élèves qui le qualifiaient d’« agitateur politique ». Il fut finalement nommé en classe élémentaire au lycée Fustel-de-Coulanges à Strasbourg. Dans cette ville, il organisa une section du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Représentant de l’Office régional du blé, il intervint à une conférence de la fédération SFIO du Bas-Rhin sur la question agricole le 24 janvier 1937. Le 3 décembre 1936, il démissionna du Grand-Orient. En 1938, il militait à la section de Strasbourg du Centre de liaison des travailleurs immigrés. Les communistes l’accusaient alors de « favoriser le jeu de la IVe Internationale trotskyste ». Pendant les années 1930, Marcel Déat* écrivit plusieurs lettres de recommandations au ministère. Il présenta au congrès fédéral de la SFIO du 11 décembre 1938 une résolution sur le problème de la paix, en faveur d’un rassemblement national avec les forces vraiment démocratiques.

Louis Fouilleron fut nommé à Paris en juillet 1939, pour enseigner à temps partiel les mathématiques au lycée Condorcet, puis à partir de novembre 1939 au lycée Pasteur à Neuilly. Cette affectation avait été obtenue par Grumbach, secrétaire du groupe parlementaire franco-anglais, qui avait besoin d’un collaborateur. Pour la rentrée d’octobre 1940, il fut nommé à l’École primaire supérieure de Montbrison. Ses discours anti-vichystes et antinazis, raillant la collaboration, après dénonciation par le directeur de l’EPS en décembre 1940, conduisirent le 10 mars 1941 à sa mutation d’office au collège de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Cette mesure ayant été jugée illégale, il fut nommé en octobre 1941 au lycée Ampère à Lyon pour enseigner dans les classes élémentaires. Il Il participa à divers mouvements de résistance dans la région lyonnaise : France-Liberté, Le Coq enchaîné, Le Franc-Tireur. À la recherche de terrains de parachutage, à la tête d’un groupe de résistants, il fut arrêté par la police de Vichy le 21 (ou le 25) août 1942, puis interné au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux, enfin à celui de Saint-Sulpice-la-Pointe. Son dénonciateur s’étant rétracté, il fut relâché le 23 novembre 1943. Il devint alors l’adjoint du chef des Mouvements unis de Résistance de la Loire. Poursuivi par la Gestapo, il se réfugia, le 2 mai 1944, dans le Tarn, où l’inspecteur d’Académie, favorable à la Résistance, qui avait été son collègue à Mulhouse, lui confia une classe d’enfants réfugiés à Cordes. En juin 1944, il gagna le maquis du Tarn. De retour à Montbrison, il participa aux Comités local et départemental de Libération, au titre du Mouvement de libération nationale, représentant le CDL au comité de confiscation des profits illicites.

Après la guerre, nommé au lycée Montaigne à Paris (1945-1946), recommandé à plusieurs reprises par le député socialiste Marcel-Edmond Naegelen*, Fouilleron fut mis à la disposition du Ministère des Affaires étrangères et détaché en Sarre comme contrôleur de l’enseignement dans le cercle d’Ottweiler (1946-1949) avant de faire fonction de principal du collège français de Berlin (1949-1953), puis de devenir principal de celui de Constance (1954- 1955). Il y milita pour que l’école française joue un rôle dans le rapprochement Franco-Allemand. Il fut réintégré dans la Franc-Maçonnerie à la loge française Jean Bon Saint-André à Mayence le 19 décembre 1948. Retiré à Soultz, il milita à la SFIO (dont il fut candidat aux législatives de 1958 à Guebwiller-Munster). En décembre 1956, il avait dénoncé auprès d’André Philip*, « la bureaucratie de Guy Mollet* ». Il adhéra au PSU en 1961 et y devint secrétaire de la section de Soultz, membre de la CEF du Haut-Rhin et du CPN (en 1965).

Ultérieurement , il adhéra au Nouveau Parti socialiste. Dans une conférence de 1976, il opposa la critique du capitalisme, telle qu’elle apparaissait dans certains textes pontificaux, au conservatisme social de l’évêque de Strasbourg, Mgr Elchinger. Il était chevalier de la Légion d’Honneur, médaillé de la Résistance, officier de l’Instruction publique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article18254, notice FOUILLERON Louis [FOUILLERON Laurent, Pierre, dit] par Léon Strauss, version mise en ligne le 30 octobre 2008, dernière modification le 15 mai 2011.

Par Léon Strauss

SOURCES : Arch. Nat., F/17 26496 et 27352 (dépouillés par J. Girault). — Arch. Dép. Bas-Rhin, 98 AL (ex-paquet 670), 121 AL 871. — Lettres de Louis Fouilleron à Léon Strauss (1976-1979). — Arch. Nat., F22, 783. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 98 AL ( ex-paquet 670), 121 AL 871 – Arch. Nat. F22, 783, F/1cII/563, 625 AP4, papiers André Philip – CAC, 20010216/95, n°2723/2 ; 20010216/114/3037 – Arch. A.Seurat- Arch. de l’OURS, dossiers Haut-Rhin-Fichiers adhérents du PSU Nouveau dictionnaire de Biographie alsacienne, fascicule n° 11, p. 999-1000, Strasbourg, 1988 (cite de nombreux articles de la presse régionale entre 1920 et 1976). — Alban Vistel, La Nuit sans Ombre, Paris, 1970. — Dominique Veillon, Le Franc-Tireur, Paris, 1977. — Le Monde, 29 février 1980. — Monique Luirard, La région stéphanoise dans la guerre et dans la paix, Saint-Étienne, 1980. — Notes de Jacques Girault et de Gilles Morin-

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