VOIGNIER Charles, Joseph

Par Jean-Louis Robert

Né le 18 juillet 1806 à Neufchâteau (Vosges)  ; cordonnier  ; insurgé de juin 1848, transporté en Algérie en 1851 et 1858, démocrate-socialiste, communard.

Charles Voignier, fils d’un commerçant de Neufchâteau, participa de 1837 à 1840, comme soldat et clairon, à l’aventure de la frégate militaire L’Artémise qui fit un tour du monde géographique. Il se fixa ensuite à Paris et aurait été marchand de quatre-saisons, place Laborde, en 1840. Il sera ensuite cordonnier, puis maître-bottier-cordonnier employant jusqu’à quinze compagnons. Son atelier sera situé 77 rue Saint-Nicolas d’Antin (Ier arrondissement ancien et actuellement rue de Provence) puis, à compter des années 1860 19 rue de Castellane (VIIIe arrondissement).
Garde national, Charles Voignier fut arrêté le 24 juin 1848, boulevard des Capucines, pour avoir dit des émeutiers : « Ils demandent du pain » et pour avoir critiqué le gouvernement et les riches. Il fut libéré le 20 juillet. Il fut ensuite un actif militant du comité démocrate-socialiste de la Seine, versant à la souscription pour les victimes du 13 juin 1849, ou à celle de la commission des secours fraternels destinés aux familles des détenus politiques. En mars-avril 1850, il était le responsable de l’organisation de la surveillance des élections par le comité dans son Ier arrondissement et tint une permanence quotidienne dans son atelier. En septembre 1850, il fit partie de ceux qui criaient « Vive la république ! » place du Havre au passage de Bonaparte et il dénonça dans une lettre au Peuple, les ratapoils qui avaient molesté les gens sans que la police intervienne. Son influence dans son quartier se marqua par l’ampleur des listes de souscription qu’il fait circuler (34 versements en avril 1851, 164 versements en octobre 1851). Voignier était aussi partie prenante de ceux qui participent à l’initiative du groupement dit Générateur de la Propriété foncière en 1849.
Républicain déterminé, la saisie d’exemplaires du Populaire de Cabet auquel il était abonné et de publications démocrates socialistes le compromettaient ; accusé de corrompre ses ouvriers, il fut transporté (« Algérie moins », ce qui signifiait qu’il n’était pas enfermé en prison). Il était marié et avait deux enfants. Il fit partie de ceux qui furent graciés par l’Empereur le 2 février 1853 et il revint en France.
Dans la nuit du 23 février 1858, il fit partie des victimes de la rafle policière contre ceux qui étaient soupçonnés d’atteinte à la sûreté de l’état et fut transporté de nouveau, arbitrairement, en Algérie. On ne sait quand il fut autorisé à revenir en métropole. Mais on le retrouva en 1869 comme un des plus actifs membres du nouveau comité démocrate-socialiste de la Seine et il soutint la candidature d’Alton-Shée dans la 2e circonscription.
Pendant la Commune de Paris, il fut nommé le 12 mai par le comité de vigilance du VIIIe arrondissement, avec l’approbation de Rigault et Vaillant, membre de la commission d’enquête de l’arrondissement pour les pensions aux gardes nationaux et à leur famille.
On ne trouve plus de trace de Charles Voignier ensuite. Fut-il tué pendant la Semaine sanglante ? Toujours est-il qu’il était déclaré décédé en 1882 lorsque ses deux enfants bénéficièrent des effets de la loi de juillet 1881 indemnisant les victimes du coup d’état du 2 décembre : 500 francs chacun, une aumône au regard de la constance de l’action démocratique de leur père.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article38881, notice VOIGNIER Charles, Joseph par Jean-Louis Robert, version mise en ligne le 6 avril 2022, dernière modification le 6 avril 2022.

Par Jean-Louis Robert

SOURCES  : Commune de Paris 8e arrondissement, Pour le comité de vigilance et par délégation, Bourlet, Piquet, Schmidt, le 12 mai1871, Murailles politiques, op. cit. — La Voix du peuple, 7 et 24 décembre 1849 ; 11 février 1850 ; 14 janvier et 8 mars 1850. — Le Peuple, 15 septembre 1850. — La République, 7 avril 1851. — La Révolution, 25 octobre 1851. — Journal des débats, 5 février 1853. — Moniteur algérien, JO de la colonie, 28 février 1853. — Le Rappel, 6 août 1869. — Le Réveil, 4 mai. — Le National, 29 mai 1869. — Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 7 octobre 1882. — Campagne de circumnavigation de la frégate l’Artémise, pendant les années 1837, 1838, 1839 et 1840, sous le commandement de M. Laplace, Paris, Société de géographie, 1854. — Eugène Tenot, Les suspects en 1858 : étude historique sur l’application de la loi de sûreté générale, Paris, Armand Le Chevalier, 1869. — Jean-Claude Vimont, « Les déportés républicains de 1858 », Trames, n° 5, consultable sur le site criminicorpus. — Louis Hincker, Citoyens-combattants à Paris (1848-1851), Villeneuve d’Asq, Presses universitaires du Septentrion, 2008 ; — État civil de Neufchâteau. — SHD 6J8/412 ; B372 ; Dossiers des commissions militaires de Paris SHD 7 J 10. — Archives nationales F/7/2595 ; Dossiers de grâce : BB/22/159 ; Dossier de pension : F/15/4083. — Les trois sites Farcy.

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