VELLUET François

Né vers 1810. L’un des trois condamnés à mort de l’émeute des subsistances de Buzançais (Indre), guillotiné à Buzançais le 17 avril 1847.

Garde particulier et journalier agricole, il avait sept personnes à nourrir et 15 francs par mois comme garde particulier. Il participa à l’ensemble des troubles qui eurent lieu à Buzançais les 13 et 14 janvier 1847 : arrestation d’un convoi de blé venant de Tours, le 13, et se dirigeant vers Issoudun, en période de disette, ce qui laissa croire aux affamés de Buzançais que l’opération était criminelle ; taxation du blé à 3 francs le double décalitre ; visites domiciliaires chez les propriétaires de Buzançais sommés de vendre leurs réserves à ce prix ; attaque du moulin à bluter moderne de Cloquemin et mise à mal des mécaniques ; destructions diverses ; meurtre du bourgeois Huard-Chambert qui avait tué à bout portant l’émeutier Venin.
Le meurtre de Huard-Chambert perpétré à la hache et à la masse de cantonnier était en fait l’œuvre quasi collective d’une foule de pauvres évaluée à 400 personnes, accourue du voisinage au son du tocsin, le 14, au soleil levant. Les trois têtes qui tombèrent n’en étaient pas plus responsables que beaucoup d’autres. Mais, l’ordre rétabli, les possédants de Buzançais réclamèrent des exécutions. Un seul plaida l’indulgence, écrivant : « Ces paysans sont les plus doux, les plus calmes, les plus résignés, les plus patients dans le malheur que l’on puisse trouver dans toute la France. Ils ne s’étaient émus que pour demander le blé à bon marché et, dès le premier moment, ils ont été laissés maîtres de la ville par des propriétaires n’ayant pas assez d’énergie pour leur opposer la moindre résistance [...] L’autorité a passé aussitôt aux mains des paysans. Elle leur a même été conférée d’une manière régulière, car, après que le maire, les membres du conseil municipal et les autres fonctionnaires publics de Buzançais eurent signé une liste de souscription dans laquelle ils s’engageaient à vendre leur blé à 3 francs le double décalitre (comme les émeutiers le demandaient), le maire donna l’ordre au tambour de ville de publier que tous ceux qui avaient du blé devaient le donner à ce prix [...] S’ils ont tué M. Chambert, c’est que M. Chambert, volontairement ou non, avait tué l’un d’entre eux. Après son coup de fusil, ils n’ont pas eu le temps ni le sang-froid nécessaire pour être coupables de préméditation [...] Enfin, chose étonnante, sans doute, et bien horrible ! : plusieurs jours après le crime, ils continuaient de s’en vanter ; chacun voulait passer pour avoir frappé le premier coup, et il y aurait eu plus de cinquante arrestations, si l’on s’en fût rapporté à cette surprenante forfanterie [...] La mort de Chambert était, aux yeux de ces paysans ignorants et auxquels les actes de l’autorité locale avaient fait croire qu’ils étaient légitimement maîtres [...] un acte de justice ; ses bourreaux avaient accompli un ministère [...] Le coup de fusil tiré par M. Chambert les préservait, selon eux, de toute poursuite. » (Lettre d’Émile Mathieu au garde des Sceaux, citée par Pierre Bouchardon, Crimes d’autrefois, pp. 140-141.)
Vingt-cinq hommes et une femme comparurent, du 25 février au 4 mars 1847, devant la cour d’assises de l’Indre, journaliers agricoles ou manœuvres pour la plupart, mais deux d’entre eux étaient tailleurs de pierre, l’un était maçon, l’autre charpentier, l’autre charron, l’autre menuisier, tous dans une misère qui durait depuis l’automne de 1846, sauf le menuisier.
La presse locale et parisienne assurait que tout cela était dû aux « idées communistes ». Étienne Cabet* rétorqua en énumérant les vraies causes : « La misère, la diminution toujours croissante du travail et du salaire », et ajoutait que « dans la communauté, on ne verrait rien, absolument rien de tous les malheurs qu’on voit aujourd’hui. » (Le Populaire de 1841, n° du 25 janvier 1847.)
La Fraternité de 1845, journal mensuel communiste et révolutionnaire, disait : « À l’instar de la presse stipendiée, M. le procureur général Didelot, méconnaissant les véritables causes des désordres qui se manifestent sur tant de points de la France, a voulu, dans son réquisitoire, présenter les troubles de Buzançais comme le résultat de l’enseignement communiste. Nous croyons pouvoir nous abstenir de répondre à de semblables imputations : pour les gens de bonne foi, qui connaissent la doctrine communiste, elle n’a pas besoin de justification ; et, pour ceux qui ne la connaissent pas, il nous semble que l’ignorance démontrée des malheureux que l’accusation avait devant elle en dit assez. » (N° de mars 1847.)
Démocratie pacifique avait, le 28 février 1847, conclu à « la nécessité d’organiser le travail ».
Pour La Réforme du 6 mars, « le gouvernement trahit ses devoirs, lorsqu’il livre une nation aux horreurs de la disette, et il ne peut pas invoquer son ignorance pour excuse. Avant d’accuser les populations victimes de ses fautes, qu’il songe à sa propre justification ».
Mme X., qui doit être Pauline Roland*, dans La Revue sociale de Pierre Leroux (livraison de mai 1847, p. 121), s’apitoyait sur les morts du 17 avril et sur la vingtaine de reclus à vie ou à temps, dont un petit nombre seulement, après Février 1848, bénéficia de remises de peines ou de libérations anticipées, que consacra Marc Dufraisse, commissaire du Gouvernement provisoire dans l’Indre. Voir Baptiste Bienvenu, Louis Michot, Venin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38629, notice VELLUET François, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 24 février 2021.

SOURCES : Arch. Nat., BB 19/37-42 ; BB 20/138 ; BB 21/502 ; BB 24/327-347. — Gazette des Tribunaux, numéros du 19 janvier 1847, des 27 et 28 février, du 1er au 5 mars. — Cour d’assises de l’Indre. Affaire des troubles de Buzançais, Châteauroux, 1847, in-4°, 66 p. (Bibl. Nat., Lb 51/4257. — Pierre Bouchardon, Crimes d’autrefois, Paris, s. d. — Jules Vallès, Les Blouses, réédition de 1957, avec préface de J. Dautry indiquant dans quelle mesure le romancier s’est inspiré de l’épisode vrai des troubles de Buzançais.

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