LANGOMAZINO Louis, Joseph (orthographié aussi LONGOMAZINO Louis)

Par Notice revue et complétée par Raymond Huard

Né le 11 septembre 1820 à Saint-Tropez (Var), mort le 26 janvier 1885 à Papeete (Tahiti) ; ouvrier forgeron, puis mécanicien, puis juriste ; démocrate socialiste de 1848 à 1851.

Louis Langomazino était le fils de Joseph Jérôme Lagoumazino, matelot français d’origine piémontaise et de Marie Thérèse Laumas. Ses parents s’installèrent à Toulon vers 1828. Ayant reçu une éducation primaire et peut-être quelques rudiments d’éducation secondaire, Louis Langomazino entra comme apprenti-tôlier à l’arsenal de Toulon le 27 février 1836. « Fait ouvrier » le 26 octobre 1838, il fut affecté aux machines à vapeur en janvier 1841. Il repassa ensuite à la tôlerie, fit son stage sur un navire en mer en 1841 et 1842, puis réintégra la tôlerie en mai 1843. Peut-être avait-il fait preuve d’un esprit particulièrement combatif, puisqu’à deux reprises (juin 1837 à avril 1838 et avril à juin 1839) il fut congédié sans qu’on en connaisse le motif, en attendant son licenciement définitif le 9 mai 1845. Il s’était marié avec Fortunée Guiol, fille d’un ouvrier charpentier, le 29 mai 1839. Il en eut trois enfants, Thérèse (1844), Hégésippe (1844), Paul (1848) et habitait, 22, rue Bonnefoi.
Au début de l’année 1840, il était membre de la société de l’Union créée par les ouvriers serruriers de Toulon, et accueillit Flora Tristan* lors de sa venue à Toulon à la fin de juillet 1844.
Comme président de la Société des Ouvriers Travailleurs (ou Travailleurs de la Marine), qui avait son siège, 15, rue des Riaux (voir Melinet*), il fut, en 1845, un des principaux animateurs de la grève de l’Arsenal (voir aussi Honoré Bourgeonnier*) et peut-être, selon certains rapports de police, le plus actif organisateur de la grève. Il fut renvoyé de l’Arsenal à la suite de ce mouvement.
Il s’installa ensuite à Marseille, où il occupa la profession de mécanicien. Déjà tenté auparavant par la poésie, il participa activement à l’Athénée ouvrier créé en 1845 et en devint président. Il y accueillit successivement Lamartine* et le poète agenais Jasmin.
Après la révolution de février 1848, il fut garde national à Marseille et candidat (sans aucun succès) aux élections complémentaires du 4 juin 1848. A partir d’octobre 1848, il écrivit dans La Voix du peuple de Laponneraye, dont il devint en 1849 le responsable pour les Basses et Hautes-Alpes. Il fit à ce titre des tournées dans ces deux départements en particulier dans les Basses-Alpes où il lutta contre le parti conservateur dirigé par Hippolyte Fortoul. Il y prépara les élections de 1849, qui furent marquées par le succès de trois candidats démocrates-socialistes (dont l’un fut invalidé). Pour sa participation à une réunion publique à Forcalquier, il fut condamné par défaut à six mois de prison et 3 000 F d’amende par les Assises de Digne le 1er juillet 1849, mais fut acquitté en appel. Ayant quitté la rédaction de La Voix du peuple vers septembre 1849, il impulsa la création de sociétés secrètes républicaines dans les Basses-Alpes et fonda à la mi-février 1850, avec le concours d’un riche propriétaire terrien, le journal L’Indépendant, qui, en butte aux persécutions du pouvoir, succomba le 20 juillet 1850. Langomazino tenta sans succès de le remplacer par un autre organe, Le Travailleur du Midi.
Louis Langomazino fut arrêté le 25 octobre 1850 dans le cadre des poursuites visant le complot du Sud-Est. Emprisonné à Digne, puis à Roanne, jugé par le deuxième conseil de guerre de Lyon, il fut condamné à la déportation et transporté à partir de décembre 1851 aux Iles Marquises, à Nouka Hiva, ainsi que deux autres condamnés, Alphonse Gent* et Albert Ode*. Il y arriva accompagné de sa femme et de ses enfants vers la fin mai ou le début de juin 1852.
S’étant séparé à la fois au plan personnel et politique, de ses deux compagnons, il décida de refaire sa vie en exil. Sa peine fut commuée le 23 juin 1853 en un bannissement de 10 ans. Néanmoins Langomazino fut autorisé à s’installer à Tahiti, où sa femme fonda un café et un cabinet de lecture. Lui-même, après avoir dû abandonner pour raison de santé son métier de forgeron, devint défenseur officieux devant le tribunal de Tahiti, puis commis aux écritures. Malgré des démêlés assez sérieux avec le gouverneur, qui l’obligèrent à s’exiler au Chili pendant trois ans, il revint à Tahiti où il fut juge au tribunal de première instance, puis en 1864 membre du comité consultatif d’administration, de commerce et d’agriculture et même président de la Haute-Cour tahitienne. Il rédigea un recueil de la législation locale qui fit autorité pendant plus d’un siècle et fut membre de nombreux conseils administratifs locaux. Dans son numéro en date du 7 avril 1872, L’Illustration du Var signalait incidemment que « M. Longomazino, qui, de simple ouvrier de l’arsenal était devenu orateur et journaliste, est en ce moment un des plus riches entrepreneurs de La Nouvelle-Calédonie. » Il mourut à Papeete dans sa soixante-cinquième année.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article33284, notice LANGOMAZINO Louis, Joseph (orthographié aussi LONGOMAZINO Louis) par Notice revue et complétée par Raymond Huard, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 4 avril 2018.

Par Notice revue et complétée par Raymond Huard

œUVRE : Défense du citoyen Longomazino, Digne, Vial, 29 août 1849, 34 p., Bibl. Nat., Lb55 /1152 — Au peuple ! La vérité. Digne, Vial, 1849, 1 p. — Codification des actes du gouvernement en vigueur dans les Établissements français de l’Océanie et le protectorat des îles de la Société et dépendances, Papeete, 1867, 454 p. Bibl. Nat., F38/195.

SOURCES : Arch. Nat., BB 18/1488, BB 24/431, BB 30/358. — Arch. Marine Toulon, 2 A 2/2. — Arch. Marine Brest, Correspondance du préfet maritime. — Arch. Dép. Alpes-de Haute-Provence, P.516, L’Indépendant des Alpes. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 4M 694, l’Athénée de Marseille. — Arch. Dép. Vaucluse, 2 T 57 L’Indépendant. — Bibl. Nat., J.O. 343. — La Voix du peupleJournal officiel des établissements français de l’Océanie, n° du 29 janvier 1885 (compte-rendu des funérailles). — Les Fastes judiciaires. Procès politiques, 1851-1852. Procès du complot de Lyon, 2e conseil de guerre de la 6e division militaire séant à Lyon, Paris, au bureau du Journal des faits, sd [1852], 101 p. — 1865, Annuaire des établissements français de l’Océanie Papeete, 1865 — , L’Illustration du Var, 7 avril 1872. — J.-L. Puech, La Vie et l’œuvre de Flora Tristan, Paris, 1925. — M. Agulhon, article de Provence historique, livraison d’avril-juin 1957. — Ph. Vigier, La Seconde République dans la région alpine, Étude politique et sociale, Paris, PUF, 1963, 2 vol., passim.. — Patrick O’Reilly et Édouard Reitman, Bibliographie de Tahiti et de la Polynésie française, Paris, 1967. — Maurice Agulhon, Une ville ouvrière au temps du socialisme utopique, Toulon de 1815 à 1851, Paris, Mouton, 1970, passim (voir index). — Dominique Lecœur, Louis Langomazino (1820-1885) ou le triomphe de la volonté, Mémoire de Maîtrise, Montpellier, 1993, 297 p. — Note de M. Cordillot.

ICONOGRAPHIE : Photographie dans Lecœur, op. cit, annexe IX (coll.part.)

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable