MIGLIORETTI Émile, Frédéric

Par Pierre Broué

Né le 4 mars 1894 à Vienne (Isère) ; mort le 5 mars 1937 à Marseille (Bouches-du-Rhône). Ouvrier du textile, puis marchand forain ; secrétaire de l’Union locale CGT de Vienne.

Fils d’un tisseur d’origine italienne, Émile Miglioretti était en 1914 ouvrier dans une usine de textile à Vienne. Ajourné par le conseil de révision, il joua, en dépit de son âge, un rôle très important dans le mouvement ouvrier viennois décapité par la mobilisation. Il était en même temps secrétaire de l’Union locale des syndicats et du groupe socialiste de Vienne. Il se lia avec Herclet, autre jeune militant socialiste, et Richetta, plus âgé, militant anarchiste : les trois hommes furent les dirigeants des travailleurs de Vienne qu’ils essayèrent d’entraîner de la lutte pour leurs intérêts corporatifs à la lutte contre la guerre.

Lorsque le 7 février 1917, la grève éclata dans les usines de textile, Miglioretti fut, sur le coup, si surpris qu’il télégraphia à Berthet, secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers de l’Isère : « Grève textile déclarée. Surexcitation grande. Sommes pas maîtres du mouvement. Situation critique. » Mais, le 9, le patronat céda, accordant une augmentation de salaire uniforme. Désormais plus sûr de lui, Miglioretti fut de ceux qui poussèrent à l’action au congrès de la CGT à Saint-Étienne (mars 1918), allant jusqu’à parler de « descendre dans la rue, envoyer un ultimatum au gouvernement, pratiquer l’action directe ». La police, qui surveillait les trois hommes depuis des mois, obtint l’ouverture d’une information contre eux. Un millier d’ouvriers viennois vinrent les attendre à la gare et les acclamer à leur retour d’un premier interrogatoire à Lyon, le 20 avril, et d’un second, le 30. Au congrès minoritaire tenu à Saint-Étienne, les trois hommes annoncèrent le début de la grève à Vienne pour le 21 mai. Elle éclata effectivement ce jour-là. Le 23, ils étaient tous trois emprisonnés.

Déférés ensemble devant le tribunal militaire, ils furent condamnés, le 3 août 1918, à cinq ans de prison et 3 000 F d’amende. Grâciés après l’armistice, ils revinrent le 30 décembre 1918 à Vienne, qui leur fit un accueil triomphal. Ils reprirent leurs fonctions syndicales et apparurent alors comme les porte-drapeaux de la tendance révolutionnaire à l’intérieur des syndicats et des comités syndicalistes révolutionnaires dont ils avaient été parmi les premiers adhérents. Ils se retrouvèrent à nouveau ensemble à la tête de la grève de septembre 1919. Après l’arrestation de Richetta, Miglioretti, dans une assemblée générale de trois mille grévistes du textile, le 15 septembre, retrouva ses accents de 1918 pour appeler à l’action directe. Mandaté par le comité de grève, ayant formé des représentants syndicaux et de grévistes élus, il alla demander au CCN de la CGT à Paris un appui financier qu’il obtint.

Mais, alors que les grèves de 1918-1919 constituaient la première étape d’une carrière de militants professionnels pour Herclet et Richetta, elles ne furent qu’un épisode dans la vie d’Émile Miglioretti « non moins passionné et non moins éloquent » que ses deux camarades, mais dont « la vie austère, le comportement et jusqu’au costume » semblaient « faire un ascète plutôt qu’un homme public ». En 1920, il décidait brusquement de quitter Vienne et son ancien métier et devenait marchand forain. Il revint pourtant précipitamment à Vienne au début d’août 1922, lors d’une nouvelle grève du textile, au moment où Herclet venait d’être arrêté et où Richetta se cachait : il rejoignit le comité de grève dont il fut pendant la durée du conflit le porte-parole prestigieux. Puis il retourna à son étal ambulant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article122274, notice MIGLIORETTI Émile, Frédéric par Pierre Broué, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

Par Pierre Broué

SOURCES : Arch. Nat. F7/12994, 13604 et 13821. — Arch. Dép. Isère, 92 M 245 et 250, 166 M 2. — Claudette Boude, La CGT dans l’Isère 1911-1918, TER Grenoble, 1972. — Suzy Plan, Industries et syndicats dans l’Isère, DES, Grenoble, 1958. — État civil.

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