FLAMANT Jacques, Jean-Marie

Par Madeleine Singer

Né le 14 août 1930 à Tunis (Tunisie), mort le 11 janvier 2015 à Venelles (Bouches-du-Rhône) ; agrégé de lettres classiques ; membre du comité national du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) de 1960 à 1969, secrétaire académique de Montpellier (Hérault) de 1964 à 1969.

Jacques Flamant était le troisième des quatre enfants de Marcel Flamant, inspecteur de l’Enregistrement, détaché en Tunisie. Celui-ci y dirigea un Service du travail, devenu ensuite une Direction, puis un Ministère. Son dernier acte, avant de rejoindre en 1960 comme conservateur des hypothèques, son administration d’origine, les Finances, fut de remettre au président Habib Bourguiba un plan pour l’instauration d’une Sécurité sociale en Tunisie. « Pourquoi ne l’avez-vous pas fait plus tôt ? », lui fit remarquer Bourguiba en souriant. Marcel Flamant avait épousé Jeanne Tatin, professeur d’histoire et géographie, titularisée en qualité de bi-admissible à l’agrégation ; elle fut également détachée à Tunis où, jusqu’à sa retraite en 1960, elle enseigna au lycée de jeunes filles Jules-Ferry.

Jacques Flamant fit ses études primaires à l’annexe de l’École normale ; il se souvient d’avoir entendu, très jeune, son père citer la phrase d’Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège ». Il entra en Sixième au lycée Carnot, lycée français où il connut, dit-il, des maîtres remarquables qui le marquèrent jusque dans son enseignement. Reçu au baccalauréat en 1948, il demeura encore un an au lycée Carnot, dans une sorte d’hypokhâgne assez incomplète, après avoir hésité entre les sciences et les lettres. Il poursuivit sa préparation en khâgne à Paris pendant trois ans où il eut, « là encore, des maîtres exceptionnels : Laurent Michard, Jean Beaufret entre autres ». Il devint en 1951 boursier de licence en Sorbonne, vu son rang au concours d’entrée de l’ENS (Ulm) où il avait été admissible. Il obtint en 1952 la licence de lettres classiques, puis le DES et en 1954 l’agrégation. Il enseigna un mois et demi au lycée de Thionville (Moselle) et partit au service militaire d’où il ne revint qu’en mai 1957.

À son retour Jacques Flamant fut nommé au lycée de Nîmes (Gard) et, l’année suivante, au lycée Joffre de Montpellier (Hérault). Deux ans plus tard, il devint assistant de latin à la faculté des lettres de cette ville, puis maître-assistant, chargé d’enseignement et enfin en 1976 professeur de latin à l’université Paul Valéry de Montpellier où il prit sa retraite en 1996. Il avait soutenu en 1975 une thèse sur Macrobe et le néoplatonisme latin à la fin du IVe siècle. En 1955 il avait épousé Françoise Marrou, fille d’Henri-Irénée Marrou*, qu’il avait connue en Sorbonne ; elle était alors agrégative de russe et passa avec succès le concours pendant qu’il était au service militaire. Ils eurent six filles ; deux furent inspecteur du Trésor, les autres avocate, médecin, musicienne, professeur de mathématiques dans un Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM).

Dès ses débuts au lycée de Thionville, Jacques Flamant avait adhéré au SGEN. Il avait fait auparavant son stage d’agrégation au lycée Jacques Decour à Paris où il fit la connaissance de Jean Mousel*. Ce dernier, alors secrétaire national SGEN pour le Second degré, lui avait fait une forte impression par la qualité, l’intelligence de son enseignement. « C’est aussi un grand syndicaliste de la CFTC », lui avait-on dit. Par ailleurs Jacques Flamant fréquentait sa future belle- famille et était ébloui par H-I. Marrou ; il sut que celui- ci appartenait au SGEN et était le meilleur ami de Paul Vignaux* dont il ne fit la connaissance, semble-t-il, que l’année suivante, lors de son mariage. Lui et sa femme eurent avec Vignaux des relations d’amitié personnelle ; ce dernier, dit-il, était l’objet d’une admiration quasi-générale ; l’intelligence de ses interventions, l’acuité de ses vues, à quoi s’ajoutaient une espèce de naïveté et une fraîcheur juvénile, exerçaient une séduction incroyable.

En arrivant à Montpellier, Jacques Flamant se chargea du Second degré de l’académie. Deux ans plus tard, nommé en Faculté, il devint responsable SGEN pour l’Enseignement supérieur. Or en 1960, on était en pleine guerre d’Algérie. Il fut associé par la CFTC à toutes les manifestations, afin d’y représenter l’Enseignement supérieur. On le retrouva donc au meeting du 27 octobre 1960 : dans 45 villes de province ainsi qu’à Paris, il y eut ce jour-là à l’appel de l’UNEF, des assemblées intersyndicales réclamant la paix en Algérie. Celle de Montpellier, d’après Syndicalisme universitaire, réunit 3 000 personnes. Malgré la faiblesse, à cette époque, de l’effectif SGEN dans le Supérieur à Montpellier, Jacques Flamant réussissait à répercuter dans le quotidien régional, Le Midi libre, tous les communiqués nationaux du SGEN, notamment lorsque le putsch des quatre généraux à Alger, le samedi 22 avril 1961, amena un arrêt de travail d’une heure, le 24 avril, à l’appel de la CFTC, de la CGT, de la FEN et de l’UNEF.

Il en fut de même lorsque lesdites organisations lancèrent un arrêt de travail de quinze minutes, le 19 décembre 1961, pour alerter l’opinion publique sur le péril représenté par l’OAS (organisation armée secrète). Ce groupement, constitué par des partisans irréductibles de l’Algérie française, avait distribué ses premiers tracts au début de février 1961 et multipliait les attentats en Algérie comme en métropole. Le 26 février 1962, à 19 heures, le siège du SGEN rue d’Hauteville à Paris fut visé : la porte vola en éclats sans qu’il y eût de victime.

Jacques Flamant, ayant fait l’objet de menaces, fut gardé pendant deux mois par des militants ouvriers de la CFTC et plastiqué en mars-avril, dès qu’il leur eût demandé d’arrêter cette protection, très astreignante pour eux. La porte de sa villa fut pulvérisée et l’escalier intérieur broyé, mais il n’y eut pas de victime. La paix étant intervenue par les accords d’Évian en mars 1962, les mouvements sociaux reprirent. Lors d’une manifestation des viticulteurs le 12 novembre 1963 à Montpellier, plusieurs étudiants de cette ville furent arrêtés et condamnés à des peines de prison ferme. Comme le dit Syndicalisme universitaire, le gouvernement avait voulu faire porter, par des personnes étrangères au meeting, le poids d’une sévérité qu’il n’osait appliquer aux viticulteurs eux-mêmes. Les étudiants des facultés de Montpellier se mirent en grève pour trois jours, appuyés par leurs professeurs et spécialement les sections du SGEN-Sup. et du SNE- Sup. Le bureau académique SGEN où Jacques Flamant siégeait en qualité de représentant du Supérieur, délégua le responsable SGEN de la faculté des lettres au Comité pour la défense des libertés fondé à cette occasion.

Depuis 1960, Jacques Flamant était membre du comité national, ayant figuré sur la liste du secrétaire général, Paul Vignaux. Il y demeura en 1962 comme suppléant de Jean Barbotte*, secrétaire académique, puis à partir de 1964 en qualité de secrétaire académique, fonction qu’il exerça jusqu’en 1969. Il fut remplacé par Olivier Flandres, médecin, chef de travaux à la faculté de Médecine ; il souhaitait en effet habiter Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) où sa femme occupait depuis deux ans un poste de maître de conférence. Au comité national Jacques Flamant suivit de près pendant neuf ans les questions pédagogiques. Il était assidu aux commissions administratives de l’Enseignement supérieur sans qu’on pût toutefois déceler la part qu’il prit aux textes élaborés car les interventions des participants ne sont pas explicitées dans les comptes rendus de ces séances.
Sur le plan académique les tâches ne lui manquèrent pas. Il y eut à deux reprises (avril 1965, février 1969) des élections aux commissions administratives paritaires académiques (CAPA) : il fallut chaque fois trouver des candidats en nombre suffisant dans toutes les catégories, organiser la propagande, assurer le dépouillement des élections. Bien entendu il effectuait tout au long de l’année de nombreuses démarches pour les adhérents du secondaire et surtout du technique. En même temps il siégeait au bureau de l’Union départementale CFTC, devenue CFDT en novembre 1964. Or dans l’Hérault cette UD menait une action intelligente à laquelle il était associé. Elle entretenait de bonnes relations avec la CGT et FO. Elle incitait les réfugiés espagnols – venus en France pendant la guerre civile – à oublier leur volonté de vengeance. Vers 1965-1966, Jacques Flamant avait organisé une visite de Paul Vignaux* à Montpellier. Celui-ci, après avoir parlé devant les militants du Second degré et du Supérieur, devait rencontrer ceux de la CFDT. Trop fatigué pour l’accompagner, Jacques Flamant l’avait confié pour cette soirée au secrétaire de l’UD. Or le jeudi suivant, il croisa dans le local syndical des militants ouvriers de base qui lui dirent : « Ton Vignaux, c’est un type formidable, on n’a jamais vu ça ».

En 1968, Jacques Flamant se trouva dans une situation difficile car il y eut un phénomène d’ » entrisme » tant dans le Second degré que dans le Supérieur : des gauchistes que l’on n’avait jamais vus auparavant, venaient dans les réunions SGEN, en dénaturaient l’esprit et dénigraient l’action de Paul Vignaux*. Il fallait donc « tenir », résister à la tentation de démissionner, maintenir dans l’Enseignement supérieur la ligne définie par Vignaux. À partir de 1970, bien qu’il ne vînt plus à Montpellier que deux jours par semaine, il continua à participer activement à la vie de la section du SGEN-Supérieur. En 1970 il fut élu au titre du SGEN au comité national du CNRS ; figurant dans le collège B, section « civilisation classique », il y siégea jusqu’en 1975. Mais en 1974, avec O. Flandres et toute l’équipe SGEN du Supérieur à Montpellier, il quitta le Syndicat car il s’associa à la lettre de démission que Paul Vignaux envoya alors avec vingt membres de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, lettre que Le Monde publia le 6 mars 1974. Jaques Flamant avait été l’un de ces militants actifs que la rupture intervenue au sein du SGEN dans les années 1972 enleva à l’action syndicale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24687, notice FLAMANT Jacques, Jean-Marie par Madeleine Singer, version mise en ligne le 23 février 2009, dernière modification le 1er août 2021.

Par Madeleine Singer

ŒUVRE : outre la thèse éditée chez E. Brill, à Leyde (Hollande), un certain nombre d’articles, notamment Temps sacré et comput astronomique, colloque international du CNRS, 1981. — Un témoin intéressant de la théorie héliocentrique d’Héraclite du Pont, mélanges J. Vermaseren, 1978. — L’épitaphe d’Eutrope, évêque d’Orange, mélanges J. Fontaine, 1992, etc.

SOURCES : Madeleine Singer, Le SGEN 1937-1970, thèse, Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J1471) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987. ; Le SGEN. Des origines à nos jours, Le Cerf, 1993, collection « Histoire » (Arch. Dép. Nord, J1578). — Syndicalisme universitaire (1960-1974). — Réponse téléphonique du secrétariat du comité national du CNRS, 24 mai 1999. — Lettres de Jacques Flamant à Madeleine Singer, 5 septembre 1995, 14 mars 1999, 2 juin 1999 ; entretiens du 10 juin 1996, du 17 mars 1999 (Arch. privées).

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