MAKHNO Nestor, Ivanovitch

Par René Bianco

Né le 27 octobre 1888 à Gouliaï-Polié (Ukraine), mort le 25 juillet 1934 au pavillon des tuberculeux de l’hôpital Tenon à Paris, incinéré le 28 au Père Lachaise. Ouvrier agricole, anarchiste, dirigeant du mouvement insurrectionnel paysan en Ukraine de 1917 à 1921.

Né dans une famille de paysans pauvres, d’abord berger, puis ouvrier agricole, Nestor Makhno acquis très jeune aux idées anarchistes, participa à la révolution de 1905. Arrêté en septembre 1907, il ne fut relaché qu’après dix-huit mois. De nouveau arrêté, il fut condamné à mort en mars 1910 pour meurtre d’un commissaire de police. Comme il n’était pas encore majeur, sa peine fut commuée en travaux forcés à perpétuité. Pendant neuf ans, il resta enfermé et enchaîné à la prison Boutyrki de Moscou. Libéré par la révolution de février 1917, il revint en Ukraine, où il fut bientôt élu président du Soviet de sa ville natale, qui comptait plus de vingt mille habitants. Il y poursuivit son activité militante et lorsqu’en 1918 les Allemands envahirent l’Ukraine, il leva et organisa des bandes de partisans tendant des embuscades, faisant sauter des lignes de chemin de fer, attaquant des convois. Le succès accrut son audace et son prestige et il parcourut bientôt avec ses troupes toute l’Ukraine méridionale, libérant notamment Iekaterinoslav. A partir du printemps 1919, il organisa la résistance contre les armées blanches du général Dénikine. Ses incontestables succès conduisirent les bolchéviks à s’allier avec lui à plusieurs reprises, ce qu’ils firent encore en novembre 1920, pour refouler l’armée du général Wrangel, successeur de Dénikine. Mais au lendemain de la bataille de Perekop (Crimée) au cours de laquelle Wrangel fut complètement défait, Bela Kun et Trotsky attirèrent les officiers de l’état-major makhnoviste dans un guet-apens et les firent passer par les armes.

Finalement l’Armée rouge l’emporta et Makhno, malade et gravement blessé, fut contraint, le 26 août 1921, de passer en Roumanie avec plusieurs de ses partisans. Par la suite, il fut interné en Pologne où on lui fit un procès en novembre 1923, puis résida un moment à Dantzig, à Berlin et trouva enfin refuge à Paris, en avril 1925. D’abord hébergé par divers amis, Makhno, qui avait été rejoint par sa compagne et sa fillette, s’installa en juin 1926 dans un petit logement à Vincennes. Il travailla un moment comme aide-fondeur, puis comme tourneur chez Renault (embauché le 2 février 1926 comme manœuvre jusqu’au 15 février de la même année, après un départ volontaire, selon le fichier du personnel Renault), mais déjà sa santé était gravement altérée par la tuberculose et il souffrait toujours des douleurs dues à ses nombreuses blessures. Il ne s’écarta pas pour autant des activités militantes et collabora notamment au Libertaire, organe hebdomadaire de l’Union anarchiste.

Nestor Makhno et son ami Piotr Archinoff furent également alors les principaux animateurs du Groupe d’anarchistes russes à l’étranger qui publia la revue Diélo Trouda (la Cause du travail). Ils rédigèrent aussi un texte qui devait entraîner de nombreuses discussions et de vives polémiques dans le mouvement anarchiste international. Celui-ci, publié à Paris en 1926, par les éditions de la Librairie internationale (32 p.) sous le titre : Plate-forme d’organisation de l’Union générale des anarchistes (Projet), fut suivi d’un supplément de 16 pages sous formes de "Questions et réponses". Ce projet organisationnel attira de nombreuses critiques, à commencer par la Réponse de quelques anarchistes russes à la Plate-forme (Paris, 1927, 39 p.).

Le 20 mars 1927, Makhno qui participait à une réunion anarchiste à l’Haÿ-les-Roses, fut arrêté avec d’autres participants étrangers et menacé d’expulsion. Finalement, après diverses interventions, la mesure fut rapportée en octobre de la même année, mais assortie d’une obligation de réserve qui contraignit dès lors Makhno à renoncer à toute activité publique. Ses dernières années furent extrêmement pénibles : situation matérielle précaire, souffrances physiques auxquelles s’ajoutait un isolement moral croissant car il s’était successivement brouillé avec plusieurs de ses camarades d’exil. Cet isolement s’accentua encore, à la fin de 1931, lorsque son ami de plus de vingt ans, Piotr Archinoff, rallia les bolcheviks et retourna en Russie, où il fut finalement exécuté en 1937.

En mars 1934, Makhno, dont la santé était délabrée, dut être hospitalisé. Il mourut quelques semaines après, à l’âge de quarante-cinq ans. Devant plusieurs centaines de syndicalistes et d’anarchistes rassemblés pour ses obsèques, l’anarchiste russe Voline prononça l’éloge funèbre du "Batko", du révolutionnaire intrépide qui contribua grandement à sauver la Révolution russe. Ses cendres sont conservées dans la case 6685 du colombarium du Père Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article119637, notice MAKHNO Nestor, Ivanovitch par René Bianco, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 12 janvier 2021.

Par René Bianco

Nestor Makhno
Nestor Makhno
Makhno à Paris.

ŒUVRE : "Mon autobiographie" (publiée en feuilleton) dans Le Libertaire à partir du 12 mars 1926 (et nombreux autres articles). — La Révolution russe en Ukraine (mars 1917-avril 1918), La Brochure mensuelle, Paris, 1927, 360 p. (rééd. Belfond, Paris, 1970) traduction du premier des trois volumes parus en russe en 1936 et 1937). — "La lutte contre l’État", Feuilles de documentation de terre libre, n° 3, septembre 1934.

SOURCES : Archives du CIRA de Marseille. — A. Berkman, "Nestor Makhno, l’homme qui sauva les bolcheviks", La Rue, n° 32, 1983. — Pierre Berland, "La vraie figure de Makhno", Le Temps, 22 août 1934 (article repris dans La Conquête du pain, n° 8, 1er décembre 1934). — Pierre Ganivet, "Nestor Makhno", L’homme réel, n° 9, septembre 1934. — Lucile Pelletier, "Nestor Makhno est mort", La révolution prolétarienne, n°181, 25 août 1934. — Yves Ternon, Makhno, la révolte anarchiste, Éd. Complexe, Bruxelles, 1981, 192 p. (bibl.). — Alexandre Skirda, Nestor Makhno, le cosaque de l’anarchie, Éd. AS, 1982, 476 p. (2e éd. chez J.-C. Lattès, en 1985, sous le titre Les Cosaques de la Liberté. — A. Skirda, Les Anarchistes et l’organisation, Éd. A. S., 1987. — Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, Maspero, 2 volumes, 1975. — Ida Mett, Souvenirs sur Nestor Makhno, Éd. Allia, 1983, 28 p. — Gilbert Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, Éditions JCM. — Le columbarium du Père Lachaise : M à Q.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable