Par Notice revue et complétée par Christine Planté
Née vers 1800, morte dans la nuit du 3 au 4 août 1833 à Paris ; saint-simonienne, liée aux milieux républicains.
Certaines allusions assez obscures donnent à entendre qu’elle aurait été prostituée ou aurait occupé une position assez aisée de femme entretenue, avant ses contacts avec le saint-simonisme.
Ses contacts avec la Famille saint-simonienne ont dû commencer au moment de la retraite des apôtres à Ménilmontant. Elle a publié en 1833 une brochure, Appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement de la femme, où elle appelait au droit à l’amour libre et à la révolution des mœurs conjugales. En relation avec Gustave d’Eichtal*, Charles Lambert* et Prosper Enfantin* dont elle cherchait le soutien et l’approbation, elle se plaignait de son isolement dans le mouvement saint-simonien et se méfiait des groupes féminins, qu’il s’agisse des « bourgeoises » comme Aglaé Saint-Hilaire* ou des « prolétaires saint-simoniennes » (cf. ses lettres à Enfantin et à Louise Crouzat*). Elle organisa elle-même des bals pour récolter de l’argent, avec un certain succès. Elle se donna la mort en compagnie de Perret Desessarts, jeune saint-simonien, en laissant une dernière lettre à Charles Lambert. Son texte le plus important, Ma loi d’avenir, d’abord conçu comme un article polémique adressé aux rédactrices deLa Tribune des femmes, fut édité par Suzanne Voilquin*, responsable de journal, à titre posthume, semble-t-il sur une suggestion d’Enfantin.
« Ardente démocrate, esprit supérieur, mais trop exalté » selon Vinçard* (Mémoires épisodiques d’un vieux chansonnier Saint-simonien, Dentu, 1878), Claire Démar a frappé ses contemporains et ses lecteurs ultérieurs par la radicalité de ses positions et de leur expression ; Walter Benjamin voyait en elle une représentante d’un « matérialisme anthropologique ». Attachée à la violence révolutionnaire (elle se disait « encore la femme des barricades »), elle fut très marquée par les conceptions enfantiniennes mais les développa selon sa cohérence propre. Elle dénonçait le mariage comme une prostitution légale, appelait à une « révolution des mœurs conjugales » qui contribuerait aussi à miner un édifice social bâti sur le droit du plus fort. Refusant le principe saint-simonien de « publicité des mœurs », ainsi que le classement des individus en « immobiles et inconstans », elle demandait le droit au secret et à l’amour libre, avec essai « de la chair par la chair », et remettait en cause paternité, maternité et héritage, imaginant la prise en charge par la collectivité sociale de l’éducation des enfants. A cette seule condition, disait-elle, tous seraient « affranchis de la loi de sang et de l’exploitation de l’humanité par l’humanité ».
Par Notice revue et complétée par Christine Planté
ŒUVRE : Appel d’une femme au peuple sur l’affranchissement des femmes, Paris, 1833. — Ma loi d’avenir, dans L’affranchissement des femmes, textes édités et commentés par Valentin Pelosse, Paris, Payot, 1976 (1833).
SOURCES : Journal des « prolétaires saint-simoniennes », fondé en 1832 par Désirée Véret et Reine Guindorf, paru successivement sous différents titres : La femme libre, La femme de l’avenir, La femme nouvelle, avec pour sous-titre Apostolat des femmes, puis Affranchissement des femmes. — Le Livre des Actes, périodique saint-simonien sous la responsabilité de Cécile Fournel. — Jules Vinçard, Mémoires épisodiques d’un vieux chansonnier Saint-simonien, Dentu, 1878. — Firmin Maillard, La Légende de la femme émancipée. Histoire de femme pour servir à l’histoire contemporaine, Paris, s. d. (1886), p. 84 à 105. — Harlor, Un ouvrier poète... G. Gauny, 1806-1889, Alfort, 1962. — Évelyne Sullerot, Histoire de la presse féminine en France, des origines à 1848, Paris, Armand Colin, 1966. — Laure Adler, À l’aube du féminisme, les premières journalistes, 1830-1860, Paris, Payot, 1979. — Christine Planté, Les Saint-simoniennes ou la quête d’une identité impossible, Thèse de 3e cycle, Paris III, 1983. — Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, Paris, Le Cerf, 1989. — Christine Planté, « La parole souverainement révoltante de Claire Démar », à paraître dans les Actes du colloque Femmes dans la Cité.