RABENORO (Irène et Mireille)

Par Françoise Blum

Nées en 1954 et 1953 ; enseignantes ; AEOM ; MFM (Mireille en est membre fondatrice) ; membres de l’AREMA et du MAREMA (Mouvement étudiant de l’AREMA ; Mireille est vice-présidente du Conseil national des femmes de Madagascar.

Mireille Rabenoro est née en 1953, Irène Rabenoro en 1954. Elles appartiennent à une grande famille malgache : elles sont les filles de Césaire Rabenoro et Georgette Ratsimihara. Césaire Rabenoro fut ambassadeur et ministre, président de l’Académie des Arts, des Lettres et des Sciences de Madagascar. Georgette était magistrate et terminera sa carrière comme présidente de chambre à la Cour suprême et présidente de la Formation de contrôle de la Cour suprême.

La famille passe trois ans à Londres de 1967 à 1970, où Césaire Rabenoro a été nommé ambassadeur. Les deux sœurs, ainsi que leurs deux frères aînés, vont alors au Lycée français de Londres. En 1970, Césaire Rabenoro est rappelé pour occuper le poste de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, puis ministre des Mines, de l’Industrie, du Commerce et du Ravitaillement et ministre de la Santé publique et de la Population, poste qu’il occupera jusqu’à la chute de Philibert Tsiranana en 1972.
Irène reprend donc une seconde à Antananarivo et Mireille une terminale, toutes les deux au Lycée Galliéni. Après le bac, Mireille fait une hypokhâgne puis une khâgne à Paris, au lycée Fénelon. En France, elle milite au sein de l’AEOM (Association des Etudiants d’origine malgache), ce qui l’a sensibilisée à la cause du parti marxiste Monima, impliqué dans le mouvement de libération nationale dans le sud en 1971, qui fut violemment réprimé. Mireille va rentrer au pays (en juin 1972) pour participer au mouvement des élèves et étudiants qui avait abouti en mai à la chute de Tsiranana et de la 1ère République malgache, ainsi que la réhabilitation du Monima qui avait été interdit depuis 1971.

Pendant la « Révolution de 1972 », autrement dit le « Mai malgache », Mireille et Irène participent très activement à la grève générale initiée par les étudiants et les lycéens. Bien que dans des comités différents, elles s’occupent toutes deux entre autres de la rédaction des tracts. Après l’arrivée au pouvoir du général Ramanantsoa, elles participent également activement à la préparation du congrès national qui doit avoir lieu en septembre 1972. Elles sont toutes deux opposées au référendum lancé par le Général Ramanantsoa pour asseoir son pouvoir. Après le congrès national qui ne fut en fait que l’ombre de ce que désiraient les étudiants - et donc, la fin du mouvement, Mireille reprend des études d’anglais en faculté et Irène passe, en 1973, son bac. Mais l’une et l’autre continuent à militer. Mireille est au parti marxiste MFM (Mpitolona ho an’ny Fanjakan’ny Madinika -Militants pour le pouvoir du prolétariat), récemment créé et dont elle est membre fondateur, et Irène au ZMM (Zatovo Mpianatra Mitolona – Jeunesse étudiante en lutte), sa branche estudiantine. Les deux sœurs donnent des cours d’alphabétisation aux enfants des quartiers pauvres d’Antananarivo. Elles font toutes deux l’objet de plusieurs arrestations, avant d’être jugées en 1973 (avec quelque 170 de leurs camarades) pour atteinte à la sureté de l’Etat et condamnées à 6 mois avec sursis. Après le procès, Mireille quitte le MFM alors qu’Irène en devient un des trois coordonnateurs pour Antananarivo. Elle restera au parti jusqu’en juin-juillet 1974, et le quitte sur une affaire personnelle. Les deux sœurs continuent néanmoins leurs études. Mais leur prise de distance par rapport à la politique ne va pas durer. Avec l’arrivée au pouvoir de Didier Ratsiraka, elles se réengagent. Mireille fait partie du groupe des enseignants-chercheurs de l’AREMA (Antoky ny Revolisiona Malagasy – Avant-garde de la Révolution Malgache), le parti créé par Ratsiraka en 1976, et jusqu’en 1992 de l’association des femmes de l’AREMA. Elle siège également dans un des conseils de quartier (les fokontany) mis alors en place par le pouvoir marxiste-léniniste. Après une licence d’anglais, puis une maîtrise en littérature américaine à l’Université de Madagascar, elle repart sur Paris, où elle obtient le Diplôme d’études approfondies en Littérature des Pays anglophones avant de rentrer définitivement et prendre un poste d’enseignante au Département de Langues Vivantes de l’Université de Madagascar qu’elle dirigera de 1978 à 1981, après avoir décroché l’agrégation d’anglais en 1979.

Irène de son côté part en France après une licence d’anglais obtenue à l’Université de Madagascar. Elle obtient auprès de l’Université Paris 7 le diplôme de maîtrise de traduction, un Diplôme d’études approfondies en sociolinguistique, puis le doctorat d’Etat ès-Lettres et Sciences humaines. Sa thèse est consacrée au vocabulaire politique malgache de Mai 1972 , avec pour corpus les tracts et les résolutions du congrès national. Elle rentre en 1978 à Madagascar, et obtient un poste d’enseignante d’anglais à l’université. Comme sa sœur, elle adhère au groupe des enseignants-chercheurs de l’AREMA en 1981. Elle donne des cours bénévoles aux étudiants de l’université, devenant de facto encadreur des MAREMA (organisation des étudiants de l’AREMA). Après un mouvement de grève universitaire en 1980-1981, mouvement auquel elle s’oppose vivement, elle est élue responsable de la Filière Anglais à l’université. Plus tard, elle dirige le Centre national d’enseignement de la langue anglaise (CNELA), puis crée la formation doctorale multidisciplinaire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Après avoir été conseillère technique du président de l’université, elle devient en 2005-2006 vice-présidente de l’université chargée des relations internationales, de la formation et de la recherche. Elle est également, sous la présidence de Marc Ravalomanana, conseillère technique du Premier ministre Jacques Sylla (2006-2007), et chef du projet malgacho-français « Appui au bilinguisme à Madagascar » (2005-2007). Elle est membre à titre personnel du Conseil scientifique de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) de 2006 à 2012. En mai 2007, elle prend les fonctions d’ambassadeur de Madagascar auprès de l’UNESCO et de Représentante personnelle du Président de la République de Madagascar. Elle reste au poste d’ambassadeur jusqu’en décembre 2010. Elle retourne ensuite à l’enseignement puis travaille à l’UNESCO à Addis Abeba puis au siège à Paris.

Mireille est, de 1991 à 1995, directrice de la condition de la femme et de l’enfance au ministère de la Population. En 1999, elle soutient un mémoire de maîtrise d’histoire sur Les rôles masculins et féminins dans l’éducation des jeunes à la vie familiale à Antananarivo, de 1945 à 1960, tout en enseignant à l’Ecole normale supérieure de l’Université d’Antananarivo et en continuant dans l’activisme féministe. Elle est responsable du secteur social dans la Cellule de planification, de suivi et d’évaluation du bureau du Premier ministre (Jacques Sylla de 2005 à 2007, Charles Rabemananjara de 2007 à 2009). Elle est aujourd’hui vice-présidente du Conseil National des Femmes de Madagascar et de FAWE Madagascar (Forum des Educatrices Africaines).

Depuis octobre 2016, elle est commissaire des droits de l’homme plus particulièrement chargée des droits de la femme au sein de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) de Madagascar, tout en poursuivant ses activités universitaires.

Mireille a été mariée à Gérard Rajaonson, décédé en 2007, dont elle a eu trois enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article188703, notice RABENORO (Irène et Mireille) par Françoise Blum, version mise en ligne le 16 janvier 2017, dernière modification le 16 janvier 2017.

Par Françoise Blum

Sources : entretiens avec Irène et Mireille Rabenoro

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