BONNEFOND Marius, Jean

Par G. Raffaëlli

Né en 1883, mort en janvier 1933 à Saint-Étienne (Loire) ; typographe ; militant syndicaliste de la Loire.

Ouvrier typographe stéphanois, M. Bonnefond était inscrit en 1913 sur l’état A des anarchistes du département. En février 1914, il remplaça Lescure dans les fonctions de trésorier de l’Union départementale. Pendant la guerre, il fut employé comme typographe à la Manufacture nationale d’armes de Saint-Étienne et au début de l’année 1918, il assumait les fonctions de secrétaire de l’Union départementale. Son action était alors celle d’un minoritaire convaincu, pacifiste acharné. Le 9 janvier 1918, à la commission administrative de la Bourse du Travail, il blâmait l’attitude de Reynard à la conférence de Clermont, et réclamait un local pour développer la propagande pacifiste.

Il se révéla excellent organisateur lors de la grève des ouvrières du textile de Saint-Julien-Molin-Molette, grève qu’il popularisa dans tout le département. Le 29 janvier, à la commission exécutive de l’UD il « regretta que le gouvernement ait fait droit aux demandes des métallurgistes » (lors de la grève de décembre 1917), car « il ne s’agit plus aujourd’hui de relèvement des salaires, mais de la paix immédiate ». Le même jour, le comité secret de l’UD le désigna pour étudier les mesures à prendre et donner les ordres « en vue d’un mouvement ».

Il prit langue avec les représentants de différentes Unions départementales voisines, ainsi qu’avec les représentants des principaux syndicats du département tout en regrettant qu’on ne puisse compter sur les mineurs dont les dirigeants Duranton et Giraud se virent qualifier de « vendus ».

Le 26 février 1918, il approuva la démission de Barlet, considéré comme « suspect à la classe ouvrière », et accusé de mal gérer les fonds syndicaux.

Le « tournant » de Bonnefond peut être daté du début du mois de mars 1918. C’est à partir de ce moment qu’éclatèrent entre lui et Flageollet des divergences assez profondes sur la nature du mouvement à déclencher. À partir de cette date, il prit ses distances avec les éléments les plus avancés des syndicats, et s’il soutint la motion Andrieu réclamant à la CGT la convocation d’un congrès avant le 15 avril, et donnant mission au Comité de défense syndicaliste de l’organiser en cas de refus, il s’abstint lors du vote de la grève générale le 19 mai.

Cette attitude hésitante (« mollesse » dira Miglioretti de Vienne), Bonnefond la conserva tout au long du mouvement de grève, auquel il participa comme membre du comité départemental de grève, en tentant de jouer un rôle modérateur : il affirma que la grève n’avait pas pour but d’empêcher les soldats de partir au front, et s’opposa à ce que des syndicalistes étrangers à la région jouent un rôle dirigeant dans le mouvement. Il protégea Blanchard, lorsque les grévistes en colère voulurent lui faire un mauvais parti.

Cette attitude « raisonnable » ne l’empêche pas d’être poursuivi en conseil de guerre 1ère catégorie. Libéré le 16 mars 1919 après amnistie, il s’attela à la remise en route des syndicats dans l’esprit « d’union de toutes les tendances au sein de la CGT ». Le 18 mai 1919, il devint membre de nouveau de la CE de l’UD et, contre le syndicat des métaux de Firminy, vota le 29 juin la confiance à la CGT.

Après avoir voté au congrès confédéral de la CGT à Lyon en faveur de la direction confédérale, il s’essaya à maintenir une position moyenne entre majoritaires et minoritaires, au sein de l’UD de la Loire. Mais cette position devint bien vite inconfortable, et il démissionna en juillet 1920 de la CE de l’UD entendant ainsi protester contre le « noyautage des syndicats par les minoritaires » puis il consacra l’essentiel de son action au syndicat des typographes. Le 1er janvier 1922, il s’éleva dans un article du Peuple de la Loire intitulé « Où sont les scissionnistes », contre la décision prise le 3 décembre 1921 par la CE de l’UD de participer à l’organisation d’un congrès unitaire, qu’il qualifia d’« entreprise nettement caractérisée de scission syndicale. Il prenait violemment à partie Lorduron (inspirateur de la décision de la CE) qualifié de « préfet syndical », et concluait : « Où sont les scissionnistes ? Mais voilà leur œuvre [...]. Quant aux leçons de discipline et de courage que peut encore se permettre Lorduron après cela, elles s’adressent à d’autres que moi [...]. Je hais la dictature d’où qu’elle vienne. » Il entraîna son syndicat dans l’autonomie et se rapprocha de la majorité confédérale. Par la suite, Bonnefond devint secrétaire du conseil des prudhommes de Saint-Étienne.

Il fut enterré le 26 janvier 1933 au cours d’une cérémonie où Landy-Jacquot prononça l’éloge du disparu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article100998, notice BONNEFOND Marius, Jean par G. Raffaëlli, version mise en ligne le 3 novembre 2010, dernière modification le 3 novembre 2010.

Par G. Raffaëlli

SOURCES : Arch. Nat. F7/12 994, F7/13 372, F7/13 570, F7/14 607. — Arch. Dép. Loire, 14 M 15, 92 M 247. 92 M 250. — Le Peuple de la Loire, 1er janvier 1922. — G. et M. Raffaëlli, Le Mouvement ouvrier contre la guerre, Mémoire de Maîtrise, Nanterre.

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