BANCE Pierre, Michel [Dictionnaire des anarchistes]

Par Hugues Lenoir

Né le 3 février 1948 à L’Isle-Adam (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) ; enseignant, journaliste, éditeur ; militant anarchiste et syndicaliste révolutionnaire.

Pierre Bance est le fils d’Alphonse Bance né à Cauvigny (Oise) en 1903, décédé à L’Isle-Adam (Val-d’Oise) en 1986, qui exerça divers métiers jusqu’à la guerre 1939-1945, puis fut artisan carrier et enfin manœuvre dans une usine métallurgique. Sa mère, Alice Suzanne est née à L’Isle-Adam en 1908, décédée à Pontoise (Val-d’Oise) en 1992 ; sociétaire d’une coopérative ouvrière de production où elle fut peintre en céramique d’art jusqu’à la guerre 1939-1945, elle termina sa carrière comme agent de service des écoles. Ses deux parents étaient syndiqués à la CGT et sympathisants communistes critiques. Il a un frère, Michel (1932-1992), ouvrier de l’industrie de l’automobile et deux sœurs, Claudette (1929), ouvrière dans la brosserie, Josette (1934), ouvrière dans la métallurgie puis employée de bureau. Pierre Bance est le compagnon d’Isabelle Vacarie, professeur émérite à l’Université de Nanterre ; ils ont deux enfants, Paul (1979), fonctionnaire des Nations unies, Flora (1984), psychologue clinicienne.

Après avoir obtenu en 1967 un brevet supérieur d’études commerciales au lycée d’enseignement technique d’Argenteuil, il effectue son service militaire de juillet 1967 à octobre 1968 ; il est assigné à résidence durant mai et juin 1968, son unité, la 4e division, étant de celles qui pouvaient intervenir sur Paris. En octobre 1968, Pierre Bance entre par équivalence à la Faculté de droit de Paris et soutient une thèse de doctorat d’État en droit à l’Université de Paris I, en 1976, sur Le Syndicalisme ouvrier français dans la genèse du droit du travail (1876-1902) sous la direction du professeur Marcel David ; thèse critiquée par les autorités universitaires conservatrices et plus tard reconnue par le professeur Jacques Le Goff, comme « un moment inaugural » de l’histoire du droit du travail « qui ébranlait les vues simples, et – disons-le – simplistes, d’un État tutélaire seul maître du jeu selon une rationalité froide d’allure hégélienne » (Revue de droit du travail, Dalloz, octobre 2013). Surveillant d’externat de 1968 à 1974, il est nommé assistant de droit du travail à l’Université de Paris I dans l’équipe du professeur Gérard Lyon-Caen (1974-1980). Il est ensuite journaliste et rédacteur en chef adjoint du quotidien juridique professionnel Liaisons sociales (1980-1985), puis éditeur indépendant jusqu’en 2008, date à laquelle il prend sa retraite.

En 1964, Pierre Bance découvre l’anarchisme par l’achat du Monde libertaire dans un kiosque de gare. Il crée en 1966 un groupe anarchiste au lycée d’enseignement technique professionnel d’Argenteuil puis, en 1970, un groupe anarchiste au Centre Clignancourt de l’Université de Paris I qui participe à la Coordination des groupes autonomes anarchistes et, en 1973, un groupe autonome anarchiste dans le 13e Arrondissement de Paris. De 1974 à 1976, il milite dans un groupe d’entraide de la Coordination, solidarité aux inculpés des GARI (Groupes d’action révolutionnaires internationalistes). Il se considère alors comme « un anarchiste de tendance “unitaire”, j’ai soutenu, dit-il, toutes les initiatives qui me paraissaient utiles à la diffusion de nos idées et à notre renforcement organisationnel tel le lancement du Monde libertaire hebdomadaire en 1976. C’est probablement pour cela que je n’ai jamais adhéré à une organisation nationale ».

Entre 1969 et 1974, Pierre Bance est adhérent, tendance École émancipée, du Syndicat national de l’enseignement technique (SNETAA) de la Fédération de l’éducation nationale (FEN) ; de 1970 à 1974, il assure le secrétariat de la section syndicale du Collège d’enseignement technique de la rue Barrault, 13e Arrondissement de Paris et une délégation syndicale à la commission administrative paritaire de l’Académie de Paris pour les surveillants d’externat et maîtres d’internat. De 1974 à 1976, il adhère au Syndicat national de l’Enseignement supérieur (SNESUP-FEN), section Paris I.

En contact depuis plusieurs années avec des militants de la Confédération nationale du travail (CNT) espagnole en exil et de l’Union locale de Paris de la CNT française, la détermination de cette dernière le convainc, en 1976, d’adhérer. Il est à plusieurs reprises secrétaire de cette Union locale entre 1976 et 1985 et membre fondateur, en 1992, du Syndicat de la communication, de la culture et du spectacle de la CNT. En avril 1979, au congrès de Toulouse, il est élu secrétaire confédéral adjoint, exerçant de fait le mandat de secrétaire confédéral jusqu’au congrès du Mans en 1981, le secrétaire confédéral en titre étant Antoine Turmo.

Suite à un conflit entre la section syndicale CNT, majoritaire à Liaisons sociales, et son nouveau directeur, Raymond Soubie, qui sera, vingt-deux ans plus tard, conseiller social du président de la République Nicolas Sarkozy, trois adhérents de la CNT, Pierre Bance, Étienne Deschamps, Gérald Barnier et la journaliste Catherine Doublet quittent le groupe de presse, le 1er mai 1985, pour fonder la SARL Droit et Société. Celle-ci édite Travail social actualités (TSA Hebdo), créé par Pierre Bance en 1983, des livres, des guides juridiques et, à compter de 2001, le mensuel L’AssMat-Petite enfance. Pierre Bance qui sera directeur de la publication jusqu’en 2008, précise : « En fondant cette société, nous avions deux buts. Travailler dans un réseau affinitaire et solidaire, ce qui se fera, entre autres, avec les coopératives ouvrières Incidences (atelier de composition) et Primavera (imprimerie) puis Expressions de Gérard Mélinand. Donner aux professionnels du social des outils juridiques fiables ayant une forte coloration syndicaliste et même syndicaliste révolutionnaire s’agissant de L’AssMat ». Á partir de 1985, Pierre Bance renonce à toute responsabilité à la CNT. Parallèlement, Droit et Société devient le bureau juridique « officieux » de la CNT ; entre 1985 et 2008, des centaines de consultations juridiques et d’envois de documentation sont faits aux syndicats et adhérents.

Comme journaliste et éditeur, Pierre Bance a écrit de nombreux articles et études de droit du travail ou de politique sociale dans la presse professionnelle et édité des livres et des guides juridiques pour les salariés. Comme militant, de nombreux articles et dossiers, principalement dans Espoir, Le Combat syndicaliste et Un Autre futur dont certains sur les conseils de prud’hommes, les institutions du personnel, les conventions collectives, les lois Auroux, les 35 heures… rénovèrent la doctrine du syndicalisme révolutionnaire et posèrent les bases théoriques de l’action syndicales dans l’entreprise de la CNT renaissante des années 1990.

Devant l’opposition de certains adhérents estimant que son statut de patron était incompatible avec son appartenance à la Confédération, Pierre Bance quitte la CNT, en 2005, et déplore « un repli de l’organisation sur elle-même au détriment de l’expansion syndicaliste ». Depuis il s’est rapproché de la CNT-Solidarité ouvrière et collabore au site de convergence et d’échanges syndicalistes, Un Autre futur.net.

En 2013, Pierre Bance a fait un premier don de ses archives aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154871, notice BANCE Pierre, Michel [Dictionnaire des anarchistes] par Hugues Lenoir , version mise en ligne le 27 avril 2014, dernière modification le 12 août 2020.

Par Hugues Lenoir

ŒUVRE : Les Fondateurs de la CGT à l’épreuve du droit, Claix, La Pensée sauvage, 1978, 254 p. – Nous sommes syndicalistes révolutionnaires (avec Étienne Deschamps), Toulouse, Éditions CNT, 1978, 32 p. Tribunes et articles : – L’abstentionnisme, un acte politique, Libération du 7 février 2007. — "Le communisme, mais sans Marx", Le Monde.fr du 31 août 2010. – "Ce n’est pas le moment de désespérer", Le Monde.fr du 5 novembre 2010. – "La farce de Tarnac", Divergences, 2 septembre 2011 (http://divergences.be). –" La société que nous préparent le patronat et la CFDT", Le Monde libertaire, 23-29 mai 2013. – "La question du droit en anarchie", Grand angle libertaire, 4 octobre 2013. (http://www.grand-angle-libertaire.net). Essais sur le site Autre futur (www.autrefutur.net). – "Lecture syndicaliste révolutionnaire de Daniel Bensaïd", 1er septembre 2011. – "Des paradoxes d’une social-démocratie libertaire", 1er décembre 2011. – "Badiou cerné par l’anarchisme", 2 février 2012. – "Maintien de l’ordre en anarchie", 21 février 2012. – "John Holloway, comme une ombre d’anarchie", 29 mai 2012. – "La démocratie radicale de Laclau et Mouffe", 26 juin 2012. – "Pour un projet anarchiste de la convergence", 14 septembre 2012. – "Jacques Rancière, l’anarchique", 11 octobre 2012. – "Antonio Negri et Michael Hardt, les mécanos de la sociale", 1er mars 2013. – "Organisons la convergence pour un autre futur", 30 avril 2013. – "Che Guevara, l’orthodoxe", 6 décembre 2013. – "Le socialisme bolivarien du XXIe siècle est-il une idée nouvelle ?", 30 avril 2014.

SOURCES : témoignage direct, décembre 2009, mai 2014. — Nous sommes syndicalistes révolutionnaires (précité), Annexe au Bulletin intérieur de la CNT de février 2006.

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